Il y a déjà presque deux ans que j’ai évoqué pour la première fois l’Espresso sur ce blog. J’ai eu l’occasion de la voir fonctionner à la foire du livre de Londres. La machine de démonstration, dont la carosserie tranparente permettait de suivre toute les étapes de la fabrication du livre, a tourné à plein régime pendant trois jours, et je l’ai filmée pour vous avec mon appareil photo.
Imaginée par Jason Epstein, cette machine est déjà installée dans plusieurs bibliothèques américaines, et dans quelques librairies. Capable d’imprimer en quelques minutes un livre à l’unité, elle offre potentiellement au libraire ou au bibliothécaire la possibilité de n’être jamais en rupture. Lorsqu’il ne dispose d’aucun exemplaire d’un livre, il peut proposer à son client d’en imprimer une version pour lui. Il faut pour cela qu’une version numérique de l’ouvrage soit disponible, bien sûr. On imagine aussi l’avantage qu’il pourrait y avoir à disposer de telles machines dans les établissements d’enseignement.
Qu’est ce que cette machine, sinon un photocopieur perfectionné auquel on adjoint un module qui effectue les opérations de façonnage, afin de transformer en livre ce qui, sinon, serait un tas de feuillets fort désagréable à consulter. Avec l’Espresso, l’objet livre apparaît comme l’un des moyens, et sans doute l’un des plus agréables, pour accéder à une œuvre de l’esprit. Sa simple existence, même si elle demeure assez rare, et si la preuve de sa facilité d’usage, et de la possibilité d’une adoption massive reste à faire, nous aide à ne pas demeurer centrés exclusivement sur le livre imprimé. Elle rend visible ce qui, confié aux imprimeurs, et réservé à des tirages justifiant la mobilisation et le réglage d’une machine offset, demeurait auparavant caché, contribuant à ôter au livre une part de son mystère : le moment de la fabrication, l’instant où le texte s’installe sur la page, et où les feuillets assemblées deviennent un livre. Un pas de plus vers la désacralisation du livre. Avec l’impression à la demande, le livre devient une forme possible, et pratique, pour quantité de documents qui ne se limite pas à des œuvres littéraires : manuel, cours, cataloge, album souvenir, album photo, recettes de cuisine, tout document d’une certaine longueur peut désormais adopter cette forme. Et cette nouvelle accessibilité de l’impression croisée avec toutes les possibilités offertes par les technologies numériques pour générer des contenus, les mixer, les personnaliser, ouvrent la voie à quantité d’objets nouveaux.
Ajout du 25/04/09 : ce reportage de BBC news sur la machine Espresso :
Mise à jour du 8 mai 2009 : Alain Pierrot me signale un excellent billet paru sur le blog if:book, tout entier consacré à une longue réflexion sur la machine Espresso, quelques semaines après son installation dans une librairie londonienne. À quoi bon fabriquer un exemplaire imprimé d’un livre, à l’ère des liseuses et de la lecture sur téléphone mobile ? Réponse de Sonja Drimmer : la Présence.