Archives mensuelles : juin 2009

En direct du Bureau des Éditeurs

penguinofficePenguin USA ouvre un nouveau site intitulé «  From the Publisher’s Office  ». Destiné à mieux faire connaître livres et auteurs, il présente des contenus originaux, clairement séparés par type de média : des vidéos (screening room), des contenus audio (radio room), des extraits de livres (reading room). La particularité de ces éléments : ils ont été conçus et réalisés par les collaborateurs de Penguin eux-mêmes.

J’aime assez la simplicité  avec laquelle sont réalisées les vidéos : du «  fait maison  » soigné, sans prétention, qui montre bien une évolution de l’usage de la vidéo sur le web. Là où de grandes marques continuent de réaliser des vidéos avec de gros budgets, des équipes professionnelles, des éclairages très soignées, des images «  parfaites  »,  d’autres optent pour un style plus familier, plus dans l’esprit de la «  caméra stylo «  . En réalité, qu’importe parfois si l’image est un peu tremblée, quand ce que nous dit cette image nous intéresse ? Si par contre il s’agit d’essayer de rendre sexy une barre de céréales, l’image a intérêt à être absolument parfaite… Bon, il est des cas bien sûr aussi ou une photographie parfaitement maîtrisée sert un propos tout à fait passionnant… et là, c’est la fête !

Pour la  partie «  reading room  », on a utilisé la technologie ISSUU. C’est seulement en mode «  paper view  » que je trouve ce mode de visualisation lisible, mais peut-être est-ce dû à la taille de mon écran où à ma vue qui a été meilleure…

L’intérêt de ce site, qui semble assez «  1.0″ dans sa conception (pas de commentaires ouverts pour les visiteurs, juste une «  boîte à suggestions  » qui est une adresse mail, pas de fil RSS…), c’est de donner la parole aux éditeurs. Donner la parole, cela ne veut pas dire mettre en vedette. C’est simplement assumer que derrière une marque, il y a des gens. Que les maisons d’éditions sont peuplées de gens qui aiment leur métier, réfléchissent à ce qu’ils font, ont des choses à dire sur les livres qu’ils éditent. Que le contact privilégié que les éditeurs ont avec les auteurs, ils peuvent le partager avec les lecteurs, lorsque l’auteur y consent. Bien sûr, il s’agit de donner plus d’exposition aux livres de Penguin, pour en vendre plus. Et alors ? Si l’éditeur ne cherche pas à vendre les livres dans lesquels il croit, qui le fera à sa place ? Quel auteur ne sera pas enchanté des efforts faits par son éditeur pour faire connaître son travail ?

Que cet effort pour  parler des livres, des auteurs, de la lecture, aboutisse à des sites aussi bien réalisés, riches de contenus de qualité, on ne peut que s’en réjouir. Cela dénote aussi de la part des éditeurs une capacité à se lancer dans de nouvelles aventures, à investir de nouveaux médias dont ils sont peu familiers. Tout cela doit coûter cher, il n’est qu’à consulter la page «  crédits  » du site, et voir le nombre de personnes mobilisées sur le projet. L’accès à cette page est accompagné de la note suivante :

Les vidéos et tous les autres contenus exclusifs disponibles ici sur «  En direct du Bureau des Editeurs  » sont tous conçus et produits par les éditeurs, équipes marketing et communication de chez Penguin. En fait, des collaborateurs à tous les niveaux ont contribué à la réalisation de ces programmes  »

Beaucoup de gens en interne, beaucoup sur des périodes de temps limitées, mais tout de même. Rendez-vous dans quelques mois, pour voir si ce numéro 1 aura été suivi d’un numéro 2, 3, 4… Cela seulement nous dira si pour Penguin la démarche a été un succès. Un succès qui ne peut que venir de cette proximité nouvelle entre éditeurs, auteurs, et lecteurs. Et qui peut se heurter à la difficulté de faire venir des visiteurs sur un site présentant les livres d’un seul groupe d’édition, aussi important soit-il.

Attention, prospective

C’est en anglais. Ça parle uniquement du contexte de l’édition au États-Unis, différent du contexte européen. À lire quand même : attention, prospective : ça secoue.  Ce sont les slides de la présentation de Mike Shatzkin à la «  Book Expo America  ».  Vidéo et script de l’intervention sur son site.


