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des métadonnées suffisamment bonnes ?

C’est une chose de critiquer la qualité des métadonnées du programme Livres de Google, c’en est une autre de le faire de façon systématique et argumentée. C’est l’exercice auquel s’est livré Geoff Nunberg et que l’on peut consulter ici.

La réponse de Jon Orwant, responsable des métadonnées chez Google, est intéressante. Loin de nier le problème ou de chercher à le minimiser, il examine une à une les erreurs pointées par Geoff Nunberg et explique leur origine, et la manière dont Google traite ses questions, à l’échelle des millions d’ouvrages qu’il a numérisés.

Joseph Esposito fait (dans la mailing list Read 2.0) un rapprochement entre le parti pris de Google concernant ce projet – privilégier l’accès rapide à une grande quantité d’ouvrages, et améliorer ensuite progressivement la qualité des métadonnées – et le  concept remis à l’honneur dans Wired cette semaine : celui de «  good enough«  . Francis Pisani traduit dans son billet sur le sujet «  good enough  » par «  pas mal  ». Je le traduirais plus littéralement par «  suffisamment bon  », me souvenant du terme  de «  mère suffiisamment bonne«    utilisé pour traduire le concept de «  good enough mother  » proposé par le psychanalyste anglais Winnicott. J’aime cette idée du «  good enough  », essentielleemnt déculpabilisante (pour les mères, qui résistent difficilement à l’envie  d’essayer de devenir des mères parfaites), mais dans beaucoup d’autres domaines aussi. Ça ressemble à première vue à un concept de feignant, celui qui se contenterait d’un «  assez bien  », qui bâclerait le travail, un candidat au «  peut mieux faire  ». En réalité, le désir de perfection est souvent paralysant. Ce concept de «  good enough  » permet au contraire de lever bien des inhibitions, permet d’oser faire un premier pas, celui qui coûte le plus.

Mais ce n’est pas en priorité à cause de la qualité de ses métadonnées que le projet Google Livres, et surtout  le projet de Règlement auquel le procès intenté à Google par les éditeurs et auteurs américains a abouti est violemment critiqué et combattu. Trois principaux reproches sont faits au Règlement Google Books Search  :

- le non respect par Google de la législation sur le droit d’auteur
- le danger de constitution d’un monopole sur l’exploitation des versions numérisées des œuvres orphelines
- le manque de garanties sur le respect de la vie privée

Le délai prévu par le Règlement pour déposer des objections a été prolongé jusqu’au 8 septembre. Et il faudra attendre le 7 octobre, l’audience de la cour de justice américaine chargée de se prononcer sur la validité du Règlement, pour savoir si celle-ci l’aura considéré comme… «  good enough  ».

Tout change, mais pas tant que ça

Quiconque a vu une démonstration de tableau blanc interactif cite spontanément le film «  Minority report  » : on y voit Tom Cruise manipuler avec une étonnante dextérité des images virtuelles sur des panneaux transparents, les tirant vers lui, les éloignant, les agrandissant, les faisant apparaître ou disparaître. L’effet est renforcé lorsque l’utilisateur interagit avec le tableau directement avec les doigts, sans utiliser de stylet, ce contact direct du corps avec la surface affichant l’interface est puissamment évocateur : rapprochement homme / machine, machine qui prolonge le corps, main qui commande directement à des documents et des applications informatiques.Contrairement à la surface inerte utilisée habituellement pour la vidéo-projection, la surface verticale n’est pas seulement ce qui se substitue à l’écran de l’ordinateur, permettant un usage public de celui-ci. Elle est aussi lieu d’interaction, sans la médiation habituelle du curseur dirigé par la souris. Celui qui le manipule est proche de ce qu’il montre, il est aussi en représentation, dans la lumière, dans un dispositif similaire à celui du tableau noir avec ses usages bien connus, tous liés à la possibilité d’utiliser l’écrit, texte ou figure, en renfort d’un discours ou d’un échange oral.

Curieusement, lors des démonstrations de ces tableaux, les fonctionnalités qui remportent le pus grand succès sont celles qui présentent la simulation la plus réaliste des adjuvants de l’antique tableau noir : souvenez-vous de l’attirail du prof de math, cette grande règle souvent jaune qu’il appliquait à même le tableau pour tirer un trait droit, le rapporteur, aussi. Alors lorsque le programme intégré au tableau permet d’afficher virtuellement de tels outils, lorsque l’on voit la règle virtuelle guider le geste réel du manipulateur, l’enthousiasme de la salle est palpable. Si c’est un compas virtuel, figuré à l’écran, et que l’on voit tracer une courbe, les applaudissements fusent.

