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Yoyo

photo 2Le Forum de Tokyo n’avait pas lieu à Tokyo : pour m’y rendre, je n’ai pas pris l’avion, mais le RER C, et je suis descendue au pont de l’Alma que j’ai traversé en saluant affectueusement la tour Eiffel au passage. Puis j’ai dirigé mes pas vers le Yoyo, et suis descendue dans une salle située au sous-sol du Palais de Tokyo,  qui abrita brièvement les projections de la Cinémathèque Française, et est devenue un «  Un nouvel espace contemporain modulable dédié à la scène artistique, culturelle et événementielle«  .

Le Forum de Tokyo, organisé à l’initiative de l’AFDEL et du think-tank renaissance numérique, rassemblait pour une demi journée des professionnels du «  monde de la culture  » et des «  acteurs numériques  ».

Je ne résumerai pas les débats, dont on peut se faire une idée avec le hashtag #forumtokyo sur Twitter, ou voir la vidéo ici. Mais je vais me livrer à l’exercice privilégié du blogueur : je vais essayer de réfléchir tout haut sur cet événement, et tenter de mettre au point un faisceau encore assez flou de pensées concernant la relation entre le «  monde de la culture  » et les «  acteurs du numérique  », qui me turlupine depuis un moment.

En quittant le Yoyo, je pensais que l’opposition de deux mondes, celui de la culture et celui du numérique, était vraiment curieuse. Nous avons tous besoin de repères, et il est commode de schématiser, et de mettre dans des petites boîtes faciles à empiler ce qui nous dépasse par sa complexité. On aurait ainsi d’un côté les acteurs traditionnels, tous ces gens qui s’occupent à plein temps de faire en sorte qu’existent des livres, des films, des œuvres musicales, des programmes de télévision, des journaux. Et de l’autre, les acteurs numériques, tous ceux qui s’occupent à plein temps de…  changer le monde, un pixel après l’autre.

Il me semble plutôt quant à moi vivre dans un monde en mouvement, où les métiers se complexifient, où les frontières deviennent poreuses, et où le numérique concerne chacun et pas seulement les startups ou les géants du web. Si on reproche au monde de la culture de se cramponner à ses anciens privilèges de gatekeepers, il faut prendre garde de ne pas créer de nouvelles barrières, de nouveaux privilèges, de ne pas laisser confisquer le numérique, l’innovation, le changement par quelques uns. J’essaye toujours, avec parfois de la fatigue, de plaider pour l’hybridation, pour l’échange et l’écoute, pour la curiosité. Nombreux malheureusement sont ceux qui n’aiment regarder le monde que de là où ils sont assis, et considèrent que leur  point de vue est le seul qui vaille.

Les acteurs traditionnels savent que les objets dont ils s’occupent à plein temps, livres, films, musique, programmes audio-visuels, journaux, ne sont pas des «  produits comme les autres  ». Jetés dans un monde marchand, ces objets sont effectivement susceptibles d’être achetés et vendus et l’activité de création de ces acteurs se double d’une activité commerciale qui constitue un secteur économique important. Cependant le statut de ces objets diffère de celui de bien d’autres : ils ne sont pas exactement «  consommés  ».  On en prend connaissance, et cette connaissance demeure dans les mémoires. Ils concernent les individus mais aussi les relations entre les individus, organisent la pensée, les échanges, la sociabilité, la politique. Ce sont des objets de conscience, des objets de pensée, des objets de rêve. Une autre caractéristique fait que ces objets ne sont pas comme les autres ; ils sont tous numérisables. On peut numériser un livre, un morceau de musique, un film, une série télévisée, et pas une montre, un camion ou une bouteille de vin.

On a cru un moment que cela signifierait que seuls ces domaines, ceux travaillant sur des objets numérisables allaient être bouleversés  par le numérique. On s’aperçoit depuis quelques années qu’il n’est nul besoin que l’objet dont vous faites commerce soit numérisable pour que le numérique impacte très fortement une activité. Amazon a plus d’impact aujourd’hui en France sur les libraires par son activité de vente en ligne de livres imprimés que par la vente de livres numériques. Les biens mis en location via AirBnb ou les voitures que vous pouvez commander via Uber sont composés d’atomes et non de bits, et pourtant l’activité hôtelière et celle des taxis sont touchés avec l’arrivée de ces entreprises par une concurrence bien réelle.

Pensée post Yoyo numéro un :

La révolution numérique ne concerne pas exclusivement les activités qui concernent des objets «  numérisables  ». Elle est une conséquence de la généralisation de l’usage du web (avec le turbo que constitue la mobilité) : un poids nouveau des clients / usagers / utilisateurs / consommateurs, la possibilité pour les gens comme vous et moi de faire entendre leur avis, et l’arrivée de plateformes qui rendent possible des actions autrefois impensables.

