Qu’est-ce que j’peux lire ? J’sais pas quoi lire…

Comment décidez-vous quel sera le prochain livre que vous lirez ? Aux réponses classiques, issues d’un monde où la seule possibilité pour lire un livre était de se déplacer pour s’en procurer une version imprimée, se sont déjà ajoutées de nouvelles pratiques, avec la possibilité de découvrir des livres imprimés, puis des livres numériques, directement sur le web.

Les occasions de découvrir un livre sur le web sont diverses : les libraires en ligne nous ont habitués à des recommandations fondées sur des algorithmes basés sur notre comportement en ligne, croisé avec celui des autres internautes : ceux qui ont acheté ce livre ont aussi acheté… /  ceux qui ont consulté cette page ont aussi consulté… / Vous avez aimé … vous aimerez peut-être…  Cette recommandation basée sur l’analyse des données a ses limites (Amazon m’a ainsi gentiment adressé il y a quelques années un mail me disant : « vous avez aimé Cahier d’exercices Anglais seconde,  vous aimerez aussi Cahier d’exercices Allemand seconde »…).

Lecture et réseaux sociaux

Certains réseaux sociaux dédiés aux livres, comme Babelio, LibraryThing, GoodReads, Anobii ,  proposent une forme différente de médiation : basés sur des contenus générés par les utilisateurs, et sur ceux d’entre eux qui mettent en ligne les métadonnées de leur bibliothèque, ils nous permettent de découvrir des lecteurs ayant des goûts de lecture proches des nôtres, des bibliothèques assez similaires. Ceux des livres de leur bibliothèque que nous ne connaissons pas ont alors de bonnes chances de nous intéresser.

Et bien sûr, sur les réseaux sociaux plus généralistes, ceux des gens que nous suivons, ceux de nos « friends » que nous connaissons le mieux, peuvent nous inspirer dans nos choix, dès lors qu’ils partagent de temps en temps leur enthousiasme pour un titre.

Un petit exemple d’échange de twitts, assez caractéristique. J’ai commencé à lire avant-hier le dernier livre d’Enrique Vila-Matas, Chet Baker pense à son art.  J’ai fait part de mon enthousiasme sur Twitter, comme cela m’arrive parfois, assez rarement en fait, mais de temps en temps.


Quelques instants plus tard, un twitt de Christine (@cgenin), que je connais :


suivi d’un autre de @lizarewind que je ne connais pas, et ne suivais pas sur Twitter (maintenant si), mais dont je vois le twitt parce qu’il inclut mon identifiant  :

@lizarewind inclut aussi une certaine @CristinaRiera dont elle doit connaitre l’intérêt pour cet auteur, et @CristinaReira réagit à son tour :


Cet échange a duré quelques minutes, pendant lesquelles quelques uns de nos followers (à nous quatre, cela fait plus de 5000 personnes) auront peut-être eu la curiosité de cliquer sur le lien vers le site d’Enrique Vila-Matas, et certains, peut-être en quête de leur prochaine lecture, opteront, qui sait,  pour ce livre plutôt que pour un autre… Ce livre, qui, à lui tout seul, est un véritable outil de recommandation, chaque page vous donne l’envie de lire un auteur, c’est la spécialité de Vila-Matas, que de faire ainsi l’entremetteur, et je dois à ses précédents livres de nombreuses découvertes. (En fait, quand j’y pense, c’est mon moyen préféré de découvrir des livres, les découvrir dans des livres.)

Des exemples comme celui-ci sont légion, c’est le bouche à oreille numérique, un bouche à oreille infiniment plus rapide que le bouche à oreille IRL, même s’il est contrarié par ce qui fait sa puissance : chacun est suivi par un grand nombre de gens, mais en suit également beaucoup, et il n’est guère possible de tout lire, et encore moins de cliquer sur l’ensemble des liens proposés par notre timeline…

Small Demons

J’ai déjà évoqué SmallDemons, dans le compte-rendu que j’ai fait de la conférence Books in Browsers, où le fondateur de ce site assez impressionnant l’avait présenté. Encore un site dédié à la découverte des livres, qui propose en fait de naviguer d’un livre à l’autre en passant non pas par les lecteurs de ce livre (il aime les même livres que moi, alors je devrais aimer des livres qu’il a lus et pas moi…), mais par le contenu des livres même. La vidéo explique bien le concept.

Et le résultat est impressionnant : pour chaque livre sont listés et illustrés par des visuels très bien présentés par catégories, les personnalités, les musiques, les mets, les boissons, les objets, en fait , tous les noms propres qui ne sont pas fictifs, et peuvent être des noms de marques.

Si dans tel roman policier de Sue Grafton un personnage écoute une chanson tirée de Blonde on Blonde de Bob Dylan, l’image de la pochette du disque s’affiche, à côté des images des pochettes des autres morceaux cités dans le livre. Au clic sur cette image s’affichent tous les livres dans lesquels cet album est cité…

WhichBook

Un autre twitt me conduit aujourd’hui vers le site WhichBook, qui propose une autre manière de choisir un livre, avec une interface permettant de régler jusqu’à quatre curseurs présentant des oppositions du type : happy/sad, funny/serious, safe/disturbing.

