Archives mensuelles : janvier 2009

au 26ème étage

HarperStudio, une maison d’édition du groupe Harper Collins, a besoin d’un site web. Réunion. Questions. Quel site web voulons-nous ? Faut-il vraiment dépenser des dizaines de milliers de dollars ? Quel sera le retour sur investissement ? Écoutons Debbie Stier, éditeur associée :

«  Nous avons eu une discussion au 26ème étage sur le type de présence web dont nous avions besoin pour que notre activité d’édition soit un succès.

Étant donné que nous avons prévu d’importantes campagnes de web marketing pour chacun de nos ouvrages, nous avons besoin d’un beau site web, non ?

En essayant de nous représenter l’étape suivante, nous avons démarré ce blog, www.26thstory.com… pour environ 15 $ par mois. C’est artisanal, sans fioritures… mais cela permet de montrer des vidéos et des photos, de poser des qestions et d’accueillir des commentaires, et il possède des pages auteur vibrantes, vivantes, comme celles de Emeril et Joann Davis, et nous en aurons une pour chaque auteur que nous signerons.

Ce qui ma conduit à demander : Pourquoi avons-nous «  besoin  » d’un site web ? Nous avons scruté des propositions de centaines de milliers de dollars, et je ne suis toujours pas très au clair sur ce qui peut justifier une telle somme. Je comprends bien sûr la différence entre les fonctionnalités, simplement, je ne vois pas le retour sur investissement.

Presque chaque personne ayant une opinion sur la question qui me préoccupe hautement dit que oui, nous avons besoin d’un site web. Et cependant personne ne semble capable d’expliquer «  POURQUOI  » d’une manière qui fasse sens pour moi.

Alors je vous pose la question, à VOUS. .. Que gagnerons à avoir un site web, à part y engouffrer des centaines de milliers de dollars ?  »

On peut lire ici les commentaires, et voici la conclusion de Debbie Stier :

Vos commentaires sur ma question étaient passionnants. J’ai lu et utilisé chacun d’entre eux. Résultat : nous avons décidé d’oublier le site web coûteux, et de plutôt utiliser un site WordPress. Nous avons trouvé un développeur nommé Steffen Rasile, du SRA Design Studio à Helena, Montana, pour s’occuper de la partie technique. Amitiés à Steffen. C’était génial de travailler ave lui.

La réalisation complète nous a coûté 10 000 $. C’est simple à mettre à jour par chacun d’entre nous et par les auteurs. Nous espérons que ce sera un lieu agréable. C’est un «  work in progress  ».

Et vous, si un éditeur vous posait la même question, que répondriez-vous ? Que pensez-vous du site d’Harper Studio ?

Neelan Choksi (Lexcycle) : conseils aux éditeurs

(mise à jour du 29/01 : le blog d’Aldus reprend le thème de ce billet… Et une discussion intéressante suit, concernant le format ePub.)

Teleread publie une interview de Neelan Choski, COO de Lexcycle, la société qui a créé Stanza, l’application permettant de lire des livres numériques,  notamment au format ePub,  sur iPhone et iTouch. Stanza a été téléchargé plus d’un million de fois, et Lexcycle a signé des accords,  avec des partenaires comme Fictionwise, Smashwords et Feedbooks,  lui permettant de proposer de très nombreux titres.

Intéressant de lire les conseils que donne Neelan Choski aux éditeurs :