Quiconque a visité une agence d’architecture ces dernières années aura constaté que les traditionnels outils de l’architecte en ont pratiquement disparu.

Le té emblématique de la profession, l’équerre, la haute table inclinable… rien ne distingue plus aujourd’hui au premier coup d’œil une agence d’architecture d’une autre société : des gens devant des écrans. Approchez-vous de l’un d’entre eux. Regardez son écran. Le té est il encore présent, virtuel, à l’écran ? Lorsqu’il trace une droite, utilise-t-il une équerre virtuelle ? Evidemment pas. Le programme de dessin, autocad généralement, gère cela de façon transparente. Les habiletés du dessinateur ont changé. La précision du geste n’est plus nécessaire, elle est totalement prise en charge par la machine. Mais la gestion des calques, la structuration du plan, la façon de grouper les élements, de les dupliquer, de les répartir, de les mémoriser, de les échanger, demandant des habiletés différentes.

Ce qui nous impressionne, c’est la capacité du logiciel à simuler la réalité, à nous présenter quelque-chose que nous reconnaissons. Bien sûr, ces artefacts de compas et d’équerre, de rapporteur et de règle, n’ont d’autre utilité que pédagogique : rendre tangible, en se référant à des outils de tracés bien identifiables, et utilisés par ailleurs par les élèves, les conditions de construction de la figure géométrique. Mais je ne suis pas certaine que c’est la perspective de cet usage qui nous enchante. Même en n’ayant comme unique expérience graphique de l’ordinateur que les quelques fonctionnalité de Powerpoint, on comprend vite qu’un programme excelle à tracer des droites, cercles, arcs, et toutes figures géométriques. Je trace (avec une règle et une équerre virtuelle) un parallèle entre ces outils figurés à l’écran, et les artefacts de livres : ces tourne-pages, flipbooks et autres widgets nous réjouissent, parce qu’ils nous proposent une expérience familière, même si celle-ci, sur un écran d’ordinateur n’a pas vraiment lieu d’être, car l’écran n’est pas une page, et il n’existe pas de nécessité qu’il singe la page. Pas de nécessité autre que celle de nous rassurer, de nous dire : tout change, mais voyez, finalement, pas tant que ça.

mise en scène, interactivité, interface

Quand les équipements sont là, quand les ressources sont là, quand les enseignants sont au rendez-vous, quand les nouvelles technos sont réellement utilisées dans les classes, ne croyons pas que c’est gagné…
Hubert Guillaud rapporte dans Internet Actu les propos d’Henning Breuer publiés sur le site japonais Ping Mag. Ce designer allemand a étudié longuement l’usage des tableaux blancs interactifs, au Chili et en Allemagne :

«  …on a observé que l’usage de tableaux blancs interactifs, par exemple en Allemagne ou au Chili, est totalement chaotique, avec un professeur qui passe sans cesse de son ordinateur au tableau. Sans compter que les profs l’utilisent souvent d’une manière linéaire pour y projeter leurs présentations Powerpoint… La technologie est mal utilisée si bien que l’interaction en face à face est occultée par le professeur qui regarde son moniteur et les élèves qui regardent l’écran.”

On sait que lorsqu’une interface atteint un certain degré de perfection (réponse à un besoin, simplicité extrême de l’usage, apprentissage ultra rapide et intuitif), les usages décollent à toute vitesse. Qui a jamais parlé d’un iPod «  mal utilisé ?  » Mais la difficulté, en ce qui concerne le TBI, est redoublée, car c’est un outil d’usage collectif. Il ne s’agit pas seulement de faire interagir un individu avec un système informatique, mais, et c’est beaucoup plus complexe, un individu avec un groupe d’individus via un système informatique. Ce n’est pas seulement l’interface du TBI qui est en cause, d’ailleurs ce terme ne signifie pas grand chose, le TBI permettant d’interagir avec un ordinateur directement, et permettant l’affichage de toutes sortes d’interfaces, dont effectivement, mais non exclusivement, celle du logiciel proposé par le constructuer. C’est aussi la mise en scène que l’enseignant va créer pour intégrer l’usage du TBI dans son enseignement. Et là, il semble tout à fait normal que les usages premiers connaissent une période de tâtonnements.
Ceci noté, ne devrait-on pas consacrer d’avantage de moyens à des recherches telles que celle menée par Henning Breuer ?

