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Yoyo

photo 2Le Forum de Tokyo n’avait pas lieu à Tokyo : pour m’y rendre, je n’ai pas pris l’avion, mais le RER C, et je suis descendue au pont de l’Alma que j’ai traversé en saluant affectueusement la tour Eiffel au passage. Puis j’ai dirigé mes pas vers le Yoyo, et suis descendue dans une salle située au sous-sol du Palais de Tokyo,  qui abrita brièvement les projections de la Cinémathèque Française, et est devenue un «  Un nouvel espace contemporain modulable dédié à la scène artistique, culturelle et événementielle«  .

Le Forum de Tokyo, organisé à l’initiative de l’AFDEL et du think-tank renaissance numérique, rassemblait pour une demi journée des professionnels du «  monde de la culture  » et des «  acteurs numériques  ».

Je ne résumerai pas les débats, dont on peut se faire une idée avec le hashtag #forumtokyo sur Twitter, ou voir la vidéo ici. Mais je vais me livrer à l’exercice privilégié du blogueur : je vais essayer de réfléchir tout haut sur cet événement, et tenter de mettre au point un faisceau encore assez flou de pensées concernant la relation entre le «  monde de la culture  » et les «  acteurs du numérique  », qui me turlupine depuis un moment.

En quittant le Yoyo, je pensais que l’opposition de deux mondes, celui de la culture et celui du numérique, était vraiment curieuse. Nous avons tous besoin de repères, et il est commode de schématiser, et de mettre dans des petites boîtes faciles à empiler ce qui nous dépasse par sa complexité. On aurait ainsi d’un côté les acteurs traditionnels, tous ces gens qui s’occupent à plein temps de faire en sorte qu’existent des livres, des films, des œuvres musicales, des programmes de télévision, des journaux. Et de l’autre, les acteurs numériques, tous ceux qui s’occupent à plein temps de…  changer le monde, un pixel après l’autre.

Il me semble plutôt quant à moi vivre dans un monde en mouvement, où les métiers se complexifient, où les frontières deviennent poreuses, et où le numérique concerne chacun et pas seulement les startups ou les géants du web. Si on reproche au monde de la culture de se cramponner à ses anciens privilèges de gatekeepers, il faut prendre garde de ne pas créer de nouvelles barrières, de nouveaux privilèges, de ne pas laisser confisquer le numérique, l’innovation, le changement par quelques uns. J’essaye toujours, avec parfois de la fatigue, de plaider pour l’hybridation, pour l’échange et l’écoute, pour la curiosité. Nombreux malheureusement sont ceux qui n’aiment regarder le monde que de là où ils sont assis, et considèrent que leur  point de vue est le seul qui vaille.

Les acteurs traditionnels savent que les objets dont ils s’occupent à plein temps, livres, films, musique, programmes audio-visuels, journaux, ne sont pas des «  produits comme les autres  ». Jetés dans un monde marchand, ces objets sont effectivement susceptibles d’être achetés et vendus et l’activité de création de ces acteurs se double d’une activité commerciale qui constitue un secteur économique important. Cependant le statut de ces objets diffère de celui de bien d’autres : ils ne sont pas exactement «  consommés  ».  On en prend connaissance, et cette connaissance demeure dans les mémoires. Ils concernent les individus mais aussi les relations entre les individus, organisent la pensée, les échanges, la sociabilité, la politique. Ce sont des objets de conscience, des objets de pensée, des objets de rêve. Une autre caractéristique fait que ces objets ne sont pas comme les autres ; ils sont tous numérisables. On peut numériser un livre, un morceau de musique, un film, une série télévisée, et pas une montre, un camion ou une bouteille de vin.

On a cru un moment que cela signifierait que seuls ces domaines, ceux travaillant sur des objets numérisables allaient être bouleversés  par le numérique. On s’aperçoit depuis quelques années qu’il n’est nul besoin que l’objet dont vous faites commerce soit numérisable pour que le numérique impacte très fortement une activité. Amazon a plus d’impact aujourd’hui en France sur les libraires par son activité de vente en ligne de livres imprimés que par la vente de livres numériques. Les biens mis en location via AirBnb ou les voitures que vous pouvez commander via Uber sont composés d’atomes et non de bits, et pourtant l’activité hôtelière et celle des taxis sont touchés avec l’arrivée de ces entreprises par une concurrence bien réelle.

Pensée post Yoyo numéro un :

La révolution numérique ne concerne pas exclusivement les activités qui concernent des objets «  numérisables  ». Elle est une conséquence de la généralisation de l’usage du web (avec le turbo que constitue la mobilité) : un poids nouveau des clients / usagers / utilisateurs / consommateurs, la possibilité pour les gens comme vous et moi de faire entendre leur avis, et l’arrivée de plateformes qui rendent possible des actions autrefois impensables.

Pour ceux qui produisent des biens    »numérisables  », c’est un double changement   :
1) le même changement que tous les autres acteurs économiques, lié à l’usage du web qui se généralise et à la puissance des plateformes susceptibles d’en exploiter tous les  avantages.
2) le fait que les biens dont on parle sont numérisables, et susceptibles d’évoluer non seulement dans la manière dont ils sont commercialisés, mais aussi dans la manière dont ils sont conçus, fabriqués, acheminés et utilisés, voire dans leur statut ou leur définition.