  • Trouvez un moyen économique pour convertir vos titres (fond et nouveautés) au format numérique. Cela permet aux éditeurs d’entrer dans le jeu. Je crois que beaucoup d’éditeurs convertissent en priorité leurs nouveautés, mais peut-être que certains titres du fond peuvent également l’être, tout d’abord les plus populaires, puis dans un second temps ceux qui le sont moins. Si l’éditeur est en relation avec un distributeur, il doit pousser le distributeur à l’aider dans ce travail de conversion, à un coût raisonnable. Si le distributeur n’est pas en mesure de le faire, ou demande un prix trop élevé pour la conversion, trouver un distributeur qui peut le faire mieux. Sous-traitez cela s’il le faut. Ce n’est pas si difficile de prendre un fichier, et, à l’aide des outils qui existent aujourd’hui, de le convertir en ePub.
  • Soutenez le format ePub. Plus ce format aura de succès, plus la tâche des  éditeurs sera allégée à long terme. Diffuser des livres en ePub et encourager les revendeurs à adopter le format ePub, cela conduira à long terme à un travail moindre de conversion pour les éditeurs et les distributeurs.
  • Commencez à modifier et ajuster vos accords avec les auteurs et les agents pour aller vers un abandon des DRM. En particulier en ce qui concerne les titres du fond, si vous vous débarrassez des DRM, vous économisez 3 à 5% des coûts, ce qui aboutit à un profit supérieur et à un prix inférieur pour les lecteurs.
  • Demandez à vos revendeurs de vendre vos livres à un prix correct. Un monde ou un livre numérique serait vendu 24,95 $ alors que le lecteur peut acheter le livre physique pour 12,99 $ (parce que le livre vient de sortir en poche)  n’existe pas. Combien de gens se détourneront définitivement du livre numérique s’ils constatent que les prix des livres physiques sont inférieurs ?
  • Obtenez un meilleur reporting et une meilleure information de la part de vos partenaires (en particulier les distributeurs et les revendeurs.) Et assurez vous que les gens dans leur société font quelque chose de cette information.
  • Mouillez-vous ! Essayez différentes choses avec différents revendeurs. Observez ce qui marche et ce qui ne marche pas.
  • Ayez un budget pour développer le marketing de vos livres numériques. L’une des choses les plus surprenantes que j’ai entendues récemment était qu’un éditeur a un budget marketing pour défendre ses livres dans les librairies physiques, mais n’a pas le budget identique (ni même inférieur), pour aider à la promotion de ses initiatives dans le domaine des livres numériques.

Neelan indique par ailleurs qu’en 2009  Stanza va être adapté pour le Blackberry et pour Androïd. Il évoque  également, se refusant à la commenter en détail,  l’affaire des «  droits territoriaux  », qui a conduit Hachette USA à suspendre la vente de ses livres numériques via plusieurs e-distributeurs américains.

Suivez cet homme !

Je n’ai jamais rencontré Jose Afonso Furtado. Je ne connais de lui que ce ce que m’en disent Twitter et LinkedIn : qu’il dirige la bibliothèque d’art de la Fondation Gulbenkian à Lisbonne, qu’il enseigne à l’Université Catholique de Lisbonne où son cours s’intitule «  Books and Publishing in Digital Era  ». Je sais aussi qu’il est un formidable dénicheur d’informations, et qu’il partage, en plusieurs langues ses découvertes avec ses 584 followers dans Twitter. J’ai voté pour lui pour les Shorty Awards, sans hésiter une seconde. Vous qui suivez de près l’actualité de l’édition en relation avec les évolutions du numérique, suivez cet homme !

ABC

Il y a quelques jours, D. nous a rapporté ce livre : ABC 3D, de Marion Bataille. Je ne vous l’aurais pas montré si je n’étais  tombée sur cette vidéo sur le blog de Penguin (bien trop paresseuse pour faire la vidéo moi-même) :

Penguin a demandé à plusieurs de ses directeurs artistiques quelles étaient leurs couvertures préférées en 2008. L’une a choisi de montrer un livre entier…

Coralie Bickford-Smith, Senior Designer :

J’aime ce livre. Il incarne tout l’esprit et le potentiel du livre dans ce qu’il a de meilleur, en tant qu’objet tactile, beau et surprenant. Aujourd’hui, alors que les terminaux de lecture numérique proposent une expérience radicalement différente, ce livre représente ce pourquoi le livre en tant qu’objet physique, imprimé, devrait et bien sûr va continuer à vivre.

Marion Bataille explique sur le site de TV5 :

« J’ai passé deux ans à le concevoir avec des ciseaux, de la colle et du carton. (…) Je voulais que le mouvement d’ouverture de la page déclenche automatiquement le déploiement de la lettre sans que l’on ait recours à des languettes, et n’ai utilisé que trois couleurs : le blanc, le noir et le rouge. »

Trois couleurs, 2 ans de travail, et toutes les rêveries que les 26 lettres de l’alphabet peuvent engendrer.

Passer en première

Souvent, la question est : «  Sur quoi lirons-nous ?  », et c’est une question plutôt amusante, bien que tout le monde semble avoir compris maintenant qu’elle comporte de multiples réponses. Nous lirons sur papier, sur écran, sur e-paper. Nous lirons sur les écrans lumineux et connectés de nos PC, de nos netbooks, de nos iPhones,  nous lirons sur les écrans calmes de nos liseuses. Nous nous poserons pour lire longtemps. Nous lirons aussi rapidement, entre deux rendez-vous, entre deux stations, entre deux gares. Nous lirons de longs textes, nous lirons des bribes, nous aurons des lectures interrompues et désordonnées, et des lectures sans fin. Nous lirons à voix haute, nous lirons à plat ventre, nous lirons en cachette, nous lirons distraitement, nous lirons les sourcils froncés…