Pour ceux qui produisent des biens    »numérisables  », c’est un double changement   :
1) le même changement que tous les autres acteurs économiques, lié à l’usage du web qui se généralise et à la puissance des plateformes susceptibles d’en exploiter tous les  avantages.
2) le fait que les biens dont on parle sont numérisables, et susceptibles d’évoluer non seulement dans la manière dont ils sont commercialisés, mais aussi dans la manière dont ils sont conçus, fabriqués, acheminés et utilisés, voire dans leur statut ou leur définition.

Pensée post Yoyo numéro 2 :

Là où les acteurs traditionnels diffèrent très fortement les uns des autres, c’est dans les différences d’expériences que proposent leurs versions numériques respectives vis à vis de l’expérience analogique. Le degré de substituabilité varie très fortement, et ce degré conditionne fortement les conséquences de la numérisation sur les usages et sur les conditions de circulation de ces objets.

Bruno Patino indique que les expériences autour d’une œuvre ne sont pas substituables, et par expérience il entend le tryptique œuvre – interface – contexte d’utilisation.

Je suis d’accord sur sa définition de l’expérience autour d’une œuvre, mais je crois que cette expérience dispose d’un degré de substituabilité qui varie selon les types d’objets, et qui conditionne forcément la vitesse et la profondeur des bouleversements apportés par le numérique à l’activité concernée. Il me semble que ce degré est très élevé pour la musique, beaucoup moins pour le livre, et effectivement, beaucoup plus faible encore pour l’audio-visuel (dont parlait Bruno Patino).  Et que ceci explique que la musique a été la première touchée par la vague, que le livre a suivi, et que l’audio-visuel est concerné à son tour.

Je crois aussi que plus on est un amateur averti dans un domaine artistique, plus on est cultivé dans ce domaine, moins l’expérience est substituable. Le mélomane entend des différences que d’autres n’entendent pas, tout comme le cinéphile voit des détails que d’autres ne perçoivent pas. Il en est de même pour les livres : le lecteur savant s’enchantera de la présence d’un moteur de recherche,  l’amateur de littérature souffrira plus qu’un autre de la mise en page encore améliorable de nombreux livres numériques. Mais le fait que les expériences sont non substituables n’indique pas qu’il faille en rejeter certaines à priori : cela permet au contraire de les juxtaposer, de les additionner, ce qui peut convenir à l’amateur, au mélomane comme au cinéphile ou au lecteur cultivé.

Voilà quelques pensées post-yoyo, j’en ai eu quelques autres mais je suis à court de temps. Il y aurait  aussi beaucoup à dire sur le livre blanc publié à cette occasion (grâce à  Librinova pour la version numérique), mais non, non, je m’arrête là. Maintenant, c’est à vous de parler : quelles ont été vos pensées post-yoyo, si vous étiez là où si vous vu la vidéo ou lu le livre blanc ?

Attention, prospective

C’est en anglais. Ça parle uniquement du contexte de l’édition au États-Unis, différent du contexte européen. À lire quand même : attention, prospective : ça secoue.  Ce sont les slides de la présentation de Mike Shatzkin à la «  Book Expo America  ».  Vidéo et script de l’intervention sur son site.


Stay Ahead Of The Shift

«  Lundi, nous avertit Mike, la vidéo sera remplacée par un lien (que j’ajouterai alors ) vers le texte de l’intervention sur la nouvelle plateorme d’annotation de nos clients, SharedBook. La plateforme permettra de saisir des commentaires par section, et ceci constituera une expérimentation pour Sharedbook et pour nous. Nous espérons que vous serez nombreux à commenter.  »

Espresso : un livre, tout de suite !

Il y a déjà presque deux ans que j’ai évoqué pour la première fois l’Espresso sur ce blog. J’ai eu l’occasion de la voir fonctionner à la foire du livre de Londres. La machine de démonstration, dont la carosserie tranparente permettait de suivre toute les étapes de la fabrication du livre, a tourné à plein régime pendant trois jours, et je l’ai filmée pour vous avec mon appareil photo.

Imaginée par Jason Epstein, cette machine est déjà installée dans plusieurs bibliothèques américaines, et dans quelques librairies. Capable d’imprimer en quelques minutes un livre à l’unité, elle offre potentiellement au libraire ou au bibliothécaire la possibilité de n’être jamais en rupture. Lorsqu’il ne dispose d’aucun exemplaire d’un livre, il peut proposer à son client d’en imprimer une version pour lui. Il faut pour cela qu’une version numérique de l’ouvrage soit disponible, bien sûr. On imagine aussi l’avantage qu’il pourrait y avoir à disposer de telles machines dans les établissements d’enseignement.

