Archives mensuelles : décembre 2011

Qu’est-ce que j’peux lire ? J’sais pas quoi lire…

Comment décidez-vous quel sera le prochain livre que vous lirez ? Aux réponses classiques, issues d’un monde où la seule possibilité pour lire un livre était de se déplacer pour s’en procurer une version imprimée, se sont déjà ajoutées de nouvelles pratiques, avec la possibilité de découvrir des livres imprimés, puis des livres numériques, directement sur le web.

Les occasions de découvrir un livre sur le web sont diverses : les libraires en ligne nous ont habitués à des recommandations fondées sur des algorithmes basés sur notre comportement en ligne, croisé avec celui des autres internautes : ceux qui ont acheté ce livre ont aussi acheté… /  ceux qui ont consulté cette page ont aussi consulté… / Vous avez aimé … vous aimerez peut-être…  Cette recommandation basée sur l’analyse des données a ses limites (Amazon m’a ainsi gentiment adressé il y a quelques années un mail me disant : «  vous avez aimé Cahier d’exercices Anglais seconde,  vous aimerez aussi Cahier d’exercices Allemand seconde  »…).

Lecture et réseaux sociaux

Certains réseaux sociaux dédiés aux livres, comme Babelio, LibraryThing, GoodReads, Anobii ,  proposent une forme différente de médiation : basés sur des contenus générés par les utilisateurs, et sur ceux d’entre eux qui mettent en ligne les métadonnées de leur bibliothèque, ils nous permettent de découvrir des lecteurs ayant des goûts de lecture proches des nôtres, des bibliothèques assez similaires. Ceux des livres de leur bibliothèque que nous ne connaissons pas ont alors de bonnes chances de nous intéresser.

Et bien sûr, sur les réseaux sociaux plus généralistes, ceux des gens que nous suivons, ceux de nos «  friends  » que nous connaissons le mieux, peuvent nous inspirer dans nos choix, dès lors qu’ils partagent de temps en temps leur enthousiasme pour un titre.

Un petit exemple d’échange de twitts, assez caractéristique. J’ai commencé à lire avant-hier le dernier livre d’Enrique Vila-Matas, Chet Baker pense à son art.  J’ai fait part de mon enthousiasme sur Twitter, comme cela m’arrive parfois, assez rarement en fait, mais de temps en temps.


Quelques instants plus tard, un twitt de Christine (@cgenin), que je connais :


suivi d’un autre de @lizarewind que je ne connais pas, et ne suivais pas sur Twitter (maintenant si), mais dont je vois le twitt parce qu’il inclut mon identifiant  :

@lizarewind inclut aussi une certaine @CristinaRiera dont elle doit connaitre l’intérêt pour cet auteur, et @CristinaReira réagit à son tour :


Cet échange a duré quelques minutes, pendant lesquelles quelques uns de nos followers (à nous quatre, cela fait plus de 5000 personnes) auront peut-être eu la curiosité de cliquer sur le lien vers le site d’Enrique Vila-Matas, et certains, peut-être en quête de leur prochaine lecture, opteront, qui sait,  pour ce livre plutôt que pour un autre… Ce livre, qui, à lui tout seul, est un véritable outil de recommandation, chaque page vous donne l’envie de lire un auteur, c’est la spécialité de Vila-Matas, que de faire ainsi l’entremetteur, et je dois à ses précédents livres de nombreuses découvertes. (En fait, quand j’y pense, c’est mon moyen préféré de découvrir des livres, les découvrir dans des livres.)

Des exemples comme celui-ci sont légion, c’est le bouche à oreille numérique, un bouche à oreille infiniment plus rapide que le bouche à oreille IRL, même s’il est contrarié par ce qui fait sa puissance : chacun est suivi par un grand nombre de gens, mais en suit également beaucoup, et il n’est guère possible de tout lire, et encore moins de cliquer sur l’ensemble des liens proposés par notre timeline…

Small Demons

J’ai déjà évoqué SmallDemons, dans le compte-rendu que j’ai fait de la conférence Books in Browsers, où le fondateur de ce site assez impressionnant l’avait présenté. Encore un site dédié à la découverte des livres, qui propose en fait de naviguer d’un livre à l’autre en passant non pas par les lecteurs de ce livre (il aime les même livres que moi, alors je devrais aimer des livres qu’il a lus et pas moi…), mais par le contenu des livres même. La vidéo explique bien le concept.

Et le résultat est impressionnant : pour chaque livre sont listés et illustrés par des visuels très bien présentés par catégories, les personnalités, les musiques, les mets, les boissons, les objets, en fait , tous les noms propres qui ne sont pas fictifs, et peuvent être des noms de marques.

Si dans tel roman policier de Sue Grafton un personnage écoute une chanson tirée de Blonde on Blonde de Bob Dylan, l’image de la pochette du disque s’affiche, à côté des images des pochettes des autres morceaux cités dans le livre. Au clic sur cette image s’affichent tous les livres dans lesquels cet album est cité…

WhichBook

Un autre twitt me conduit aujourd’hui vers le site WhichBook, qui propose une autre manière de choisir un livre, avec une interface permettant de régler jusqu’à quatre curseurs présentant des oppositions du type : happy/sad, funny/serious, safe/disturbing.

