Archives mensuelles : juillet 2008

libraire tout nu

«  Avec le numérique, sans papier, on est libraire tout nu. Pourtant les textes-livres édités sont toujours là. Mon intérêt pour le numérique est celui de quelqu’un qui veut prendre à bras le corps les enjeux d’une médiation sans stocks. A mon avis le métier de libraire a toujours du sens même avec l’édition numérique : mettre en scène à un moment donné et dans un lieu créé une offre intelligente. L’arrivée de nouveaux supports ne fait que complexifier la médiation. En même temps elle offre de nouvelles possibilités. Je crois qu’il y aura toujours des auteurs qui voudront confier l’édition de leur travail à des éditeurs et des éditeurs qui voudront confier la commercialisation de leurs livres, quels que soient les supports, à des libraires.  » (Stéphane Michalon, responsable chez Tite-Live, interviewé par Bernard Strainchamps.)

ePagine, filiale de Tite Live, a confié à une centaine de libraires et d’éditeurs des liseuses Cybook de Bookeen chargées avec plus de quarante nouveautés de la prochaine rentrée littéraire. La règle du jeu : seulement des premiers romans ou des premières traductions. Une excellente idée, et une opération montée et réalisée en un temps record : contact avec les éditeurs, récupération et préparation des fichiers, chargement des liseuses, remise ou envoi aux libraires… (détails et liste des éditeurs participants à la fin de ce billet sur Acutalitté.)

Même si j’avais déjà eu l’occasion de manipuler cette liseuse, j’en ai cette fois «  adopté  » une pour une durée plus longue, et, sortant d’une approche de type test, j’ai commencé ce week-end à l’utiliser réellement. Et, ma foi, on s’habitue plutôt bien, et au bout d’un moment le miracle se produit, le même qu’avec un livre imprimé. Il n’ y a plus de support, il n’y a plus de manipulation, il n’y a plus de toucher, d’odeur, de sensation. Il n’y a plus que la lecture qui vous emporte… J’emmènerai donc en vacances la semaine prochaine une étagère entière de livres numériques.

Et aussi : intéressantes réflexions et longue discussion sur le blog Attrape Cœurs, à propos de publie.net : me sens décidément bien en phase avec les analyses de Renaud.

(illustration : homme nu de dos s’appuyant sur un bâton dessin de Seurat, crédits photographiques RMN.)

On the road

La tournée du «  Bus Numérique Overdrive  » à travers les Etats-Unis va commencer le 10 août à Central Park. Le programme complet de cette tournée est disponible ici.

Destinée à familiariser le public avec les contenus numériques en tout genres, livres audio, livres numériques, musique, vidéo, et avec l’idée que les bibliothèques deviennent des lieux de diffusion de contenus numériques, la «  Digital Bookmobile  » est équipée et opérée par OverDrive, principal distributeur de contenus numériques américain, et accueillie dans les bibliothèques.

Martyn Daniels, du blog Brave New World, s’interroge :

Les téléchargements seront-ils gratuits, s’agissant d’un «  prêt en bibliothèque  » ? L’accès sera-t-il restreint aux résidents de la localité ? Pourquoi un consommateur achèterait-il un livre numérique s’il peut l’emprunter gratuitement ? (NdR : la question est la même avec les livres physiques…) Les emprunteurs seront-ils en mesure d’effectuer des téléchargement gratuits de n’importe où une fois qu’ils auront été inscrits ? Les titres disponibles sont-ils issus des catalogues locaux ou bien s’agit-il d’une «  offre bibliothèques  » proposée par Overdrive, permettant aux libraires d’utiliser sa plate-forme en marque blanche ?

Les relations entre bibliothèques et librairies n’ont jamais été aussi sensibles dans le monde physique : là, les copies et les accès étaient limités à une aire géographique et les emprunteurs avaient l’obligation de se rendre à la bibliothèque aussi bien pour emprunter que pour rapporter les ouvrages. Dans un monde numérique, ils n’ont qu’à s’identifier, télécharger, consommer, puis le fichier s’auto-détruit automatiquement au terme du délai de prêt. Comment les libraires pourront-ils entrer en compéition avec cela ?

