L’écrivain canadien Michael C.Milligan écrit un roman, sur Internet, en 3 jours, là, maintenant, tout de suite. Cela se passe sur http://3d1d.1889.ca/.
MCM a passé un mois à se préparer à l’expérience, il a écrit des pages et des pages de notes sur chacun des chapitres. C’est aussi quelqu’un de très familier avec la technologie, il sait programmer.
Il utilise une pléiade d’outils Internet pour mener à bien cette expérience d’écriture en live : Google Docs pour l’écriture, Meebo, qui permet de juxtaposer une fenêtre de chat dans laquelle peuvent échanger les personnes qui suivent l’expérience, mais aussi Twitter et Facebook, WordPress pour bloguer les coulisses de l’expérience, et UStream qui diffuse dans une autre fenêtre les images de l’auteur au travail.
Cette expérience démontre une grande maîtrise dans l’intégration des outils, et illustre de manière puissante la maturité de ces outils web qui inaugurent des usages nouveaux. L’intégration dans un unique écran de ces différents outils, que l’on convoque grâce à des onglets est assez impressionnante. La fenêtre principale permet d’afficher au choix la page d’accueil qui présente le projet, une page Google Docs pour suivre l’écriture en direct, le texte du tome précédent dont on peut afficher chacun des chapitres affiché dans une liste à gauche, le blog qui commente l’expérience.
A droite, la fenêtre se divise en deux. En haut peut s’afficher la vidéo live de l’auteur en train d’écrire. En bas, on choisit grâce à des onglets d’afficher la fenêtre de chat (meebo), le fil twitter, la page facebook, un espace « merchandising » (Zazzle) permettant d’acheter des T-shirts #3D1D portant certaines phrases, ou personnalisés avec une inscription que l’on peut choisir.
L’auteur questionne ceux qui suivent l’expérience, leur demande leur avis sur l’évolution de l’intrigue ou bien sur des détails (suggestion pour le nom d’une marque de cigarette en 2038, le nom d’un personnage égyptien, la couleur d’un véhicule, le choix d’une arme…). En consultant le tag #3D1D sur twitter, j’ai vu qu’à un moment il demande qu’on lui suggère un surnom pour un personnage français. Deux suggestions : « Depardieu » et « Corbusier » …
L’auteur twitte régulièrement aussi des statistiques : tel chapitre est terminé, il comporte tant de mots. Il y a un petit côté marathon, c’est un peu « on achève bien les chevaux » : parfois MCM indique qu’il va aller dormir quelques heures, 2 ou 3 pas plus, que son cerveau demande grâce.
Je suis très impressionnée par ce dispositif, par cette juxtaposition d’outils, et cette manière de s’en emparer, avec un mélange de simplicité et d’humour.
L’auteur occupe une place centrale : c’est le maître de cérémonie, c’est lui qui se montre, c’est lui qui est au clavier, qui déploie son récit. Il écrit devant autrui, assumant ses hésitations, ses repentirs. Parfois on peut le voir effacer tout un paragraphe, ou simplement le dernier mot écrit.
Les lecteurs, on pourrait presque dire les joueurs, parce qu’il y a une dimension ludique dans tout cela, l’encouragent, commentent ce qu’ils lisent, répondent aux questions que leur pose l’auteur.
Il semble qu’il y ait un premier cercle, parmi ces lecteurs, d’amis qui sont aussi des auteurs, et animent le blog de commentaires, effectuent des tris parmi les suggestions proposées par les lecteurs.
On souhaiterait que le « framework » soit disponible à qui souhaite l’utiliser à son tour, et ce pourrait être dans des contextes très variés. Utilisé par d’autres auteurs tentés par l’expérience, sans qu’elle prenne nécessairement la forme d’un marathon (même si le « live » nécessite un rendez-vous, un temps fixé pour que chacun se connecte en étant sûr qu’il se passe quelque chose en ligne). Je pense aussi à des expériences en classe, ou lors d’ateliers d’écriture.
Et vous, que vous inspire ce dispositif ?
(signalé par mail par Eli James, du blog Novelr, centré sur la « Web Fiction »)
@liminaire indique sur twitter que cette expérience lui fait penser à celle de Nicolas Ancion, décrite ici, à la fin du billet.