Qu’est ce que cette machine, sinon un photocopieur perfectionné auquel on adjoint un module qui effectue les opérations de façonnage, afin de transformer en livre ce qui, sinon, serait un tas de feuillets fort désagréable à consulter. Avec l’Espresso, l’objet livre apparaît comme l’un des moyens, et sans doute l’un des plus agréables, pour accéder à une œuvre de l’esprit. Sa simple existence, même si elle demeure assez rare, et si la preuve de sa facilité d’usage, et de la possibilité d’une adoption massive reste à faire, nous aide à ne pas demeurer centrés exclusivement sur le livre imprimé. Elle rend visible ce qui, confié aux imprimeurs, et réservé à des tirages justifiant la mobilisation et le réglage d’une machine offset, demeurait auparavant caché, contribuant à ôter au livre une part de son mystère : le moment de la fabrication, l’instant où le texte s’installe sur la page, et où les feuillets assemblées deviennent un livre. Un pas de plus vers la désacralisation du livre. Avec l’impression à la demande, le livre devient une forme possible, et pratique, pour quantité de documents qui ne se limite pas à des œuvres littéraires : manuel, cours, cataloge, album souvenir, album photo, recettes de cuisine, tout document d’une certaine longueur peut désormais adopter cette forme. Et cette nouvelle accessibilité de l’impression croisée avec toutes les possibilités offertes par les technologies numériques pour générer des contenus, les mixer, les personnaliser, ouvrent la voie à quantité d’objets nouveaux.

Ajout du 25/04/09 : ce reportage de BBC news sur la machine Espresso :

Mise à jour du 8 mai 2009 : Alain Pierrot me signale un excellent billet paru sur le blog if:book, tout entier consacré à une longue réflexion sur la machine Espresso, quelques semaines après son installation dans une librairie londonienne. À quoi bon fabriquer un exemplaire imprimé d’un livre, à l’ère des liseuses et de la lecture sur téléphone mobile ? Réponse de Sonja Drimmer : la Présence.

Impression à la demande : quel intérêt de la proposer sur un site d’éditeur ?

Bookseller.com l’annonce aujourd’hui : Random House va commercialiser des livres en impression à la demande, sous la marque «  The Random Collection  ». Random va lancer un site dédié avec 750 premiers titres, d’autres viendront s’ajouter tout au long de l’année. Le site sera interactif, régulièrement mis à jour avec des sélections et des recommandations de l’équipe de Random House et des auteurs. Il sera doté d’un outil permettant aux libraires de faire des suggestions concernant les titres qu’ils aimeraient voir figurer sur Random Collection. Faye Brewster, Directeur des ventes du groupe, précise : «  Lorsque des revendeurs constatent que des clients leur réclament un livre de Random qui se trouve être épuisé, ils peuvent nous le signaler, et nous nous occuperons d’obtenir les droits pour les rendre disponibles sous cette forme.  »

Faber & Faber avait déjà lancé en juin un service identique, Faber Finds, s’assurant pour la création des couvertures de ces livres la collaboration d’une designer talentueuse, Karsten Schmidt, qui a conçu un système de création graphique basé sur un algorithme.

Joseph J. Esposito commente cette annonce dans Publishing Frontier en posant cette question, qui revient quasiment toujours dès qu’il s’agit de sites développés par des éditeurs : est-ce vraiment pertinent de proposer un tel service sous la marque «  Random House  », offrant uniquement des livres issus des marques détenues par le groupe ? Les lecteurs se soucient-ils de cette marque ? Qu’est-ce qui pourrait les attirer vers ce site ? N’est-il pas préférable que les éditeurs rendent leur livres disponibles en impression à la demande sur des sites agrégeant le plus grand nombre possible de maisons d’édition, et offrant un vaste choix ? Joseph écrit : «  RH, ou tout autre éditeur, font une grave erreur s’ils s’imaginent que les consommateurs vont venir sur le site RH.  »

Mais cette remarque est aussitôt mise en perspective par la suite de son article. Plusieurs raisons justifient en effet selon J.J.Esposito la décision de Random House. La première, c’est la nouvelle situation créée par l’accord conclu entre Google et les éditeurs et auteurs américains : avant cet accord, la ligne de démarcation entre les livres était clairement : livres du domaine public d’un côté, livres sous copyright de l’autre. Avec l’accord, la frontière s’est déplacée : les livres encore sous copyright mais en arrêt de commercialisation entrent dans la même catégorie que ceux du domaine public, en ce qui concerne le droit de Google de les faire entrer dans son programme Google Book Search, à ceci près que Google s’engage à reverser aux ayant droit une part des revenus provenant de ces œuvres. Le fait de mettre à la disposition du public des livres en impression à la demande ne permet plus de les déclarer «  non commercialisés  », et renforce la position de l’éditeur vis à vis de ses droits et de ceux de ses auteurs sur ces livres.

L’autre raison ne s’applique pas seulement aux livres proposés en impression à la demande, mais bien à l’ensemble des livres qu’un éditeur présente sur son propre site web. Là, Joseph J. Esposito explique que la diférence entre le monde physique et internet est très importante. Autant il est tout à fait absurde d’imaginer des librairies physiques proposant les livres d’un seul éditeur, autant, le fait pour un éditeur de disposer de son propre site se justifie. En effet, sur internet, le «  Barnes & Noble «  ( soit : le libraire ), c’est la première page de résultats d’une recherche dans Google. C’est dans Google que les consommateurs vont taper le titre du livre qu’ils recherchent. C’est ce que J.J.Esposito nomme de «  l’agrégation en temps réel  ». Qu’importe alors, nous dit-il, que les consommateurs ne connaissent pas la marque «  Random House  », la seule marqe qu’ils connaissent, c’est Google, et si le site de l’éditeur est convenablement développé, «  search engine’s friendly«  , bien optimisé pour les moteurs de recherche, le consommateur aura accès au site de l’éditeur, ou à des informations issues de celui-ci et reprises ailleurs, sur le site d’Amazon par exemple.