Cela me rappelle un  outil dont j’avais eu l’idée au début des années 2000 pour le site web d’un éditeur jeunesse, et qui avait abouti à la création d’une petite application en flash qui s’appelait un « j’sais pas quoi lire », et proposait aux jeunes lecteurs, sous une forme graphique, une succession de choix du type : préfères-tu les histoires d’aujourd’hui, du passé, ou dont l’action se situe dans le futur ? Une série de clics leur permettait d’affiner ainsi leur choix qui aboutissait à une liste d’ouvrages de l’éditeur concerné. Le site n’est plus en ligne, alors, pas de lien…

Pour permettre ce type de sélection des livres, il a fallu évidemment que les livres soient indexés en fonction de leur adéquation à ces critères, et les livres l’ont été effectivement, manuellement, par des volontaires. Chacun peut publier sur WhichBook ses listes de livres indexés.

Un site français, Culture Wok, développé par l’association Le Wok en Travaux , propose quelque chose d’assez proche pour les livres, mais aussi les films, les jeux, les vins, la musique. Plusieurs bibliothèques ou médiathèques et libraires ont aussi leur propre Wok, essentiellement en région Aquitaine. Il manque à ce site une visibilité donnée à l’utilisateur sur l’ensemble du catalogue utilisé pour la recherche, cette visibilité étant présente sur le site WhichBook, avec une liste complète des auteurs. Il est toujours désagréable d’utiliser pour une recherche un outil sans avoir la moindre idée de la manière dont il fonctionne, pas plus que de la base d’ouvrages qu’il consulte pour fournir des résultats. Je n’ai pas non plus trouvé comment commander un ouvrage une fois sélectionné. Le site est en beta, alors, espoir…

Répertorier les « qu’est-ce que j’peux lire » ?

Il n’y aura jamais trop de dispositifs offerts aux internautes, proposant dans l’infini des objets numériques disponibles sur le web des repères, des balises, des panneaux de signalisations, des moyens de trier, de choisir, de découvrir, de sélectionner. Les architectes ne suffisent pas, il faut des urbanistes, pour penser les déplacements, les regroupements, les proximités. En complément de la médiation proposée par les libraires et les bibliothécaires, qui ne peuvent accompagner individuellement la totalité des lecteurs, plus les outils web (et mobile) seront nombreux, divers et bien pensés, plus les livres auront des chances de rencontrer les lecteurs qui les attendent.

Je proposerais volontiers à ceux qui ont eu le courage de lire ce billet jusqu’ici d’indiquer en commentaire d’autres exemples de sites « qu’est-ce que j’peux lire ».

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Immersedition, fiction et interactivité

Basée à Dallas, la société Chafie Creative Group propose une application iPad nommée Immersedition, et déclare « inaugurer un nouvau type d’applications de lecture interactive ».

Le premier titre concerné est The Survivors,  d’Amanda Havard. Le livre comporte 300 points tactiles, qui permettent d’accéder à 500 fenêtres de contenu interactif insérées dans les pages du livre via des zones sensibles.

Chaque zone sensible révèle des éléments comme des précisions sur des faits historiques, des cartes (Google Maps), des photos, des vidéos, des profils de personnages qui diffèrent selon l’endroit où ils sont situés dans l’histoire. Il y a aussi trois bandes son originales, qui peuvent être lancée à des points clés. Il existe aussi des profils Twitter pour cinq des personnages, qui continuent de twitter et d’ajouter du contexte en contrepoint de l’histoire. Tous les contenus fonctionnent hors connexion, sauf les cartes et les fils Twitter.

Je suis  impatiente de connaître le destin de ce livre numérique interactif, de savoir s’il rencontre un succès, s’il plait suffisamment au public pour ne pas demeurer  – ce qui est souvent le cas de ce type d’objet – une  expérimentation, plus amusante à réaliser qu’à utiliser.

(via Gigaom)

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innovation, jeunes pousses, et livre numérique

GeekWire rapporte que s’est tenu le week-end dernier une rencontre intitulée Ebook Innovation Summit, qui rassemblait à Redmond  quelques jeunes sociétés qui innovent dans le domaine du livre numérique.

Cette rencontre a mis en lumière des start-ups qui  développent, « à l’ombre d’Amazon », des technologies pour diverses plateformes.

L’événement était organisé par Roy Leban, fondateur de Puzzazz, une société  qui développe des livres de jeux (de type Sudoku, mots croisés etc.) pour le Kindle. Une particularité commune à ces start-ups, c’est qu’elles sont pour la plupart largement dépendantes de tiers, dont les principaux sont Amazon, Apple, Barnes & Noble ou Adobe. Mutualiser certaines informations et bonnes pratiques sera un atout certain, et devrait contribuer à améliorer la qualité de leurs produits et services.

Parmi les entreprises présentes, citons Bluefire, qui réalise des applications de lecture personnalisées pour Androïd et iOs. Bluefire vient de réaliser une application de lecture pour le compte d’Indiebound, le portail de la librairie indépendante US, destinée aux clients des libraires qui utilisent la solution de Google.

Est-ce que les entreprises du même type qui se développent de ce côté-ci de l’atlantique, les Actialuna (qui viennent de lever des fonds, ) Babelio, Feedbooks, Walrus et quelques autres ont aussi des moments de rencontre un peu formalisés ? Au moment où s’annonce (une fois de plus, mais qui pourrait bien être la bonne…)  le démarrage du livre numérique en France, la vivacité d’un secteur développant de nouveaux services, de nouveaux produits et de nouvelles approches est essentielle. Je n’ai cité que très peu d’exemples, aussi, jeunes sociétés innovantes dans le domaine du livre numérique (ou développant de nouvelles techno au service du livre), n’hésitez pas à vous signaler en commentaire…

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Ceci n’est pas un iPad

Greg Knieriemen a adressé  une lettre ouverte à Jeff Bezos, le patron d’Amazon avant de rapporter en magasin  la tablette Kindle Fire qu’il venait d’acquérir. Pourtant Greg Knieriemen adore Amazon. Ce n’est pas lui qui aurait écrit, comme l’auteur du blog le journal d’une lectrice : Le Kindle ne passera pas par moi.