Cette tournée est une belle idée, tout comme la sensibilisation au numérique, mais quelles seront les conséquences d’une possible canibalisation des ventes des libraires ? OverDrive sera payé, les bibliothèques continueront de payer, les éditeurs continueront de faire des ventes auprès des bibliothèques, les consommateurs accèderont gratuitement à du contenu, mais quel sera l’impact sur les royalties des auteurs et sur les librairies, dans les centres-villes comme dans les universités ?

The Brave New World est un blog qui prolonge les réflexions contenues dans le rapport du même nom, émanant du syndicat des libraires britannique, et il n’est pas surprenant d’y lire ces lignes inquiètes. Mais où mène cette inquiétude ? Pourquoi les libraires n’organisent-ils pas avec Overdrive ou un autre leur propre tournée du bus numérique des libraires ? Pourquoi ne se sentiraient-ils pas concernés comme des acteurs et non comme des victimes potentielles du grand chambardement numérique ? Chaque maillon de la «  chaîne du livre  », dont on a vu que le numérique la transforme en réseau, est concerné par ce que le numérique fait aux livres. Va-t-on se livrer à un concours du genre «  c’est moi, le maillon qui souffre le plus ?  ». Il est urgent au contraire de briser cette chaîne des victimes du numérique et d’investir le réseau, de comprendre les nouveaux enjeux, d’apprivoiser les techniques, d’expérimenter les usages, chacun dans son métier. Sans céder ni à l’enthousiasme technologique béat, ni à la grande peur du numérique.

En attendant moi j’aime bien le camion, et j’aime bien cette idée de tournée, d’événement, de nomadisme. Soudain, le numérique prend la route.

Mise à jour, 20 janvier 2009 : on peut suivre le bus numérique via Twitter ici : http://twitter.com/DigiBookmobile/

un iPhone, vite !

Pile au moment où l’iPhone 3G va commencer à être commercialisé en France, Hadrien Gardeur annonce sur le blog feedbooks la disponibilité d’une application permettant de lire des livres électroniques, à la fois sur iPhone et sur iPod Touch. Il s’agit de Stanza, produit par Lexcycle.

Aussi bien la blogosphère que la «  twittosphère  » du livre numérique publie abondamment à propos de la lecture sur iPhone.

Combien de fois n’a-t-on pas lu , depuis l’apparition des liseuses ePaper, qu’on attendait  le «  moment iPod du livre  », et qu’il n’était pas là encore… On a reproché aux liseuses leur absence de sex-appeal, leur ergonomie imparfaite, leur design triste. Et pourtant il semble que le Kindle se porte bien, il y en a qui profitent d’un voyage à New York pour s’acheter la nouvelle liseuse de Sony, je vois des éditeurs utiliser la Cybook de Bookeen, (l’un d’entre eux m’a confié qu’il était en train de lire sur Cybook le rapport Patino…)

Mais l’actualité du moment, c’est l’iPhone. Petite revue d’articles à son propos :

- Publishing Frontier se livre à une rapide étude de prix, partant de l’idée que quelqu’un qui a acheté 300$ une liseuse ne sera pas prêt à payer très cher les livres qu’il va installer dessus, alors que le propriétaire d’un iPhone ne l’a pas acheté uniquement pour lire des livres numériques : il possède déjà son iPhone, c’est son téléphone, et il serait plus facilement tenté par l’achat d’un livre, qui ajoute un usage à ceux déjà nombreux de son téléphone, sans être trop regardant sur son prix.

-Actualitté nous apprend que des titres du domaine public sont vendus (99 cents ou 78 centimes d’euros) sur l’Apple iTunes Book Store, téléchargeables et lisibles sur iPhone. En attendant que se développe une offre de titres sous droits au format numérique, les francophones auront eu le temps de réviser leurs classiques… mais iront-ils acheter sur iTunes ce qu’ils peuvent trouver gratuitement sur Feedbooks et ailleurs ?

- sur Times Emit, un appel est lancé aux éditeurs : qui sera le premier à signer avec Apple, pour vendre ses livres en version numérique sur iTunes book store ?