Il n’est pas non plus impossible que Random House entreprenne à cette occasion, faisant venir les consommateurs sur un site riche d’informations, de faire exister progressivement sa marque auprès des lecteurs.

Esposito conclut :

«  Fondamentalement, il est temps d’arrêter de penser le Web comme un univers symétrique de l’univers «  brick and mortar  ». Hors ligne, il y a des magasins ; en ligne, il y a des des relations qui évoluent dynamiquement. Hors ligne, l’agrégation est cruciale ; en ligne, l’agrégation se fait en temps réel et permet de pointer vers des objets partout où une URL peut être trouvée. Hors ligne, les marques connues dans le monde du B2B ne disent rien aux consommateurs ; en ligne, de telles marques peuvent s’insérer intelligemment dans la chaîne de valeur. Ne tenons pas pour acquis que les gens chez Random House sont idiots, en dépit du fait qu’ils sont – ugh – des éditeurs  ».

On the road

La tournée du «  Bus Numérique Overdrive  » à travers les Etats-Unis va commencer le 10 août à Central Park. Le programme complet de cette tournée est disponible ici.

Destinée à familiariser le public avec les contenus numériques en tout genres, livres audio, livres numériques, musique, vidéo, et avec l’idée que les bibliothèques deviennent des lieux de diffusion de contenus numériques, la «  Digital Bookmobile  » est équipée et opérée par OverDrive, principal distributeur de contenus numériques américain, et accueillie dans les bibliothèques.

Martyn Daniels, du blog Brave New World, s’interroge :

Les téléchargements seront-ils gratuits, s’agissant d’un «  prêt en bibliothèque  » ? L’accès sera-t-il restreint aux résidents de la localité ? Pourquoi un consommateur achèterait-il un livre numérique s’il peut l’emprunter gratuitement ? (NdR : la question est la même avec les livres physiques…) Les emprunteurs seront-ils en mesure d’effectuer des téléchargement gratuits de n’importe où une fois qu’ils auront été inscrits ? Les titres disponibles sont-ils issus des catalogues locaux ou bien s’agit-il d’une «  offre bibliothèques  » proposée par Overdrive, permettant aux libraires d’utiliser sa plate-forme en marque blanche ?

Les relations entre bibliothèques et librairies n’ont jamais été aussi sensibles dans le monde physique : là, les copies et les accès étaient limités à une aire géographique et les emprunteurs avaient l’obligation de se rendre à la bibliothèque aussi bien pour emprunter que pour rapporter les ouvrages. Dans un monde numérique, ils n’ont qu’à s’identifier, télécharger, consommer, puis le fichier s’auto-détruit automatiquement au terme du délai de prêt. Comment les libraires pourront-ils entrer en compéition avec cela ?

Cette tournée est une belle idée, tout comme la sensibilisation au numérique, mais quelles seront les conséquences d’une possible canibalisation des ventes des libraires ? OverDrive sera payé, les bibliothèques continueront de payer, les éditeurs continueront de faire des ventes auprès des bibliothèques, les consommateurs accèderont gratuitement à du contenu, mais quel sera l’impact sur les royalties des auteurs et sur les librairies, dans les centres-villes comme dans les universités ?

The Brave New World est un blog qui prolonge les réflexions contenues dans le rapport du même nom, émanant du syndicat des libraires britannique, et il n’est pas surprenant d’y lire ces lignes inquiètes. Mais où mène cette inquiétude ? Pourquoi les libraires n’organisent-ils pas avec Overdrive ou un autre leur propre tournée du bus numérique des libraires ? Pourquoi ne se sentiraient-ils pas concernés comme des acteurs et non comme des victimes potentielles du grand chambardement numérique ? Chaque maillon de la «  chaîne du livre  », dont on a vu que le numérique la transforme en réseau, est concerné par ce que le numérique fait aux livres. Va-t-on se livrer à un concours du genre «  c’est moi, le maillon qui souffre le plus ?  ». Il est urgent au contraire de briser cette chaîne des victimes du numérique et d’investir le réseau, de comprendre les nouveaux enjeux, d’apprivoiser les techniques, d’expérimenter les usages, chacun dans son métier. Sans céder ni à l’enthousiasme technologique béat, ni à la grande peur du numérique.

En attendant moi j’aime bien le camion, et j’aime bien cette idée de tournée, d’événement, de nomadisme. Soudain, le numérique prend la route.