Non, Greg Knieriemen n’a rien contre Amazon. D’ailleurs, il travaille pour une société qui vend aux entreprises des services d’hébergement informatique qui s’appuient sur la solution AWS (Amazon Web Services), dite aussi Amazon S3. Acheter tous ses livres et sa musique sur Amazon ne le dérange pas, et il ne se sent pas le moins du monde concerné par la possible fin des librairies.

Alors, qu’est-ce qui a conduit Greg à renvoyer sa tablette Fire à Amazon ? Il l’explique à Jeff Bezos :

« Comme tu le sais certainement, il est impossible de charger et d’utiliser une appli Google nécessitant un login sur une Kindle Fire. Cela signifie : pas de Gmail, pas de Google+, pas de Google Voice ni de Google Docs. J’aurais dû parcourir plus soigneusement l’app store d’Amazon avant d’acheter le Kindle Fire. J’assumais à tort que puisque vous aviez construit le Kindle Fire sur le système d’exploitation de Google, il n’y aurait aucun problème pour utiliser les applis Google avec. (…)

Malheureusement, je dois rapporter ma Kindle Fire chez Best Buy, et récupérer quelques cartes cadeau. J’espère sincèrement que tu vas reconsidérer ce fait de bloquer les applis Google sur le Kindle Fire. »

Knieriemen n’est pas le seul à avoir noté l’absence des applis Google sur la tablette Fire. Walt Mossberg, dans le Wall Street Journal, écrit :

« Finalement, alors que la Fire, comme beaucoup d’autres tablettes, est basée sur le système d’exploitation Androïd, Amazon a pris le parti de cacher Androïd. Il évite son interface utilisateur et presque toutes les applis et tous les services de Google, y compris l’app store Google. »

Mais, pour Mossberg, la raison en est simple :

« Le logiciel de la Fire est entièrement tourné vers le contenu, vers les applis qu’Amazon vous a déjà vendus et l’achat facile de nouveaux contenus. »

En cela se confirme ce que j’écrivais il y a quelques semaines : la tablette Fire n’est pas exactement un concurrent de l’iPad, qui est utilisé par certains comme un substitut à l’ordinateur portable. Et ce doit être le cas de Greg Knieriemen, qui, alors, a toutes les raisons de rapporter sa tablette. Pour quelqu’un qui utilise quotidiennement un grand nombre des services de Google, en être privé sur un terminal qui doit rendre des services proches de ceux d’un laptop est insupportable.

Alors que le « moment ebook » est tout juste en train d’advenir en France, avec la mise en circulation probable d’un grand nombre de liseuses en cette fin d’année, celles d’Amazon, de Kobo, de Bookeen et d’autres, on voit que l’arrivée aux Etats-Unis des tablettes (Amazon, Kobo, Nook)  n’est pas seulement l’opportunité d’ouvrir la lecture numérique aux livres de jeunesse, aux livres pratiques, aux beaux livres et aux livres enrichis. La Kindle Fire propose non seulement le téléchargement de livres, mais également l’accès à de la musique, des jeux, des films.

La tablette Fire serait-elle simplement une « machine à acheter » ? Ce fut l’une des principales critiques adressées à l’iPad au moment de son lancement. Et tout comme l’iPad, elle en est une, bien entendu. Mais pourquoi la société Amazon aurait-elle investi, pour un tel objet, dans la création d’un navigateur web spécifique, Silk, s’il s’agissait  pour elle de proposer une simple  machine à acheter, branchée de manière privilégiée sur sa boutique en ligne ? La tablette d’Amazon est aussi indissociable de son cloud que le sont du sien les terminaux d’Apple. On s’aperçoit que les lignes bougent, encore une fois, et qu’il devient impossible de tracer clairement et surtout définitivement les contours des activités de ces acteurs globaux. Apple, fabricant d’ordinateurs et de logiciels, s’est intéressé à la musique, aux livres, à la presse, au téléphone, à la télévision. Amazon a commencé avec les livres, puis agrandi son magasin en ligne à quantité de produits, ouvert son service AWS, développé des terminaux mobiles, offert des services aux auteurs, embauché des éditeurs. L’opposition tuyaux / contenus perd de plus en plus de sa pertinence, et tout se restructure aujourd’hui d’une manière nouvelle, autour d’acteurs qui investissent toujours plus dans des infrastructures lourdes, d’immenses fermes de serveurs, qui permettent de stocker et  de faire circuler tout ce qui peut se transformer en bits toujours plus vite, toujours plus loin.

La tablette Fire est dotée d’un navigateur web développé par Amazon, Silk, qui inaugure  une nouvelle génération de navigateurs.

Comme l’explique Louis Nauguès :

« Silk est le premier navigateur qui a été conçu dès le départ dans une logique Cloud Computing, par une entreprise, Amazon, qui est devenue en moins de 5 années le leader mondial des IaaS, Infrastructures as a Service, avec AWS, Amazon Web Services.

L’idée toute simple, mais révolutionnaire est de faire de Silk un «split browser», qui répartit l’ensemble des traitements liés à la navigation entre le poste de travail, Kindle fire, et le Cloud, AWS.

Ce qu’annonce Amazon, et qu’il faudra vérifier, est que cette répartition des traitements est totalement transparente pour les utilisateurs et s’adapte en permanence aux circonstances.