Une précisions : H. Breuer ne se consacre pas exclusivement à l’observation, il développe et teste des systèmes d’interfaces utilisant le TBI et des assistants personnels distribués aux élèves.

par dessus l’épaule – 2

Fernand indique en commentaire du billet précédent un lien vers des photos et plans d’une classe équipée en ordinateurs et vidéoprojecteur dans le cadre de l’expérimentation d’un cartable électronique développé par l’Université de Savoie (Chambéry, Annecy).
Entre l’aménagement de la salle 309 et de la salle 208, il y a une belle amélioration…
J’aperçois un vidéoprojecteur : on a là un espace avec des postes en «  L  », qui permet plusieurs types de mobilisation des élèves, individuelle ou collective.
Fernand propose l’idée de lancer un recensement, toujours à propos des dispositifs spatiaux et des pratiques pédagogiques qui vont avec. Mais je crains que mon blog tout récent ne manque de visibilité pour obtenir des réponses en grand nombre, réponses que je n’aurais d’ailleurs pas les moyens de traiter… Restons donc dans le cadre de la conversation, qui demeure l’objectif de ce blog.
L’INRP fait régulièrement des enquêtes en ligne, j’en ai trouvée une aujourd’hui destinée à recueillir les témoignages des profs de SVT et d’histoire-géo.

Bien sûr, vos liens vers des photos, des plans, ou des témoignages directs sur les dispositifs sont les bienvenus, tous comme vos réflexions à ce sujet…

J’ai consulté aussi une liste de diffusion (mmm, l’ergonomie si délicate rustique de ces listes vous a un petit goût «  pionnier  » que j’adore) à propos de l’usage des TBI à l  »école primaire, on y trouve surtout une sorte de bourse d’échanges de contenus destinés aux TBI, réalisés par les enseignants eux-mêmes.

par dessus l’épaule

Il y a quelques années, dans le petit monde des NTICE (prononcer Hennetisse, si vous aimez la tradition, ou bien N’Tis, si vous préférez un peu d’exotisme), il était assez souvent question d’enseignement «  par dessus l’épaule  ». Il ne s’agissait pas d’une méthode d’éducation nouvelle inspiré de «  Libres enfants de Summerhill«  , ni d’une sorte d’éducation désinvolte, à base de cours dispensés «  par dessus la jambe  ». Non. Ce vocable désignait l’organisation spatiale de la classe, et la position des uns et des autres à l’intérieur de celle-ci, dès lors que chaque élève était équipé d’un ordinateur. L’enseignement «  par dessus l’épaule  » illustrait la position de l’enseignant, derrière l’épaule de l’élève face à son ordinateur, derrière l’élève actif, derrière l’élève acteur, présent auprès de lui, l’accompagnant dans l’acquisition des connaissances. Il s’opposait au cours magistral, le professeur face à sa classe, tous les regards des élèves (théoriquement) braqués sur lui, le professeur acteur, le professeur actif, et les élèves attentifs.
L’engouement actuel pour le tableau blanc interactif n’est-il pas une manière de prolonger, voire d’amplifier le cours magistral, et d’essayer de mettre définitivement hors service ce concept d’  »enseignement par dessus l’épaule  », qui vient redéfinir la relation professeur – élève ?
L’usage du tableau blanc modifie la place de l’enseignant dans la classe. L’enseignant est parmi ses élèves, ensemble ils regardent le TBI, avec lequel l’enseignant peut interagir. Le TBI prefectionne le cours magistral, permet en quelque sorte un «  cours magistral augmenté  ». Tout dépend bien sûr de ce qui est présenté sur ce TBI, de la manière de l’utiliser, mais le disposiitif n’est certainement pas neutre.
Il existe déjà dans les classes non équipées d’ordinateurs des moments «  d’enseignement par dessus l’épaule  » , lorsque par exemple l’enseignant passe de table en table pour observer «  par dessus leur épaule  » les élèves en train de faire un exercice. Ces moments, ou l’élève se recentre, baisse les yeux sur sa feuille, se coupe du monde extérieur pour se concentrer, correspondent à l’un des moments où l’enseignement s’individualise, par opposition aux moments collectifs du cours magistral et des phases de questions / réponses.

Il serait intéressant de recenser les dispositifs physiques d’enseignement, leur disposition spatiale, de façon plus systématique, et de les mettre en relation avec les dispositifs pédagogiques, et de réfléchir aux dispositifs incluant les nouvelles technologies de la même manière, (Où et comment sont disposés les ordinateurs ? Combien d’élèves par ordinateur ? Est-ce que ce sont des portables ou des ordinateurs de bureau ? Utilise-t-on un vidéoprojecteur ? Un TBI ?)

Mais peut-être est-ce que cela a déjà été fait ? Si oui, je suis preneuse de toute référence.