Mise à jour, 20 janvier 2009 : on peut suivre le bus numérique via Twitter ici : http://twitter.com/DigiBookmobile/

Message personnel

Cher F,

Tout d’abord, je te rassure : Hubert a mis de côté pour toi un T-shirt «  BookCamp  », très joli, blanc avec le logo gris et rouge…

J’ai pris le métro hier midi avec un peu d’avance, bonne fille, me disant qu’il y aurait peut-être besoin d’un coup de main à la Cantine avant l’arrivée des BookCampers. Trouvé un mot scotché sur la porte vitrée avec un plan : «  le bookcamp dîne ici  », alors j’ai continué d’avancer dans le passage (la Cantine se trouve dans un passage couvert qui donne sur la rue Montmartre), et effectivement les GO du BookCamp n’étaient pas du tout en train d’installer des chaises ou de dresser des panneaux d’affichage, ils déjeunaient tranquillement en terrasse. Alors je me suis attablée avec eux, et j’ai commandé une salade. Le temps d’échanger des nouvelles, de déplorer ton absence, de faire un peu joujou avec le Kindle tout neuf qu’Alain Pierrot m’a mis dans les mains, il était deux heures.

Hubert Guillaud nous l’avait dit, un BookCamp est essentiellement dispensateur de frustration : il suffit de regarder le tableau où est inscrit (à la craie) le programme : 3 horaires successifs, et pour chaque tranche horaire, pluieurs ateliers. Entre chaque séance, une demi-heure pour circuler, échanger, se faire raconter par quelqu’un d’autre l’atelier auquel on n’a pas pu aller.
Je n’étais jamais venue à la Cantine. Les premiers participants discutent déjà dans un grand espace ouvert, articulé autour d’un escalier à vis qui grimpe sous une verrière.
Deux zones sont aménagées comme des salles de réunion, mais certains ateliers ont lieu aussi autour du bar ou dans le coin salon. Coup de chance pour la paresseuse que je suis, c’est là qu’Alain Pierrot et Hadrien Gardeur animent le premier atelier où j’ai choisi d’aller. J’ai donc la possibilité de m’installer confortablement sur un canapé, bien entourée de Christian Fauré et de Guillaume Teissère. Alain et Hadrien ont apporté des liseuses, et aussi des livres, et nous parlent lecture, page, lisibilité, mise en page, typographie, moteur de composition… Tu as suffisament échangé sur ce thème avec eux pour que je ne te résume pas leur intervention. Ils ne diront pas, et c’est aussi typique d’un barcamp, le quart de ce qu’ils ont prévu de dire, car les participants interviennent rapidement dans le débat. Les questions inévitables surgissent, auxquelles il faut répondre, en essayant de ne pas s’égarer… On retrouve les clivages habituels, ceux qui baignent dans la culture web, qui ne voient pas bien pourquoi on s’embête avec cette question de la restitution de la page, et sont convaincus que tout se règle avec un navigateur web, une bonne interface et du texte recomposable. Ceux qui considèrent que de passer au numérique, si c’est pour faire comme sur le papier, ce n’est pas la peine, et qu’avec une liseuse on doit afficher du texte, mais aussi des animations, des sons, des vidéos. Alain, qui n’en est pas à son premier débat sur le thème, excelle a faire prendre conscience, à l’aide d’exemples, de la complexité du livre imprimé. Complexité cachée, parce que prise en charge par les différents métiers, de manière que le lecteur, au final, soit dans le plus grand confort pour rencontrer un texte. Et la question est bien, si on va vers des lectures sur support numérique, de reconstituer une chaîne de production et de savoir qui assume les décisions nombreuses et insoupçonnables qui font que le livrel se présentera de telle ou telle manière, offrira telle ou telle fonctionnalité. Bon, tu connais par coeur tout ça, auquel tu te confrontes avec publie.net.

Pour la deuxième session, je n’ai pas à faire de choix d’atelier, puisque j’ai promis d’en animer un, avec Xavier Cazin, Alain Pierrot et Guillaume Teissère. Pas question de m’appuyer sur les slides que j’avais préparés : pas de grand écran, et trop de monde pour que chacun puisse lire sur l’écran de mon mac. On s’en passera très bien, pour évoquer la question : «  qu’est-ce qu’un site d’éditeur 2.0 ?  ». Un site d’éditeur, ça intéresse qui ? Qui va y venir ? Pour y trouver quoi ? On va parler catalogue, fils RSS, widgets. On va rappeler qu’un site, ça n’existe pas tout seul, c’est un élément d’un système plus vaste, qui n’existe que par les liens qu’il offre, entrants et sortants, vers les autres éléments du système. Le web vient bousculer en profondeur la fameuse chaîne du livre, sa confortable linéarité : auteur-éditeur-diffu/distributeur-libraire-lecteur. Avec le web cette linéarité fait place au réseau, et de nouveaux maillons apparaissent : moteur de recherche, sites sociaux, blogs de lecteurs, sites de bibliothèques, sites d’auteurs. Christian Fauré rappelle à juste titre que «  web2.0, ça veut dire aussi un site qui parle aux machines, un catalogue conçu de telle manière qu’il puisse s’afficher ailleurs que sur le site de l’éditeur  ». J’aurais aimé en profiter pour lui demander de nous parler de web sémantique, mais le temps manque, et j’ai promis à Constance Krebs de lui en laisser un peu pour présenter le très joli projet qu’elle prépare actuellement, autour d’un livre qui sera publié à la rentrée aux éditions Zulma, dont elle propose une version accessible sur le web, et nous terminons la séquence en découvrant en avant-première le très beau travail qu’elle a réalisé avec la complicité de Yann de Roeck et de Jean-Marc Destabeaux.

