Où je veux, quand je veux, mais pas dans Le Monde

Le Monde nous avait déjà gratifiés le week-end dernier d’un décevant dossier sur le livre électronique, qui mentionnait à peine le Kindle d’Amazon, et dont l’article principal se terminait par l’une de ces considérations que l’on n’a jamais lue nulle part du type « et je retrouve mon bon vieux livre, ouf, qui sent si bon l’encre et le papier ». (Je n’ai plus les termes exacts, et n’ai pas envie de payer pour les retrouver, parce que, deux jours après sa parution, le Monde 2 du week-end dernier est déjà en consultation payante.)
Donc, le week-end dernier, ce récit d’un journaliste risque-tout, qui s’est aventuré courageusement à lire sur une liseuse… Un récit empreint d’une sorte de commisération pour l’état encore tout à fait améliorable de la lecture de livres électroniques.

Curieusement, de l’autre côté de l’Atlantique, tout est beaucoup plus brillant et beau. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a tout compris (ça, on le savait déjà, merci), son Kindle est plus beau que notre Cybook et notre Iliad réunis, tellement lisible et sexy. On croirait presque lire sur un vrai livre, il ne manque plus que le parfum de l’encre, d’ailleurs le titre de l’article du Monde paru aujourd’hui désigne l’objet comme un livre. Combien faudra-t-il de temps pour que chacun se résolve à dissocier les deux sens que le terme « livre » comporte, à la fois objet et texte, support et contenu, et apprenne à faire la différence entre une liseuse et un livrel, entre la boiboite bourrée d’électronique qui sert à restituer un fichier informatique sous une forme lisible et le texte électronique que l’on a téléchargé dessus ? Personne ne songe à dire qu’Apple a lancé son dernier « disque électronique » en parlant de l’arrivée du dernier iPod. J’aime bien aussi la conclusion de l’article, qui montre un Jeff Bezos si merveilleusement précurseur qu’il pense déjà à la suite, lui, pas comme nous autres pauvres européens qui ne savons même pas numériser proprement « l’élégance du hérisson » ; la suite, bien sûr, heureusement qu’il y pense, Jeff, parce qu’ici, évidemment, personne n’en a entendu parler de l’écran enroulable…

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8 réponses à Où je veux, quand je veux, mais pas dans Le Monde

  1. Guillaume dit :

    Cadeau d’un abonné, Virginie : la conclusion de l’article du Monde 2 (protégée par l’exception de citation, j’espère…)

    « Comment lire sans pouvoir corner une page, ni caresser son grain, ni l’entendre bruisser quand on la tourne ? Question d’habitude et de génération sans doute, philosophe-t-on à peu de frais lorsque notre œil se trouve être attiré, en haut de l’écran, par une petite icône bien connue : celle d’un caddy. Un clic et nous voilà… sur le site d’Amazon, qui nous propose derechef d’acheter Les Charmes discrets de la vie conjugale en version poche pour 7,13 euros. Un livre, un vrai, avec des feuilles en papier. Soulagement… »

    Effectivement un peu bateau.

    C’est vrai que le dossier du Monde 2 n’était pas bouleversant pour des gens qui ont le nez dans ces problématiques, mais je me dis que pour des néophytes complets, ce n’était peut-être pas une si mauvaise entrée en matière.

    Je suis toujours agacé par les papiers où l’anecdote remplace l’analyse (sur le mode « bon, ça y est, j’allume mon Cybook, voyons ce qui se passe ») mais le Monde 2 s’y prête, plus sans doute qu’à un test en profondeur du terminal à la Walt Mossberg ou David Pogue, ou qu’à une réflexion de fond sur le sujet (je relève d’ailleurs dans le dossier les bonnes feuilles du bouquin de l’éditeur de Gallimard, qui a l’air assez intéressant.)