- Teleread nous le rappelle : Stanza n’est pas la seule appli permettant de lire sur son iPhone : il compare dans un billet deux autres applications : eReader et Bookshelf.

-sur Medialoper , on a essayé la lecture sur iPhone et celle sur Kindle. Mais on attire notre attention sur un point qui semble aussi important que le confort de lecture : la facilité à trouver et à télécharger un titre, et l’importance d’avoir des formats interopérables.

- Enfin, le titre du post de  Kassia Krozser sur Booksquare est plutôt provocateur : «  Sittin’ Here, Watching The Market Go By  ». Elle conclut son article en citant les derniers mots de celui de Times Emit, qui s’étonne que les éditeurs britanniques ne se soient pas déjà rués chez Apple pour vendre leurs livres qu format numérique sur iTunes.

Bon, c’est gentil de lire toutes ces annonces, ces comparatifs… Mais j’aimerais bien essayer tout ça moi-même, j’aurais pu ainsi compléter cette revue par des infos de première main… En fait, j’ai terriblement besoin d’un iPhone. Vite !

Les Pingouins parlent aux Pingouins

penguin.jpgChez Penguin (Royaume-Uni), les salariés se désignent eux-mêmes comme des «  Pingouins  », bien sûr. Ainsi commence un billet de Jeremy Ettinghausen, éditeur numérique et Pingouin lui même (à qui nous devons le projet «  We tell stories«  ) sur le Penguin blog (traduction maison) :

«  Vendredi dernier quelques Pingouins ont présenté à d’autres Pingouins notre stratégie pour la mise en ligne de nos livres numériques, qui va avoir lieu plus tard dans l’année. Nous, comme les autres éditeurs, sommes en train de numériser nos livres parce, comme vous le savez tous, le livre numérique arrive !!! C’est bien sûr un moment tout à fait excitant – nous pourrions être au seuil d’une révolution dans la façon dont nous distribuons les livres et dans la manière dont les gens y accèdent. Mais le mot clé est «  nous pourrions  » – ce qui est vraiment excitant c’est que personne ne sait vraiment comment les choses vont tourner. Le livre numérique pourrait changer notre monde, mais il pourrait aussi ne pas le changer… Nous en saurons un peu plus dans un an  »

Suit un article signé de l’écrivain Nick Hornby, qui lui prend plutôt le parti du «  pourrait ne pas  », mettant en avant le coût trop élevé des liseuses, la disparition progressive du désir de lire, et l’idée que les gros lecteurs (espèce en voie de disparition) ne sont pas des «  early adopters  ». L’article a déclenché une salve de commentaires, ou à côté des sempiternelles considérations sur l’odeur du papier et le bruit des pages qui se tournent, quelques utilisateurs de liseuses protestent et témoignent de l’usage qu’ils ont adopté et qui les satisfait.

Prendra ? Prendra pas ? Voir le billet de François Bon, qui expérimente actuellement la dernière liseuse Sony, et se fend d’une description détaillée et passionnante : celle d’un lecteur qui est aussi auteur et éditeur, préoccupé de la manière dont l’outil affiche ses textes et ceux des auteurs qu’il publie, tout comme de la qualité de l’expérience qui lui est proposée, pour lire, gérer sa bibliothèque numérique, acquérir de nouveaux titres.

Prendra ? Prendra pas ? Le rapport Patino dit la même chose que Jeremy : «  On ne sait pas  ». Il le dit des les premières lignes du résumé qui figure en tête du rapport :

«  Mais qu’en serait-il si une accélération, voire un basculement dans le numérique se produisait ? Une telle hypothèse, si elle ne peut être prédite avec certitude, mérite toutefois que les acteurs du secteur s’y préparent, compte tenu des effets très importants qu’elle pourrait entraîner sur une économie du livre aux équilibres précaires.  »

Et il développe dans son rapport cette question du «  basculement  » :