Je connais, cher F, ton amour des librairies. Le temps que tu passes dans les trains pour en rejoindre une, à Brest ou à Metz, à Montpellier ou à Toulouse, pour y faire une lecture, pour y présenter un livre. Tu en parles souvent sur tiers-livre. Tu les photographies. Si tu avais pu venir, tu te serais installé comme moi sur un tabouret de bar de la Cantine pour écouter Antoine Stéphane Michalon, enregistré par Hélène Clémente (avec le même truc que tu as, le super enregistreur extra plus numérique dont je ne connais pas la marque…), proposer une réflexion sur la mise en scène d’une offre de livres numériques en librairie. Tu aurais vu Hubert faire signe à Bernard Strainchamps de Bibliosurf de venir se joindre à la discussion. Tu aurais entendu Bernard raconter son expérience de libraire sans librairie, entièrement en ligne, une eLibrairie de proximité, rien à voir avec Amazon… Une jeune libraire pose les bonnes questions : oui, mais comment ajouter cette pratique de médiation numérique quand il faut aussi gérer la librairie réelle, et qu’on n’a pas un temps dédié pour ça, et qu’on n’en connaît pas assez sur la technique pour même être en mesure de choisir un bon prestataire web et de lui formuler ses demandes avec suffisamment de précision pour obtenir le site dont on a besoin ? Le livre numérique en librairie ? Des écrans pour les clients ? Des clés USB ou des SD cards ? Le temps là aussi passe trop vite pour qu’on ait le temps de conclure…

Il va me falloir conclure aussi ce message, déjà trop long. Te dire que j’ai eu le plaisir de faire la connaissance IRL de Pierre Mounier, dont j’apprécie tant les messages sur Homo Numéricus, le site comme le blog, et qui publie un article intéressant sur rue 89. Ne pas citer, pour ne pas ajouter à ton regret et parce que j’en oublierais certainement, les noms de tous ceux que j’ai aperçus sans avoir le temps de leur parler.

Te dire aussi qu’on en refera un, de BookCamp, pour que puisse avoir lieu cet atelier que tu avais proposé, la rencontre d’un parapluie et d’une machine à coudre, ou «  montre moi ce qu’il y a dans ta liseuse, je te montre ce qu’il y a sur mon disque dur  »…

Si le livre est une base de données alors…

persobook.jpgSi ce livre est une base de données, alors on peut proposer à son acheteur d’ajouter sur la page de garde la photo de son fils, et une dédicace, qui seront imprimés comme s’ils avaient d’emblée été parfaitement intégrés au livre.
On peut bien sûr imaginer aller beaucoup plus loin dans la personnalisation des livres. (Ici, petit clin d’oeil virtuel aux MMC Girls, si elles me lisent encore…)

Mais la mise en place de la chaîne nécessaire à ces deux fonctionnalités simples – ajout d’une image, ajout d’une dédicace – n’est pas à négliger : préparation du fichier numérique du livre, conception de l’interface utilisateur, développement de la mini-application permettant l’upload de l’image et du texte, design de la page web, insertion correcte de la page modifiée dans le fichier du livre, inscription des utilisateurs et mise en place d’un système de paiement, envoi de ce fichier à un service d’impression à la demande, impression du livre, acheminement du livre chez le client, et j’en oublie probablement.

Cette offre, qui porte pour l’instant sur un seul livre, est d’ailleurs le résultat d’un partenariat :

sharedbooks.jpg

«  SharedBook Inc., un site de publication qui permet aux utilisateurs de créer un livre à partir de contenu issu du web, a annoncé aujourd’hui un partenariat ave Random House pour permettre aux utilisateurs de créer des versions personnalisées de leurs livres en utilisant leur site web. Le classique album intitulé «  The Poky Little Puppy  » sera le premier livre disponible pour la personnalisation.  » (via Publisher’s Weekly)

Nombreux sont ceux qui se désolent que le livre électronique ne soit le plus souvent que la version électronique du livre papier, une simple déclinaison sur un autre support d’un texte, un pauvre malheureux texte qui n’utilise même pas les ressources du multimédia, un texte dans lequel on ne peut même pas cliquer pour faire surgir une image, faire jouer un son, convoquer un autre texte. ( Ils sont vraiment bêtes alors ces éditeurs ! ) C’est ignorer que le fait d’afficher correctement un texte, avec une mise en page convenable, sur une liseuse, est déjà une petite aventure technique non négligeable. ( Et ce ne sont pas François, Hadrien, Hervé qui devraient me contredire… )

Choisir de faire en sorte que le texte ne soit plus quelque chose que l’on offre à la lecture, mais un objet qui interagit avec son lecteur utilisateur (autrement que par le truchement de son imagination), c’est changer le statut du texte même, quitter l’univers du livre, et entrer dans l’univers des applications.