Il n’est pas très difficile de comprendre que les améliorations de performances, en particulier sur des objets mobiles tels que Kindle Fire, peuvent être spectaculaires. (…) le Cloud AWS d’Amazon dispose de connections fibres optiques très rapides permanentes et peut agréger des contenus venant des principaux sites Web en quelques millisecondes.

Si l’on y rajoute la possibilité pour AWS d’adapter le poids des pages et des images aux capacités d’affichage des objets d’accès, les transferts entre AWS et Kindle Fire seront beaucoup plus performants et rapides.

Plus l’utilisateur sera sur un réseau mobile lent, plus la perception d’amélioration de vitesse devrait être spectaculaire.

Le Web est le territoire parfait de la «coopétition», la collaboration entre compétiteurs et Silk le démontre une fois de plus. Amazon utilise pour Silk le protocole expérimental SPDY, substitut de HTTP, proposé par … Google ! »

Jusqu’à Silk, Amazon ne connaissait de vous que votre activité sur son site. Mais à partir du moment où vous laisserez le mode « split » du browser de votre tablette Fire activé, nombre d’informations concernant votre surf avec votre tablette transiteront par le cloud d’Amazon.  Jon Jenkins, directeur des développements de Silk, a répondu sur ce sujet  aux questions de l’Electronic Frontier Fondation

« Amazon nous assure que les seuls éléments d’information concernant le terminal qui seront régulièrement enregistrés sont :

1. L’URL de la ressource demandée
2. La date et l’heure de la requête
2. Un jeton identifiant une session

Ces informations sont stockées 30 jours.  [le site d’Amazon ajoute « généralement »…] Le jeton ne contient aucune information permettant d’identifier un terminal ou un utilisateur, et est utilisé uniquement pour identifier une session. En effet, Jenkins déclare, « les identifiants individuels tels que les adresses IP et MAC ne sont pas associés avec l’historique de navigation, et sont uniquement collectés pour le cas de problèmes de fonctionnement ». Nous avons demandé à plusieurs reprises s’il y avait un moyen pour Amazon d’associer les logs avec un utilisateur particulier ou un compte Amazon, et il nous a été répondu que non, il n’en existait pas, et qu’Amazon n’était pas en position de pister les utilisateurs. »

Selon le blog naked security, la déclaration suivante de Jenkins

« Les requêtes sécurisées (SSL) sont routées directement depuis la Kindle Fire vers le serveur d’origine et ne passent pas par les serveurs EC2 d’Amazon »

est  en contradiction avec la FAQ d’Amazon sur son site.

« Nous établirons une connexion sécurisé depuis le cloud vers le site propriétaire en votre nom pour les requêtes de sites utilisant (SSL). »

Voilà qui mériterait d’être éclairci. L’amélioration de l’expérience utilisateur est certainement un objectif important, et on sait que chaque milliseconde compte lorsqu’il s’agit d’afficher un site web. Et pour ceux qui n’ont pas confiance dans les déclarations d’Amazon, il est toujours possible de désactiver le mode « split browser ». On surfera moins vite alors…  Encore une fois, l’utilisateur se retrouvera devant ce dilemme auquel on a fini par s’habituer : ou bien je renonce à un service pratique, rapide, agréable et tentant, ou bien je laisse un tiers accéder potentiellement à mes données personnelles, un tiers qui me jure, la main sur le cœur, qu’il ne s’en servira pas.

Une bonne nouvelle pour la blogueuse du journal d’une lectrice, et pour tous ceux qui n’ont pas envie de devenir clients à vie d’un seul libraire : sur la tablette Fire, dixit Teleread,  il est possible de télécharger les applications Kobo, Aldiko et BlueFire, qui permettent de lire des epubs. La société Amazon permettra-t-elle à leurs utilisateurs l’achat in-app ? Sera-t-elle tentée de faire comme Apple et de l’empêcher en exigeant de prélever sur ces achats un pourcentage prohibitif ?

Greg Knieriemen
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Books in Browsers : next gen publishing

Slide Brian 0'Leary - Books In Browsers 2011

Pas question, à peine revenue de mon intermède Polynésien et de trois jours à Francfort, de repartir presque aussitôt à San Francisco pour assister à la conférence Books In Browsers, qui se tenait les 27 et 28 octobre au siège d’Internet Archive, sous la houlette de Peter Brantley, avec la complicité de Kat Meyer, de chez O’Reilly. Mais, grâce à une diffusion vidéo de très bonne qualité, j’ai pu assister à la plupart des interventions, confortablement installée dans mon canapé.

L’écran de mon ordinateur était divisé en trois zones, l’une affichait la retransmission vidéo, une autre le fil Twitter avec le tag #bib11  – aujourd’hui, quelqu’un a posté l’ensemble des tweets sur Scribe – , et une troisième un traitement de texte, pour la prise de notes.

Le nom de cette conférence, « Books In Browsers » est un avertissement : ici, on aime les livres et on aime le web, et nul ne se sent obligé d’enterrer les uns pour célébrer l’autre, ou de sacraliser les premiers en méprisant le second. L’assistance (pas de Français, hélas, à part Hadrien Gardeur venu présenter la nouvelle version d’OPDS, mais des Espagnols, des Anglais, des Italiens, des Japonais, des Finlandais…) est composée d’éditeurs, de développeurs, de designers, de bibliothécaires, d’agents, d’auteurs, d’universitaires. L’ensemble est plutôt plus techno que dans les autres conférences, ainsi, lorsque Blaine Cook, un développeur venu présenter Newspaper Club demande à son auditoire combien d’entre ses membres savent ce qu’est Git, une forêt de mains se lèvent.