Pensée post Yoyo numéro 2 :

Là où les acteurs traditionnels diffèrent très fortement les uns des autres, c’est dans les différences d’expériences que proposent leurs versions numériques respectives vis à vis de l’expérience analogique. Le degré de substituabilité varie très fortement, et ce degré conditionne fortement les conséquences de la numérisation sur les usages et sur les conditions de circulation de ces objets.

Bruno Patino indique que les expériences autour d’une œuvre ne sont pas substituables, et par expérience il entend le tryptique œuvre – interface – contexte d’utilisation.

Je suis d’accord sur sa définition de l’expérience autour d’une œuvre, mais je crois que cette expérience dispose d’un degré de substituabilité qui varie selon les types d’objets, et qui conditionne forcément la vitesse et la profondeur des bouleversements apportés par le numérique à l’activité concernée. Il me semble que ce degré est très élevé pour la musique, beaucoup moins pour le livre, et effectivement, beaucoup plus faible encore pour l’audio-visuel (dont parlait Bruno Patino).  Et que ceci explique que la musique a été la première touchée par la vague, que le livre a suivi, et que l’audio-visuel est concerné à son tour.

Je crois aussi que plus on est un amateur averti dans un domaine artistique, plus on est cultivé dans ce domaine, moins l’expérience est substituable. Le mélomane entend des différences que d’autres n’entendent pas, tout comme le cinéphile voit des détails que d’autres ne perçoivent pas. Il en est de même pour les livres : le lecteur savant s’enchantera de la présence d’un moteur de recherche,  l’amateur de littérature souffrira plus qu’un autre de la mise en page encore améliorable de nombreux livres numériques. Mais le fait que les expériences sont non substituables n’indique pas qu’il faille en rejeter certaines à priori : cela permet au contraire de les juxtaposer, de les additionner, ce qui peut convenir à l’amateur, au mélomane comme au cinéphile ou au lecteur cultivé.

Voilà quelques pensées post-yoyo, j’en ai eu quelques autres mais je suis à court de temps. Il y aurait  aussi beaucoup à dire sur le livre blanc publié à cette occasion (grâce à  Librinova pour la version numérique), mais non, non, je m’arrête là. Maintenant, c’est à vous de parler : quelles ont été vos pensées post-yoyo, si vous étiez là où si vous vu la vidéo ou lu le livre blanc ?

Le Cap : congrès de l’UIE

J’ai la chance de participer au congrès de l’UIE, l’Union Internationale des Editeurs. Ce congrès a lieu tous les deux ans, et se tient à chaque fois dans une ville différente. Cette année, et pour la première fois, il se tient en Afrique, au Cap, et il réunit des éditeurs du monde entier. 
Pour l’instant, je n’ai presque rien vu de la ville, car il n’y a qu’une rue à traverser pour rejoindre le centre de conférences depuis l’hôtel. En attendant, avec quelque impatience, de pouvoir partir un peu à la découverte de la ville, je fais d’autres découvertes, en suivant les débats de la conférence, et en profitant de chacune des pauses pour échanger avec des délégués et des participants de différents pays.

Je suis arrivée dans ce pays avec une bien piètre connaissance de son histoire, de sa littérature, et même de son actualité. J’ai, comme tous ceux de ma génération, le souvenir de l’écho des luttes de l’ANC, et de l’abolition de l’apartheid, de la figure exceptionnelle de Nelson Mandela. Et j’ai également le souvenir de la lecture, vers mes dix-huit ans, de la saga  de Doris Lessing, les enfants de la violence, dont on me dit ici qu’il s’agit maintenant d’un classique étudié dans les universités. D’autres images sud-africaines me viennent de la lecture des romans policiers de Deon Meyer, auteur sud-africain de langue afrikaans, ainsi que de celle des auteurs plus classiques que sont André Brink et Nadine Gordimer.  

C’est la question de la langue qui a été pour moi le fil conducteur de la première journée des débats, avec en particulier la conférence introductive donnée par Ngugi Wa Thiong’o, un écrivain kenyan de langue kikuyu et anglaise, un vibrant plaidoyer pour les langues africaines. Pour cet auteur, aujourd’hui professeur à l’Université de Californie,  qui a cessé d’écrire en anglais et utilise aujourd’hui le kikuyu, le fait de devenir progressivement étranger à sa langue maternelle relève d’un processus de colonisation de l’esprit.  Si la proportion de lecteurs est si faible en Afrique du Sud – environ 1% de la population lit régulièrement des livres – cela est dû à de nombreux facteurs, mais selon Thiong’o, la principale barrière est celle de la langue. Les 99% qui ne lisent pas le feraient plus volontiers si les livres disponibles dans les librairies étaient écrits dans leur langue, et non, comme c’est le cas aujourd’hui, en anglais ou en afrikaans. Un autre conférencier, le professeur Keorapetse, raconte sur ce thème de l’usage de l’anglais contre celui de la langue maternelle un souvenir d’enfance. Dans sa famille, on interdisait aux enfants de parler anglais dans la maison. Et lorsque l’un d’entre eux s’exprimait en anglais, sa mère jetait des regards alentour en prenant un air inquiet et s’exclamait « Tiens tiens, on dirait qu’il y ici un petit monsieur anglais, c’est bizarre, je ne l’ai jamais invité… ».  Dans de nombreux pays d’afrique sub-saharienne la question de l’âge auquel l’anglais est enseigné aux enfants fait régulièrement débat, l’anglais étant la langue qui permet de s’insérer socialement, la langue de l’employabilité, certains parents font pression pour qu’elle soit enseignée au plus tôt. 