Et on voit, avec cet exemple archi-simple de Random House, que cette opération n’est pas un mince affaire. Tous ceux qui ont traversé la brève histoire du cédérom s’en souviennent : un écran n’est pas une page, et produire une application multimédia conjuguant de façon pertinente textes/sons/images/animations/vidéo, maîtriser l’ergonomie des interfaces, c’est difficile, c’est long et ça coûte très cher. Ceux qui sont aujourd’hui passés maîtres dans cet art s’appellent Electronic Arts ou Ubisoft et sont bien loin de l’univers du livre. Il y a par ailleurs des inventions merveilleuses du côté de l’art numérique. Mais la numérisation dans le domaine du livre (qui semble s’accélerer ces temps-ci, non sans quelque fracas), ne signifie pas le surgissement systématique et quasi magique de nouvelles formes de récit, même si certains explorent déjà de nouvelles formes, formes liées à des développements d’applications aussi bien que formes originales d’échanges, possibilités de création publique ou collective, liées aux types de sociabilité engendrés par le web.

Il y a une migration à effectuer, qui ne passera pas massivement par une réinvention «  multimédia  » des œuvres littéraires au prétexte que «  avec l’informatique, on peut… on peut…  ». Et si déjà on pouvait offrir aux prochains acheteurs de liseuses un catalogue de titres électroniques qui leur donne un autre choix que celui de lire en anglais ?

Plonger et plonger encore

Jean-Michel Salaün distingue deux manières de forcer notre attention : l’une qui consiste à pointer du doigt, l’autre qui pointe également du doigt mais s’autorise également à nous taper sur l’épaule.

Pointer du doigt, c’est diriger l’attention vers un lieu précis, proposer que cette chose désignée, à l’exclusion de toute autre, soit considérée pendant un moment déterminé.
Taper sur l’épaule implique plus de proximité, quelque chose comme de la familiarité. C’est faire irruption dans le monde de l’autre, l’interrompre, lui suggérer de changer l’objet de son attention. Pour oser faire cela sans encourir sa colère, il faut avoir des raisons de penser que l’autre sera satisfait de ce changement qu’on lui propose de façon un peu cavalière.

Le livre a le pouvoir de capturer notre attention. Jean-Michel Salaün le décrit comme un dispositif dans lequel l’auteur pointerait en permanence du doigt le texte qu’il a écrit. Est-ce bien le cas de tous les livres ? C’est avec évidence celui de la fiction : Shéhérazade en sait quelque chose, qui captive celui qui veut la mettre à mort par ses récits, remettant sans cesse au lendemain le moment du châtiment. Mais on peut aussi être plongé dans un livre qui ne nous raconte aucune histoire : plongé dans l’étude et la réflexion, plongé dans une rêverie ou des méditations.

Être plongé dans un livre, c’est oublier le livre, oublier le temps qui passe, oublier la page, oublier le texte, c’est vivre sa lecture avec une telle force que le support qui la rend possible disparaît. Dès lors, le livre n’a pas besoin d’être très beau. Il n’a nullement besoin de comporter des images, des vidéos, des sons, des zones interactives. Il doit au contraire se faire oublier. Le gris des caractères doit être régulier. Nous remercions la monotonie des pages, les règles du jeu très simples du feuilletage, ce geste qui peut ainsi devenir complètement machinal. Parce que l’essentiel se passe ailleurs. L’essentiel est invisible. Il se passe dans notre imagination. Les personnages s’y animent. Les paysages s’y peignent. La peur ou l’inquiétude, la tristesse ou la colère, l’impatience ou la curiosité s’y succèdent. Il se passe dans notre intelligence : les questions s’y pressent, les hypothèses s’y bousculent, les notions y sont dévoilées, les définitions s’y déroulent, la compréhension y installe ses quartiers.

Qu’on ne vienne pas, c’est vrai, à ce moment là, nous taper sur l’épaule.