Je vous invite à consulter les présentations des différents intervenants, qui vont s’ajouter progressivement  ici, et à regarder de temps en temps l’une des vidéos : elles s’ajoutent actuellement sur la chaîne YouTube d’O-Reilly. Et je ne vais pas me lancer dans une recension de l’ensemble des interventions, il y a là un matériau pour une bonne cinquantaine de billets… Quelques impressions, comme souvent sur ce blog impressionniste…

Richard Nash a proposé un bilan de son projet Cursor, et du site pilote Red Lemonade. Avec une transparence impressionnante, il a analysé publiquement l’échec de Cursor. Je n’ai pas su, a-t-il expliqué, trouver la « bonne histoire » à raconter aux investisseurs (Venture Capitalists). Les VCs veulent une bonne histoire, ils veulent aussi une histoire qu’ils reconnaissent, qui les rassure. Autant un projet bien peu pertinent comme celui de BookTracks, qui consiste à ajouter des bandes son sur des livres, a pu les convaincre, sur la base du « cela n’a jamais été fait » (comme si tout ce qui n’avait jamais été fait, il fallait absolument le faire…), autant le fantasme si répandu de la désintermédiation rendait le projet Cursor incompréhensible pour les investisseurs. Belle démonstration, ce témoignage de Richard, d’une qualité qui nous manque cruellement en France: celle qui permet de ne pas considérer un échec comme un désastre honteux, mais comme la preuve  d’une capacité à innover, à sortir des sentiers battus et à prendre des risques.

Richard a décidé de continuer Red Lemonade sur une base bénévole, et, après avoir rencontré Valla Vakili, le fondateur de Small Demons, a été séduit par ce projet qui veut « rapprocher les livres, sources les plus riches et les plus denses de la culture, des autres objets culturels ». Le voici donc « VP of Content and Community » chez Small Demons, comme il l’explique ici.

La présentation de Small Demons par Valla Vakili m’a plutôt impressionnée. À première vue on se dit: « encore un Libraryting like, un site communautaire de partage de bibliothèques ». Il s’agit en réalité de tout autre chose, d’une plateforme qui extrait du web, se basant sur l’indexation du contenu des livres, des objets culturels en relation avec ces contenus. Ce n’est plus simplement l’algorithme d’Amazon qui dit : « vous avez aimé tel livre, ceux qui l’ont acheté ont aussi acheté celui-là, pourquoi pas vous ? ». C’est l’idée qu’un livre, y compris un roman,  est bourré de références à d’autres objets culturels, qu’il s’agisse de morceaux de musique, de films ou de séries, de plats, d’objets, de lieux, et de proposer des liens, pour chaque livre, vers tous ces objets, et de se servir de ces liens pour proposer des découvertes. Il semble que l’ajout de liens entre livres et objets soit à la fois algorithmique et le fait des internautes.  La démonstration donne réellement envie d’aller se perdre dans ce petit paradis de sérendipité que semble être Small Demons, pour l’instant en beta sur invitation. La vidéo de présentation est à voir.

photographie de Brian O'LearyJ’avais un peu de mal à garder les yeux ouverts au moment où Brian O’Leary, (Magellan Media) a pris la parole car, avec le décalage horaire, il était plus de deux heures du matin samedi. Mais l’adresse de Brian était si ambitieuse, et entre si fortement en résonance avec ce que nous pouvons observer ici en ce moment, que je me suis vite réveillée. Eric Hellman, le fondateur de Gluejar, qui a lui aussi présenté son activité lors de la conférence, résume le propos dans son blog ce matin.

Eric cite Brian O’Leary : « Bien que les modèles économiques aient changé, les éditeurs et leurs intermédiaires continuent d’essayer de faire évoluer leur rôle sur le marché d’une manière qui suit typiquement la règle des négociations « deux parties – un résultat ».  » Il dit ensuite :

O’Leary a évoqué les changements qui sont en train d’intervenir dans l’écosystème de ce que l’on a appelé « le monde du livre  » : auteurs, agents, éditeurs, distributeurs, libraires, bibliothèques, et bien sûr lecteurs. Il a fait remarquer que les relations à l’intérieur de cet écosystème étaient aujourd’hui renégociées entre les acteurs sans prise en compte des changements à l’œuvre dans le reste de l’écoystème.

« En conséquence, les structures, les dispositions, les processus qui pourraient être bénéfiques pour l’ensemble de l’écosystème n’obtiennent pas toute la considération qu’ils méritent.

O’Leary a cité l’exemple de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer comme un modèle possible d’inspiration pour la redéfinition d’un écosystème de la lecture. La percée dans ces discussions a été permise par l’introduction de modèles tirés de la théorie des jeux qui ont aidé les parties à apercevoir  les effets des accords et des dispositions relatives à tous les intervenants dans le droit de la mer. »

En effet, on trouve une note concernant la théorie des jeux dans ce rapport de la FAO, se rapportant à un chapitre où est évoquée cette Convention :

« Si le même genre de modèle pouvait être développé pour les activités entourant l’édition, il pourrait être possible de faire beaucoup plus que « sauver l’édition ». Une application intelligente et  collaborative des technologies numériques devraient être en mesure d’accroître l’efficacité d’une industrie dont le but est de promouvoir la lecture, l’éducation, la culture et la connaissance.