    Et en bonus, un papier de Gilles Klein sur le site d’Arrêt sur Images, qui s’interroge sur l’énorme Kindle « posé » sur l’article du Monde :

    http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=451

  2. Curieux en effet ;-))) Le Monde est comme vous le savez disponible en version e-paper aux Etats-Unis sur le reader Kindle d’Amazon. Les Echos aussi. Et Amazon me semble mieux parti que Sony pour mettre le grappin sur le marché français.

  3. Guillaume dit :

    Je vous présente mes excuses à l’avance, mais pour poursuivre sur le sujet, je ne résiste pas au plaisir d’une petite délation.

    Pierre et moi avons présenté Babelio au Carrefour des Possibles de la FING mardi soir. En balayant machinalement l’audience du regard, nous nous sommes arrêtés sur cette scène incroyable : assis là, l’air de rien, sans même s’en cacher, Lorenzo EN TRAIN DE LIRE UN POCHE, oui Monsieur, un bon vieux Folio à l’ancienne, « un livre, un vrai, avec des feuilles en papier » !

    Notre seul regret, ne pas avoir eu le réflexe de prendre une photo, qui aurait fait un joli post à la Closer sur le blog de Babelio : « Lorenzo, tout sur sa relation secrète avec le papier ! Toutes les photos en page 5 ! »

    Pardon Lorenzo, mais ça nous a fait sourire…

  4. Virginie dit :

    @Guillaume : En ouvrant le monde 2 je ne m’attendais pas, bien sûr, à tomber sur un dossier « de fond » à propos du livre électronique. Et je n’ai d’ailleurs rien posté en début de semaine. Ce qui m’a conduit à écrire ce billet un peu rageur, c’est vraiment le contraste entre les deux papiers publiés à trois jours d’intervalle par le même journal, l’un limite pleurnichard pour raconter ce qu se passe en Europe, l’autre, à la limite du publireportage pour faire l’apologie d’Amazon.

    @Lorenzo : bien sûr qu’Amazon est le mieux placé. Reste la question de la fermeture du système, (Sony ne brille pas non plus par son interopérabilité) et la quasi-totale dépendance de ses acquéreurs à l’enseigne qui le commercialise. A quand une alliance Fnac-Bookeen_Orange, ou Alapage-Iliad-SFR ? Avec ce qu’il faut d’interopérabilité pour qu’un changement de machine ou de fournisseur d’accès ne signifie pas le sacrifice de sa bibliothèque électronique…

    @Guillaume : à quoi ça sert tous ces appareils photos ultra-légers si tu n’as pas le tien avec toi au moment du scoop ? Lorenzo, heureusement, l’audience de ce blog reste assez confidentielle. Promis, tout cela restera entre nous :)

  5. Bah je croyais être anonyme moi ;-) Si les blogueurs commencent à être reconnus, où vais-je ? ;-) En plus, pour tout avouer, il s’agissait d’ « Une histoire de la lecture », d’Alberto Manguel (chez Babel). Je vous le recommande à tous :-)

  6. Aldus dit :

    ça alors, Lorenzo, pris la main dans le sac !

  7. Irène Delse dit :

    Personnellement, le Kindle, je boycotte. Les systèmes fermés, non merci !

    @ Lorenzo : Je ne sais pas si Amazon s’intéresse beaucoup pour le moment à un lancement du Kindle sur le marché français. Y a-t-il eu des annonces en ce sens ? Il faudrait non seulement traduire le logiciel, mais adapter l’appareil pour remplacer leur système sans fil EVDO (qui ne marche qu’aux USA) par du Wifi.

    Il y a bien une rumeur de lancement en Europe, mais pour l’instant, seulement au Royaume-Uni… Voir un article du Times, cité sur Mobileread :
    http://www.mobileread.com/forums/showthread.php?t=20699

    @ Virginie : Pour la comparaison avec la musique, je constate qu’on parle toujours de « titres », de « morceaux » et d’un « album » pour les fichiers numériques. On passe dans l’expression courante de l’achat d’un support (un disque) à celui d’une œuvre (la chanson ou l’album).

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