Sur le web, les choses sont bien différentes. Il est possible, mais rare, de s’y plonger dans la lecture continue d’un très long texte. Cependant, nous avons tous fait l’expérience de longues séquences de surf, si longues que des heures ont passé et que la courbature nous guette. Nous sommes plongés, alors, aussi, dans quelque chose, mais sur un mode très différent. Nous naviguons parmi des informations très variées, avec la conscience aigüe et permanente de la concurrence de ces «  autres  » informations tout autour de celle dont nous sommes en train de prendre connaissance. Mieux, les informations ne sont pas nécessairement concurrentes les unes des autres, mais peuvent parfaitement s’imbriquer, se compléter, et d’un lien hypertexte à un autre notre attention à la fois s’éparpille mais en même temps peut nous permettre de construire du sens, de faire des liens entre différentes informations, voire ajouter des liens dans le réseau parcouru. Et si nous ne plongeons pas vers les mêmes profondeurs, nous plongeons et émergeons, et replongeons, joyeusement, comme des dauphins…

Le bonheur, c’est que ces deux modes de fixation de notre attention coexistent. Mais il n’est pas certain que cela reste le cas très longtemps… et là on va bifurquer vers le précédent article de J.M. Salaün, «  génération ou âge connecté ?  »
(Voir aussi à propos de l’attention cet article de Piotrr sur Blogo Numéricus.)

Petit-déj’ avec Bob Young (lulu.com)

En écoutant Bob Young ce matin nous parler de lulu.com, dont il est le fondateur, les questions s’accumulaient dans mon esprit, à la queue-leu-leu, une file de questions dont je savais que j’allais les oublier avant d’avoir eu la possibilité de les poser.

Lorsque Bob Young nous dit : « Autrefois, la personne qui disait « ça, c’est bon, ça, c’est mauvais, c’était l’éditeur. Aujourd’hui, cette personne c’est le public. », ma question surgit sans effort : « Mais est-ce que ce n’est pas un service que nous avons apprécié, en tant que lecteur ? Est-ce que, avec la profusion croissantes d’occasions de fixer notre esprit (livres, films, télé, jeux vidéo, journaux, revues, sites web, blogs, musique etc….) nous n’aurons pas justement un peu de reconnaissance envers celui qui fera le tri, et qui nous évitera de devoir feuilleter 30 très mauvais livres mal écrits avant de tomber sur celui qui est susceptible de nous intéresser ? »

Lorsque Bob Young parle avec beaucoup de justesse de Google, et de Google Search Inside, et du fait qu’aujourd’hui, un livre peut apparaître parmi les résultats de recherche de Google (il dit en riant, et là c’est l’ex-boss de Red Hat qui parle probablement : « Microsoft, ce sont de gentils petits garçons, si on les compare à Google. » , j’ai envie de lui demander : « Alors, une partie du travail de l’éditeur, qui consiste à mettre en contact un lecteur et un auteur, est prise en charge, dans le monde entier, par un seul moteur de recherche, dont on ne connaît pas les critères de classement ? »

Il est sympa, Bob Young. Bien conscient aussi qu’une part des livres publiés sur lulu.com relèvent de ce qu’on appelle en anglais la « vanity edition », il dit, quant à lui, « de la mauvaise poésie, si mauvaise que même votre mère ne voudra pas en acheter un exemplaire… » . Il a la sagesse de ne pas se poser en rival de l’édition traditionnelle. Il ne vient pas piétiner ses plate-bandes. Il permet à un autre marché de se constituer, et il a pour exprimer cela une comparaison efficace : l’arrivée d’eBay n’a pas entraîné la fermeture de Christie’s. Il a facilité au plus grand nombre l’accès à un système de vente aux enchères. Un plus grand nombre qui ne fréquente pas Christie’s, et ne connait peut-être pas son existence.

Il n’est pas éditeur, il permet simplement à chacun de devenir son propre éditeur. Une salve de questions me vient encore : Est-ce qu’elles apprécieront tant que ça, les générations qui arrivent, de devoir non seulement faire leur métier, mais également d’être leur propre éditeur, leur propre producteur de musique, leur propre producteur de films, leur propre fournisseur d’information ? Est-ce que le do-it-yourself étendu à toutes les sphères de la vie culturelle n’apportera que satisfaction, épanouissement et harmonie ? Et qui va se charger de ce qui dépasse la sphère individuelle : constituer une collection, un fonds, construire un catalogue ? Qui se posera la question de ce qu’il convient ou non de conserver, de transmettre ou d’oublier ? La « vanity edition » , n’est-ce pas aussi l’édition instantanée, qui se fiche autant du passé que de l’avenir ?

Lorsque le moment du débat commence, bien sûr, j’ai oublié mes questions. J’écoute tranquillement celles des autres participants (Bouquinosphère bien représentée). Et, au moment de partir, la seule question qui me vient à l’esprit en allant saluer Bob Young est celle-ci : « Could you please tell me why you did steal my daughter’s name for your website ?” Bob Young rigole, et sa réponse me permet de partager avec vous un scoop : l’origine du nom “lulu.com”. Ben oui, pourquoi lulu.com ? Bob Young a trois filles. Sa plus jeune fille, qui a le même âge que « ma » Lulu, l’appelait, lorsqu’elle était petite, « Papeloo », bientôt raccourci en « Lulu » (prononcé en anglais «  Loulou  ») : « Tu peux me conduire à la patinoire, Lulu ? » Quand il a fallu trouver un mot court, quatre lettres, et facile à retenir, c’est ce surnom que lui avait donné sa fille qui a resurgi.