Selon O’Leary, nous devons trouver des façons de financer le genre de recherche qui pourraient être la base de la modélisation de l’écosystème de lecture. Une possibilité serait de créer une organisation interprofessionnelle pour ce faire. »

Et Richard Nash de twitter aussitôt malicieusement :

Il y a encore beaucoup à dire à propos de Books In Browsers 2011, et j’aurais aimé notamment revenir sur les interventions de Bill McCoy concernant EPUB3, d’Hadrien sur OPDS, de Mary Lou Jepsen (Pixel Qi) sur les écrans et l’accessibilité, de Bob Stein sur les lectures connectées, de Craig Mod, James Bridle, Joseph Pearson, Javier Celaya et quelques autres.

Les livres sont aujourd’hui, de plus en plus, traversés par le web, percutés par le web, générés par le web, diffusés sur et par le web, réinventés sur le web. Les projets présentés à Books In Browsers par plusieurs start-ups (liste ici ) explorent différentes dimension de cette réinvention, start-ups qui ont aussi profité de cette conférence pour tisser des liens les unes avec les autres, construisant, notait Peter Brantley sur Twitter ce matin, l’écosystème d’une édition nouvelle génération (next gen publishing).

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intermède : Lire en Polynésie

J’ai eu la très grande chance de faire partie des invités au salon « Lire en Polynésie ». J’ai rarement vécu semaine aussi dense, à mille lieues des cartes postales que je n’ai pas envoyées. Au fur et à mesure des rencontres, j’ai eu le sentiment que mon monde s’agrandissait, que le mot océan prenait un sens nouveau, que cet espace se dessinait progressivement sous mes yeux, que mon idée d’une île se modifiait, assise avec les autres participants sous le banyan qui abrite les rencontres « Lire en Polynésie ».

Ce salon du livre est organisé par l’Association des éditeurs de Tahiti et des îles (AETI). Porté plus particulièrement par un éditeur, Christian Robert qui dirige la maison Au Vent des îles, son thème cette année était la nature. J’étais, avec ma présentation sur les enjeux du numérique pour l’édition, l’invitée hors-sujet, venue cependant parce qu’il semblait impossible à Christian de ne pas évoquer les nouvelles technologies, compte tenu de ce qui se passe aujourd’hui dans l’édition, et dont les professionnels polynésiens ne peuvent se tenir à l’écart.

La veille de l’ouverture du salon, Christian nous a emmenés faire une promenade à Vaipahi. C’est en montant un chemin rendu glissant par les fortes pluies qui avaient bizarrement salué notre arrivée à Tahiti que j’ai commencé à faire connaissance avec les autres invités. Le seul que je connaissais déjà était Marc de Gouvenain, rencontré l’an dernier au salon du livre de Ljubljana, où il était venu parler de l’aventure de la série Millenium, dont il a été l’éditeur et le traducteur chez Actes Sud. Marc m’avait raconté comment, après avoir pendant des années découvert et traduit des auteurs scandinaves, il s’intéressait depuis quelques années à la littérature du Pacifique. Le saut me semblait un peu étrange, des brumes scandinaves aux rivages des tropiques, mais Marc, qui a publié récemment un roman au Vent des Iles,  fait partie de la belle famille des écrivains voyageurs. Durant cette promenade, Pascal Dessaint, qui a eu sa période noire et est aujourd’hui dans sa période verte, souvent, s’est immobilisé, observant et nommant un oiseau après l’autre. Marchez avec un passionné d’ornithologie, qui est aussi un écrivain, et la forêt se peuple de nouvelles présences. Christian, lui, nous indique les noms des arbres et des plantes. Soudain, le chemin s’aplanit, voici une clairière, et le spectacle est si beau que l’on se dit que l’on pourrait s’assoir et rester à le regarder pendant des heures.

Pete Fromm, un auteur américain, ferait cela parfaitement.  Cela a été une autre des grandes joies de ce voyage : faire la connaissance de Pete, écrivain du Montana, un merveilleux raconteur d’histoires. Lisez vite Indian Creek, dont il nous a raconté la genèse pendant le salon. Rosa, sa femme, est aussi de la promenade, éblouie et tout aussi étonnée et ravie que nous tous de se retrouver là. Alain Beuve-Mery, du journal Le Monde a aussi fait le long voyage (22h d’avion), et pense déjà à son article. Enfin, fermant la marche, un astrophysicien, qui va illuminer notre semaine de plusieurs conférences passionnantes, Jean Audouze, quelqu’un qui vient confirmer ce que j’ai souvent remarqué : les gens qui atteignent le plus haut niveau dans un domaine sont bien souvent aussi les gens les plus accessibles, les plus généreux, les moins intimidants.

D’autres arrivent le lendemain, certains venus en « voisins ». Les Calédoniens : Christophe Augias, le directeur de la bibliothèque Bernheim à Nouméa, et Jean-Brice Peirano, qui dirige la Maison du Livre de Nouvelle Calédonie.  Paul d’Arcy, universitaire Néo-Zélandais, historien du Pacifique, enseignant à l’Australian National University. Enfin, Laurent Ballesta finit par se joindre à nous, je ne saurais dire d’où il arrive, cet homme ne cesse de parcourir la planète, de mission en mission, de préférence là où l’eau est profonde : biologiste, plongeur et photographe,  c’est le fond des océans qu’il explore.

Ces invités, ainsi que de nombreux intervenants locaux, vont  se succéder chaque jour, à la maison de la culture de Papeete, de 9h du matin à 19h, sur le paepae, cette plateforme à l’ombre de deux gros arbres, banyan et manguier, où sont disposées des chaises pour les participants ainsi qu’un grand écran plat pour les présentations.

Tout autour du paepae, éditeurs et libraires tiennent leurs stands, reçoivent la visite de groupes scolaires, de familles, de visiteurs de tous âges.