Euh… En es-tu bien sûre, Virginie ? Et si la question n’était pas : «  sur quoi lirons-nous ?  » mais plutôt «  allons-nous continuer à lire ?  »

Adrian Hon réfléchit sur cette question dans un long billet : «  The Long Decline Of Reading«  . Adrian conçoit des jeux vidéo, plus particulièrement des ARG (Alternate Reality Games). Il est aussi le concepteur de l’opération «  We tell stories«  , l’une des expériences émanant d’un éditeur (Penguin UK) les plus intéressantes de l’année 2008. À la lecture de son article, je réalise que les différentes réalisations de We Tell Stories ne sont pas des alternatives à la lecture, mais sont plutôt conçues comme des «  embrayeurs  » de lecture.

Voici la conclusion du billet d’Adrian (traduction maison) :

Allez dans n’importe quelle conférence sur les jeux vidéo, nous entendrez les gens parler de «  récompense  ». Les concepteurs ont réalisé (ou décidé ?) que récompenser le joueur en permanence était le moyen de l’accrocher. Ces récompenses peuvent prendre la forme d’extraits d’histoires, de nouveaux niveaux ou de nouveaux mondes, de trophées, d’animations, de vidéos, de points… qu’importe. Quellles qu’elles soient, elles doivent revenir régulièreemnt et fréquemment pendant la totalité du jeu, et, le plus important, au début du jeu.

Dans les dix premières minutes de beaucoup de nouveaux jeux, les joueurs reçoivent un tel tourbillon de récompenses qu’on ne pourrait leur en vouloir s’ils simaginent avoir gagné à la loterie, vaincu le cancer, ou réussi à finir le jeu. Cela peut sembler ridicule, et parfois ça l’est, mais un encouragement constant maintient le joueur en contact avec le jeu suffisamment longtemps pour qu’il entre dans l’histoire et dans le gameplay.

Les livres ne sont pas interactifs. Vous ne pouvez pas donner aux lecteurs des récompenses parce qu’ils ont réussi à atteindre la page 6 (bien que…) Le principe est cependant le même : vous devez donner de l’élan au lecteur. Vous devez l’aider à traverser ces dix premières minutes énervantes, pendant lesquelles il n’est pas encore immergé dans le flux, et qu’il est encore susceptible d’être distrait par la télé, la radio, son portable, son ordinateur. Après ces dix minutes, s’il est accroché, il est accroché…

C’est facile et c’est amusant de vouer aux gémonies les nouveaux médias comme les jeux vidéo et internet, mais d’eux,  nous pouvons apprendre beaucoup. Les designers de jeux n’ont jamais connu d’époque où il n’existait pratiquement pas de distractions. Ils ont toujours du combattre pour leur attention dans le plus grand torrent de divertissements de l’histoire. Faire que ces premiers paragraphes, ces cinq premières pages, soient toujours plus palpitantes sera la meilleure manière d’attirer de nouveaux lecteurs. Que cela soit réalisé au moyen de texte ou d’une présentation, via des sonneries de cloches et des sifflements ou du drame, l’objectif est de capturer l’attention. et ensuite, graduellements, insidieusement, engager les gens à continuer à lire par la seule force de la narration .

Nous avons tous besoin d’embrayeurs pour lire des livres. Dieu sait que j’en ai besoin – et si je tombe du train de la lecture en lisant un livre qui ne me plait pas, il peut se passer des semaines avant que je n’entame un nouveau livre.

Des embrayeurs de lecture ? Et puis quoi encore ? Je n’en ai pas besoin. Vous n’en avez pas besoin non plus, chers lecteurs de teXtes. Mais Adrian nous parle des «  digital natives  », ceux qui ont grandi dans une cacophonie d’informations, assaillis d’occasions de divertissements. Si vous n’en avez pas sous la main, essayez de vous procurer un ado, et posez-lui la question :   » Tu lis quoi en ce moment ?   » Bien sûr, il y a des exceptions : votre neveu, qui a commandé «  les Mémoires d’outre-tombe  » à Noël, votre filleul, qui n’entend pas quand on l’appelle à table parce qu’il est plongé dans «  Le temps retrouvé  »…  Cherchez alors un ado plus représentatif, si vous voulez, je peux vous en prêter un.

Moi,  ce dont j’avais besoin, en ce début d’année, c’est d’un embrayeur d’écriture. Merci Adrian de me l’avoir fourni avec ton billet.