Stay Ahead Of The Shift

«  Lundi, nous avertit Mike, la vidéo sera remplacée par un lien (que j’ajouterai alors ) vers le texte de l’intervention sur la nouvelle plateorme d’annotation de nos clients, SharedBook. La plateforme permettra de saisir des commentaires par section, et ceci constituera une expérimentation pour Sharedbook et pour nous. Nous espérons que vous serez nombreux à commenter.  »

Baignades à Bagnolet

fbon_bagnoletBibliothèque de Bagnolet, mardi 2 juin. Liseuse en main, François Bon commence. Énumération. On peut la lire ici. Un concentré de ce que nous partageons en ligne depuis quelques années : cette urgence à explorer les outils, les applis, les réseaux, à aller barboter dans toutes les rivières du web, à s’y laisser flotter et dériver, à essayer d’en remonter le courant, de construire des barrages comme font les gosses, l’été, en déplaçant des pierres.

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Puis c’est Silvère Mercier, ingénieur hydrographe, que l’on remercie de ses explorations bibliobessionnelles, si précieuses, Silvère qui rêve à la bibliothèque de demain, à sa place dans la cité et dans les réseaux.

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Pierre Ménard, ensuite,  s’installe derrière son mac. Musique. Images. Il nous emporte dans ses explorations, dans ses juxtapositions, dans une longue séquence poétique, images samplées, sons remixées, tremblements fugitifs, extraits et fragments.

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Je croyais bien connaitre desordre.net, que je fréquente depuis longtemps, heureuse de m’y perdre, de m’y faire balader. Mais nul ne peut prétendre connaitre le désordre, ça sert à ça, le désordre, à maintenir des choses cachées, enfouies, provisoirement hors de portée, pour que le plaisir de les trouver ou de les retrouver ensuite, par hasard, soit d’autant plus grand qu’il est inespéré. Mais visiter le désordre avec celui qui le crée depuis dix ans, ce fut un grand privilège. Philippe de Jonckheere a réalisé un montage sonore, mixant sa voix lisant de longs extraits du bloc-notes avec musiques et bruits, et tandis que passait cette bande, il explorait devant nous les dédales de son site, en direct. Ce que le désordre révèle, c’est pour mieux le cacher. Et ce que le désordre cache, il est urgent de le découvrir. Alors que le web est en train de devenir le web du flux, un monde de rivières,  desordre.net est une cité lacustre.

le temps d’une lecture, changé en épileptique averti

claro1J’adore Claro. C’est vraiment un type très drôle. Même si on ne comprend pas tout.

Je suis allée écouter son hommage à Beckett, hier soir au théâtre du Châtelet.

Lorsque j’ai vu ma première pièce de Beckett, je devais avoir 13 ou 14 ans peut-être, c’était au Théâtre des Arts, à Rouen. Jean Chevrin, qui dirigeait alors la classe d’art dramatique du Conservatoire, jouait le rôle de Pozzo, rôle qu’il avait créé, je l’apprends en cherchant sur le web pour rédiger ce billet. C’est pour le voir jouer que nous y étions allés, en famille, car c’était un ami de mon père. Tous deux sont morts à présent, tous deux trop tôt,  Jean encore plus absurdement tôt que mon père.  Je me souviens du décor, un arbre mort, de Vladimir et Estragon, et de Pozzo, dont nous guettions l’apparition : impatients de voir Jean,  pour nous, c’était plutôt  «  en attendant Pozzo…  »

Nous passions, enfants, un temps fou au conservatoire. Inscrits dans les premières classes à horaires aménagées imaginées par Landowski, nous finissions les cours à 13h, puis c’était grande liberté : chorale, orchestre, musique de chambre,  supplice du solfège, instrument, chacun avait son emploi du temps particulier. Je me faufilais souvent dans la classe de Jean Chevrin, sous les combles. Ses élèves étaient les plus âgés du conservatoire, ils avaient tous plus de 16 ans. Planquée dans un coin, j’assistais au cours, j’observais Bertrand et Bérangère Bonvoisin qui passaient une scène, j’entendais Jean les reprendre. Les mots changeaient bizarrement de sens suivant qu’on les disait de cette manière ou de telle autre, suivant que l’on bougeait en les disant comme ceci ou comme cela. La belle voix posée de Jean imprimait aux mots le temps de son souffle et sa texture vibrante. Ailleurs, autour, au même étage, tout était musique, tout se situait par delà les mots, c’était le règne de l’indicible et du sublime. Dans cette pièce, cernée par les échos des instruments qui répétaient,  le texte résistait, le texte s’entêtait à essayer de dire ce qui résiste au dire.

Il faudra que Claro publie ce texte qu’il nous a dit hier. Guérillero de la langue, il s’est dédoublé pour évoquer Beckett :  Claro l’écrivain, accroché à son pinceau, Claro le traducteur, menaçant d’ôter l’échelle.  Entre deux langues, comme Beckett. Comme lui, au bord du silence.

Qu’il me pardonne, je lui ai volé une phrase, avec mon appareil photo :