Lorsqu’un intervenant commence une conférence, les rangs sont parfois encore clairsemés. Mais les haut-parleurs répercutent leur voix dans les allées, et très vite le public se rapproche et prend place. Aucun d’entre nous ne songe à faire salon buissonnier, pour s’embarquer sur le ferry qui n’est pas bien loin et pourrait nous emmener en trente minutes sur l’île de Moorea qui se dessine à l’horizon.

Sous le banyan, Marc de Gouvenain joue les modérateurs d’un dialogue entre Jean Audouze et Simone Grand, confrontant l’approche scientifique de Jean à la parfaite connaissance de Simone des mythes polynésiens. Pete Fromm, lui, nous fait entrer simultanément dans la peau de l’apprenti ranger qu’il devint, par hasard, et dans celle d’un jeune auteur qui naît à l’écriture, lorsqu’il décide de mettre en mots cette expérience solitaire vécue dans la montagne, lors du cours de creative writing auquel il s’était inscrit parce qu’il lui manquait deux crédits pour obtenir son diplôme. Laurent Ballesta nous rappelle, aidé d’une série de photos splendides, que c’est bien à tort que nous croyons qu’il n’existe plus de territoires à découvrir sur notre planète. C’est vrai des terres émergées, mais le monde sous marin demeure, lui, largement inexploré. Et tout comme l’amélioration constante des instruments de vision, nous a rappelé Jean Audouze, permet d’en savoir toujours plus sur l’univers, celle des équipements de plongée sous-marine autorise aujourd’hui des explorations et des prises de vue à des profondeurs autrefois inatteignables, et pour des durées qui se sont notablement allongées.
Romancier, Pascal Dessaint qui nous a lu quelques pages de son prochain livre, est aussi, nous l’avons vu,  ornithologue, et observateur passionné du monde naturel. De cette passion est né un film, l’esprit des plantes,  dont il a écrit le scénario, construit comme une enquête policière, et dont les protagonistes sont des gazelles et des acacias, et les enquêteurs des universitaires spécialistes de la neurobiologie des plantes…

Un autre film, te henua e nnoho , grand prix du FIFO (Festival International du Film Océanien), est projeté le dernier jour.  Le réchauffement climatique, la montée des eaux, pour les hommes, les femmes, les enfants qui vivent à Takuu, atoll de Papouasie – Nouvelle Guinée,  sont une réalité on ne peut plus concrète. Quelques vagues plus puissantes qu’à l’ordinaire, et voici que  l’eau est  dans leur maison, que leur école est inondée, leurs affaires détrempées, leurs plantations fichues. Ce peuple, oublié par son gouvernement, vit en autarcie  sur une île sans électricité, visitée de temps en temps par un bateau dont on ne sait jamais lorsqu’il va apparaître.

Le vendredi soir, le paepae accueille le spectacle Pina’ina’i – écho de l’esprit et des corps, un événement artistique original, rencontre d’auteurs, danseurs, musiciens, chorégraphes,  présenté par la revue Littéramā’ohi : retrouvez photos et vidéos sur la page facebook de la revue, animée notamment par l’écrivain Chantal T. Spitz, dont j’avais lu avant mon départ Hombo, aux éditions Te Ite.

C’est Jean Audouze qui va conclure le salon. Lors de sa première intervention à l’Université de Polynésie, son exposé portait sur la géographie de l’univers. Partant de l’infiniment petit, il nous a emmenés jusqu’aux plus lointaines planètes. Cette fois-ci, c’est l’histoire de l’univers qu’il nous raconte, depuis le fameux big-bang. Je me sentais déjà toute petite, toute petite à Papeete, si brusquement éloignée de mon quotidien, et me voilà plus petite encore, un point minuscule, et je me console en apprenant que je suis faite, tout comme vous, de poussière d’étoiles.

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Tout le monde voit ce que c’est

Quelques images du Bookcamp 4, cette année dans les locaux tout neufs du Labo du Livre. Plaisir de retrouver une bonne partie de ma timeline, ceux que j’ai déjà rencontrés, mais aussi de mettre des visages et des voix sur des avatars et des textes.

On mesure combien les choses ont changé en quelques années, lorsque Hadrien Gardeur demande, commençant son exposé : « le EPUB, tout le monde voit ce que c’est? ». Ben oui, au Bookcamp 4, tout le monde.

Un grand merci aux organisateurs,  Hubert Guillaud, Abeline Majorel, Lionel Dujol, Silvère Mercier, Clément Monjou, Samuel Petit, et à tous les Bookcampers.

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Angry birds et Stieg Larsson

Annonces de tablettes et de liseuses en pagaille, ces derniers jours, et les commentaires et supputations qui vont avec. Il y en a dans la blogosphère qui suivent de bien plus près que moi l’actualité des machines à lire, avec constance et talent. Voici une petite liste récapitulative, et non exhaustive, des terminaux annoncés ces derniers jours :

la tablette Amazon
la tablette Sony
la liseuse Sony
-une nouvelle tablette Nook de Barnes & Noble
– une nouvelle liseuse Fnac
– la tablette Lenovo
– la tablette Pockettbook
une version allemande de la liseuse Kobo
la liseuse iRiver Story HD

Quelques remarques concernant cette salve d’annonces :

– Elles n’ont évidement pas le même impact, selon qu’elles émanent de simples fabricants (Lenovo, Pockettbook )  ou d’acteurs déjà positionnés, ou bien en train de se positionner, dans la vente de livres numériques (Amazon, Barnes & Noble, Sony, Kobo).