Cela me rappelle un  outil dont j’avais eu l’idée au début des années 2000 pour le site web d’un éditeur jeunesse, et qui avait abouti à la création d’une petite application en flash qui s’appelait un «  j’sais pas quoi lire  », et proposait aux jeunes lecteurs, sous une forme graphique, une succession de choix du type : préfères-tu les histoires d’aujourd’hui, du passé, ou dont l’action se situe dans le futur ? Une série de clics leur permettait d’affiner ainsi leur choix qui aboutissait à une liste d’ouvrages de l’éditeur concerné. Le site n’est plus en ligne, alors, pas de lien…

Pour permettre ce type de sélection des livres, il a fallu évidemment que les livres soient indexés en fonction de leur adéquation à ces critères, et les livres l’ont été effectivement, manuellement, par des volontaires. Chacun peut publier sur WhichBook ses listes de livres indexés.

Un site français, Culture Wok, développé par l’association Le Wok en Travaux , propose quelque chose d’assez proche pour les livres, mais aussi les films, les jeux, les vins, la musique. Plusieurs bibliothèques ou médiathèques et libraires ont aussi leur propre Wok, essentiellement en région Aquitaine. Il manque à ce site une visibilité donnée à l’utilisateur sur l’ensemble du catalogue utilisé pour la recherche, cette visibilité étant présente sur le site WhichBook, avec une liste complète des auteurs. Il est toujours désagréable d’utiliser pour une recherche un outil sans avoir la moindre idée de la manière dont il fonctionne, pas plus que de la base d’ouvrages qu’il consulte pour fournir des résultats. Je n’ai pas non plus trouvé comment commander un ouvrage une fois sélectionné. Le site est en beta, alors, espoir…

Répertorier les «  qu’est-ce que j’peux lire  » ?

Il n’y aura jamais trop de dispositifs offerts aux internautes, proposant dans l’infini des objets numériques disponibles sur le web des repères, des balises, des panneaux de signalisations, des moyens de trier, de choisir, de découvrir, de sélectionner. Les architectes ne suffisent pas, il faut des urbanistes, pour penser les déplacements, les regroupements, les proximités. En complément de la médiation proposée par les libraires et les bibliothécaires, qui ne peuvent accompagner individuellement la totalité des lecteurs, plus les outils web (et mobile) seront nombreux, divers et bien pensés, plus les livres auront des chances de rencontrer les lecteurs qui les attendent.

Je proposerais volontiers à ceux qui ont eu le courage de lire ce billet jusqu’ici d’indiquer en commentaire d’autres exemples de sites «  qu’est-ce que j’peux lire  ».

Immersedition, fiction et interactivité

Basée à Dallas, la société Chafie Creative Group propose une application iPad nommée Immersedition, et déclare «  inaugurer un nouvau type d’applications de lecture interactive  ».

Le premier titre concerné est The Survivors,  d’Amanda Havard. Le livre comporte 300 points tactiles, qui permettent d’accéder à 500 fenêtres de contenu interactif insérées dans les pages du livre via des zones sensibles.

Chaque zone sensible révèle des éléments comme des précisions sur des faits historiques, des cartes (Google Maps), des photos, des vidéos, des profils de personnages qui diffèrent selon l’endroit où ils sont situés dans l’histoire. Il y a aussi trois bandes son originales, qui peuvent être lancée à des points clés. Il existe aussi des profils Twitter pour cinq des personnages, qui continuent de twitter et d’ajouter du contexte en contrepoint de l’histoire. Tous les contenus fonctionnent hors connexion, sauf les cartes et les fils Twitter.

Je suis  impatiente de connaître le destin de ce livre numérique interactif, de savoir s’il rencontre un succès, s’il plait suffisamment au public pour ne pas demeurer  – ce qui est souvent le cas de ce type d’objet – une  expérimentation, plus amusante à réaliser qu’à utiliser.

(via Gigaom)

innovation, jeunes pousses, et livre numérique

GeekWire rapporte que s’est tenu le week-end dernier une rencontre intitulée Ebook Innovation Summit, qui rassemblait à Redmond  quelques jeunes sociétés qui innovent dans le domaine du livre numérique.

Cette rencontre a mis en lumière des start-ups qui  développent, «  à l’ombre d’Amazon  », des technologies pour diverses plateformes.

L’événement était organisé par Roy Leban, fondateur de Puzzazz, une société  qui développe des livres de jeux (de type Sudoku, mots croisés etc.) pour le Kindle. Une particularité commune à ces start-ups, c’est qu’elles sont pour la plupart largement dépendantes de tiers, dont les principaux sont Amazon, Apple, Barnes & Noble ou Adobe. Mutualiser certaines informations et bonnes pratiques sera un atout certain, et devrait contribuer à améliorer la qualité de leurs produits et services.

Parmi les entreprises présentes, citons Bluefire, qui réalise des applications de lecture personnalisées pour Androïd et iOs. Bluefire vient de réaliser une application de lecture pour le compte d’Indiebound, le portail de la librairie indépendante US, destinée aux clients des libraires qui utilisent la solution de Google.

Est-ce que les entreprises du même type qui se développent de ce côté-ci de l’atlantique, les Actialuna (qui viennent de lever des fonds, ) Babelio, Feedbooks, Walrus et quelques autres ont aussi des moments de rencontre un peu formalisés ? Au moment où s’annonce (une fois de plus, mais qui pourrait bien être la bonne…)  le démarrage du livre numérique en France, la vivacité d’un secteur développant de nouveaux services, de nouveaux produits et de nouvelles approches est essentielle. Je n’ai cité que très peu d’exemples, aussi, jeunes sociétés innovantes dans le domaine du livre numérique (ou développant de nouvelles techno au service du livre), n’hésitez pas à vous signaler en commentaire…