Je n’ai fait qu’effleurer le thème de la première conférence de la première journée, mais je vais devoir m’interrompre, il faudrait veiller tard ou me réveiller encore bien plus tôt pour réussir à bloguer ce congrès… Mais si je termine ce post, je manquerai la conférence de ce matin.

Nuages, nuages…

Il n’est pas question de l’édition, ni, à aucun moment, du livre, dans cet article de the Economist, qui commence par nous parler de Windows 7, dont, je dois dire, je me soucie  fort peu, pas plus que je ne me suis intéressée à Vista dont la seule chose que je peux dire à son sujet est que,  depuis qu’il l’utilise, l’homme de ma vie semble avoir enrichi son vocabulaire de jurons.

Mais le lancement de Windows 7 est présenté, dans cet article, non comme le commencement de quelque chose, mais bien comme la fin d’une époque pour les systèmes d’exploitation, et dans les rivalités qui existent entre les géants de l’informatique. Le centre de gravité, avec le Cloud Computing, s’est déplacé.

«  L’avènement du cloud computing ne se contente pas de déplacer le centre de gravité de Microsoft. Cela modifie la nature de la concurrence au sein de l’industrie informatique. Les développements technologiques ont poussé la puissance de calcul en dehors des hubs centraux : d’abord des  ordinateurs centraux  vers les minis, ensuite vers les PC. Maintenant, la combinaison de processeurs de plus en plus puissants  et de moins en moins chers, et de réseaux toujours plus rapides et doués d’ubiquité, renvoie la puissance vers le  centre en quelque sorte, et même bien au delà, peut-être. Les «  données dans le nuage  » sont, en effet, comme hébergées dans un gros ordinateur  central, sauf que cet ordinateur est public et mutualisé. Et au même moment, le PC est bousculé par une série de terminaux plus petits, comme les smartphones, les netbooks, et peut-être bientôt, les tablettes (des ordinateurs à écran tactile de la taille d’un livre). «  

Il pourrait être tentant de considérer «  l’informatique à la demande  » telle qu’elle est proposée avec le Cloud Computing comme un retour vers  l’informatique dite «  mainframe  », avec ses ordinateurs centraux et ses terminaux. Mais les choses sont cependant bien différentes et la comparaison ne tient pas vraiment la route.

On est bien loin du livre, apparemment. Loin ? Pas si sûr. Car parmi les géants du Cloud Computing, deux ont fait récemment des annonces qui confirment leur intérêt pour le livre :
- Google avec son programme Google Editions, dont le démarrage est prévu courant 2010, j’évoque la chose dans mon précédent billet.
- Amazon, avec l’annonce de son Kindle international, qui vient déjouer les prévisions : il avait été question d’une arrivée du Kindle au Royaume-Uni, suivie d’une ouverture en France et en Allemagne. Cela se fera peut-être aussi, mais Amazon, avec cette annonce, empêche Google d’occuper seul l’espace des médias, qui, ces dernières semaines, font une place considérable à tout ce qui concerne le livre numérique.

Le troisième, Apple, laisse se développer un gros buzz  au sujet de la tablette tactile qui pourrait voir le jour en janvier, et occupe déjà le terrain de la lecture numérique avec le couple iPhone/iPod. Il prend pied aussi dans le Cloud Computing, investissant dans la construction d’un énorme datacenter.

Ces géants de l’informatique et des réseaux s’intéressent à nous. Intéressons-nous à eux, essayons de suivre leurs mouvements, de comprendre ce qui les rassemble et les oppose, les buts qu’ils poursuivent, ce qui les fait courir, toujours plus vite, toujours plus loin.

5 ou 6 choses que je sais d’elle

1- Elle est joueuse, alors elle joue volontiers au petit jeu envoyé par Andre Gunthert.

2- Elle est curieuse, alors elle est allée voir ce qu’Olivier a écrit sur Affordance avant de s’y mettre.

3- Elle est timide, alors elle n’a rien envie de raconter qui la concerne personnellement.

4- Elle est paresseuse, alors elle ne fait pas plus d’efforts que ça pour chercher un 4° point.

5- Elle est distraite, alors elle a oublié ce qu’elle allait écrire en 5°.

6- Elle est menteuse, alors méfiez-vous des affirmations qui précèdent.

Elle est aussi taquine, alors elle réexpédie c’t'affaire à Christian Fauré, Alain Pierrot, Hervé Bienvault, Constance Krebs, Dominique Hasselmann, Laure Limongi, Claro, avec la règle du jeu.