  » Dans l’édition comme dans les autres secteurs soumis à la numérisation, le marché ne dictera pas les usages. Les secteurs des dictionnaires, des livres de référence, de l’édition professionnelle affichent certes des tendances claires, mais sans que l’on puisse trancher un point décisif : la lecture/plaisir sur écran va-t-elle se développer massivement ? «  

Et, tandis que les «  Pingouins  » de chez Penguin  numérisent à tour de bras, simplement «  au cas où  » un basculement des usages venait à se produire, il incite les éditeurs à se préparer :

  » La question centrale n’est en réalité pas de savoir s’il existe une forte probabilité de développement d’un usage massif de la lecture numérique ; mais, à partir du moment où cette probabilité existe, les acteurs du livre doivent s’y préparer sous peine de subir un impact qui modifie le marché de façon irréversible.  »

Pour éviter que la banquise sur laquelle vivent les Pingouins et quelques volatiles d’autres espèces, ne se mette à fondre brutalement…

Bien sous tous rapports

Deux rapports ont été publiés à quelques jours d’intervalle, qui concernent tous les deux le livre numérique. L’un émane de la commission réunie par l’ALIRE (Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques) et le SLF (Syndicat de la librairie française). Il est consultable en ligne, dans une version ouverte aux commentaires (thème CommentPress sous WordPress), et disponible également au format PDF ici, et ici, ainsi qu’en version imprimée (Editions La Découverte).

Le second a été commandé à Bruno Patino par le Minisitère de la Culture et de la Communication. Il est téléchargeable ici.

Ces deux rapports sont de nature et de facture bien différentes :

- L’un propose un état des lieux et dévoile une réflexion «  in progress  » menée de l’intérieur d’une profession, la librairie. L’une des formes de publication choisie, ouverte aux commentaires, témoigne de la volonté d’ouverture de la commission SLF/ALIRE, qui prend le risque de soumettre aux commentaires un texte qui embrasse des questions nombreuses et complexes.

- Le second s’appuie sur la connaissance des problématiques liées au numérique de son auteur, (Bruno Patino dirige le Monde interactif), et sur le travail de la Commission qu’il a présidée et qui a procédé à l’audition de nombreux acteurs du monde du livre.
Les recommandations des deux rapports ont déjà été largement rapportées et commentées, aussi ne vais-je pas y revenir ici.

J’ai préféré tenter de rechercher, à travers l’un et l’autre textes, qui par ailleurs présentent de nombreuses similitudes, les points de divergence les plus importants.

Le premier concerne la définition du livre numérique. Cette définition s’avère difficile dans les deux cas, mais contrairement à Bruno Patino, qui conclut à une «  définition impossible  », la commission SLF / ALIRE compte sur l’interprofession pour parvenir à préciser cette définition, qui seule, permettrait d’espérer un amendement de la loi Lang pour que le prix unique s’applique également au livre numérique :
SLF / ALIRE

«  Nous pensons que l’interprofession a intérêt à définir une notion de « livre numérique » (par exemple, œuvre complète vendue de façon pérenne et individuelle, reflétant le livre papier quand il existe) à laquelle ne saurait être assimilée la vente de contenus ou d’usages dérivés de ce contenu originel et matriciel. (…) Sur le principe, et dans l’idéal, la législation du prix unique et le taux de TVA réduit s’appliqueraient au livre numérique, mais ne concerneraient pas les autres types de contenus numériques.  »

Rapport Patino

«  A la limite, le seul cas où l’amendement (NDLR : de la loi Lang) semble « naturel » serait celui du fichier fermé téléchargé, simple retranscription d’un livre existant dans l’univers imprimé. Mais même dans ce cas, ce dispositif risquerait d’être discriminant par rapport aux autres formes de « livres numériques ». Du coup, le mode d’exploitation le plus respectueux de la version sur papier serait le seul à être régulé (car étant le seul à être définissable en continuité directe avec l’univers de l’imprimé) ; de ce fait, il serait potentiellement pénalisé au profit d’autres qui ne seraient pas encadrés. La loi « Lang » semble donc, dans sa formulation actuelle, ne pas pouvoir être amendée pour inclure la totalité des expressions d’un « livre numérique » qui est avant tout un droit de propriété intellectuelle sur un contenu écrit.  »

Un autre point sur lequel les deux rapports soutiennent des positions différentes est celui de l’application d’un taux de TVA réduit au livre numérique. Si le SLF / ALIRE souhaite que cette TVA à 5,5 s’applique au livre numérique (ce qui implique, encore une fois, d’en fournir une définition…), il souhaite voir ce taux réservé au seul livre numérique, alors que pour Bruno Patino, en l’absence de définition, il est préférable d’étendre cette réduction du taux de TVA à l’ensemble des «  biens culturels numériques  ».

Rapport SLF / ALIRE

«  - La TVA à 5.5% doit rester un taux réduit exceptionnel dû à l’objet spécifique du « livre imprimé » et du « livre numérique » si un accord est trouvé sur sa définition (cf. § précédent). Il n’est donc pas demandé de révision du taux de TVA sur les autres types de contenus numériques. «  

Rapport Patino

«  Il paraît donc plus judicieux de proposer, plus généralement, une TVA à taux réduit pour l’ensemble des biens culturels numériques. La présidence française du Conseil de l’Union européenne et l’échéance de renégociation de la sixième directive TVA pourraient permettre de mettre rapidement l’accent sur cette demande. La commission estime donc nécessaire de demander, pour favoriser l’essor des livres numériques, l’application d’un taux de TVA réduit pour les contenus culturels numériques.  »

Enfin, et c’est peut-être ce point qui est le plus intéressant, les deux rapports s’approchent de la notion d’usage de façon bien différente. Là où les libraires réaffirment leur rôle de médiateurs, au secours de lecteurs perdus dans la «  jungle du numérique  », Bruno Patino met en avant l’expérience utilisateur, et confie à ces utilisateurs, seuls à décider in fine de ce qui «  prendra  » ou «  ne prendra pas  » en matière d’usage, un rôle qui gomme la médiation, même s’il est avéré que dans la «  jungle du numérique  », les médiations existent bel et bien, même si elles se modifient, ou se font à l’insu des utilisateurs. (cf à ce sujet Alain Giffard, que je cite encore une fois, auteur d’une étude menée en 2007 pour le Ministère de la Culture et de la Communication et intitulée «  Lire – les pratiques culturelles du numérique «  . )

SLF / ALIRE :

«  Ainsi, éditeurs et libraires pourront jouer mieux encore leur rôle de médiateur, proposant une offre qualifiée aux lecteurs qu’une jungle du numérique pousserait à une lecture plus encore qu’aujourd’hui banalisée, attendue et imposée. Ainsi, les auteurs et les lecteurs seront-ils mieux respectés et considérés. Ainsi, la diversité et la richesse d’une offre culturelle tiraillée entre standardisation et atomisation pourra-t-elle non seulement être préservée, mais développée avec enthousiasme et passion.  »

rapport Patino :

«  Les usages, et non les auteurs, éditeurs ou libraires, décideront en définitive de ce que sera la lecture numérique. Un usage, dans le processus de construction d’un secteur du numérique, est une expérience suffisamment satisfaisante pour que le consommateur lui reconnaisse une valeur. Cette valeur se mesure dans l’argent et également dans le temps qu’il est disposé à donner pour vivre cette expérience. La plupart des expériences neuves vécues dans l’univers numérique restent sans suite, une technologie et ses fonctionnalités ne retenant pas l’attention du public. Mais parfois, dans un contexte donné, l’expérience est si satisfaisante qu’elle définit de nouveaux usages, consolidés dans une pratique assez large pour constituer un nouveau marché.  »

Cette question de la médiation, qu’il s’agisse de celle prise en charge par les éditeurs ou de celle effectuée par les libraires et les bibliothécaires, est au coeur de la révolution numérique. Les uns et les autres sont tenus d’apprivoiser très rapidement les technologies et de poursuivre leur mutation pour être en mesure de continuer à jouer un rôle dans l’univers numérique. À ce titre, l’engagement de l’état ne devrait pas se limiter, me semble-t-il, à l’aide à la numérisation, mais pourait inclure un soutien au développement des infrastructures numériques et à la formation.