– La question souvent posée dans les très nombreux commentaires qui anticipent la prochaine arrivée de la tablette Amazon, est celle-ci : « Va-t-elle réussir à détrôner l’iPad, qui domine aujourd’hui complètement le marché des tablettes ? » Il n’est pas inintéressant de regarder cette interview vieille d’un an, donnée par Jeff Bezos à Charlie Rose. A 4’25 », Jeff Bezos, qui répond à la question de la menace que l’iPad représente pour le Kindle, déclare :

photo de Jeff Bezos

Jeff Bezos

« L’activité numéro un aujourd’hui sur iPad,  si vous regardez les statistiques, est celle qui consiste à jouer à un jeu nommé Angry Birds où vous lancez des oiseaux sur des cochons pour les faire exploser. L’activité numéro un sur le Kindle, c’est la lecture de Stieg Larsson. »

Est-ce que Jeff Bezos aurait changé d’avis ? Est-il devenu addict à Angry Birds et souhaite-t-il que chacun y joue désormais sur une tablette de sa marque ? Ce n’est probablement pas sur ce terrain que se situe le champ de bataille, mais la bataille existe bel et bien. La question à formuler ressemblerait plutôt à :   « La tablette Amazon n’est -elle pas destinée à continuer d’assurer la suprématie d’Amazon sur le marché du livre numérique ? » Sur ce marché, Apple qui fait un tabac avec l’iPhone et l’iPad, n’a pas réussi pour le moment à menacer Amazon, et aux Etats-Unis, l’acteur  qui rivalise avec Amazon, dans la vente de livres numériques, ce n’est pas Apple, c’est Barnes & Noble avec sa librairie couplée avec deux types de terminaux, une liseuse et une tablette, le Nook Color. Et la nouvelle tablette lancée par Amazon est probablement plus une réponse au Nook Color qu’une tentative de rivaliser avec l’iPad. C’est aussi, et cela a été dit, une ouverture vers les types de livres que les liseuses ne peuvent accueillir, principalement les manuels scolaires et universitaires, ainsi que tous les livres illustrés et à la mise en page sophistiquée. Ces livres sont déjà commercialisés au format Kindle, mais lus aujourd’hui sur des terminaux qu’Amazon ne contrôle pas, et auxquels un ensemble complet de dispositifs de lecture donne accès : Kindle pour PC, Kindle pour iPad, iPhone, et pour terminaux sous Androïd.

Aussi, il est fort probable que la prochaine tablette d’Amazon va continuer de cibler en priorité les lecteurs, et de chercher à répondre à leurs attentes, telles que les décrivait Jeff Bezos dans cette même interview en juillet 2010 :

« Ils veulent un terminal spécialement construit, pour lequel aucun compromis n’a été fait, et où chaque décision concernant le design tout au long du processus a été faite pour qu’il soit optimisé pour la lecture »

Une autre question, parfaitement posée dans ce billet d’Hubert Guillaud est : « pour quelle lecture ? »

Car ce qui change, et qui devrait occuper intensément les éditeurs dans les années qui viennent, ce n’est pas seulement la manière dont les livres sont produits, distribués et vendus. Mais c’est aussi la manière dont ils sont lus, dans un monde où lecture et écriture se rapprochent, tout comme se rapprochent écriture et publication.

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Evan Schnittman change de lunettes

Dans ce qui va être le dernier billet de son blog « Black Plastic Glasses », Evan Schnittman, aujourd’hui Directeur des ventes et du marketing groupe (papier et numérique) chez Bloomsbury, explique pourquoi il a décidé d’arrêter. Le déclic s’est produit alors qu’il se trouvait dans une réunion de préparation d’une conférence sur le numérique dans l’édition, et Evan a participé à quantité de conférences de ce type. Il a eu soudain une impression de déjà-vu, puis, s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’une impression de déjà-vu : il était bel et bien en train d’entendre parler – et de parler lui-même – des mêmes concepts, de concocter des tables rondes et des ateliers sur les mêmes thèmes, de chercher des titres pour les mêmes sessions que lors d’une réunion identique, dans la même pièce, avec les mêmes gens, un an avant…  Il a alors pris conscience du fait que quelque chose avait changé. Que ce qui avait alimenté ces conférences, que ce qui lui avait donné envie de bloguer, c’était le surgissement de quelque chose de nouveau et la nécessité de partager avec les autres personnes conscientes de l’importance de ce virage qui s’annonçait, et de l’importance de développer des réflexions et de diffuser les idées relatives à ce qui commençait à se passer. Lorsqu’il avait commencé à participer à ces réflexions, ces conférences, ces conversations dont son blog intitulé « Black Plastic Glasses » faisait partie, il s’occupait de développement numérique aux presses universitaires d’Oxford.

Mais plusieurs choses ont changé depuis cette époque, nous dit-il :

« Nous avions la même discussion parce que nous parlions du numérique comme s’il s’agissait d’une nouvelle manière de penser, de publier, de vendre etc. Nous faisions cercle autour de la carcasse d’un sujet qui avait déjà été débattu à l’infini, parce qu’il ne s’agissait alors que de spéculations et de postulats. Et rien n’alimente mieux les débats et les discussions que la spéculation et les postulats.

J’ai réalisé à ce moment précis que le monde de l’édition est déjà si radicalement transformé par le numérique, que le numérique n’est plus un sujet à part/sous-domaine/thème/raison d’être. Le numérique a cessé d’être une entité indépendante, isolée, séparée; le numérique est aujourd’hui  intriqué dans l’ensemble des processus du monde de l’édition. Ainsi, alors que nous étions assis à essayer de déterminer le thème d’une conférence qui se tiendrait devant des centaines de participants et des milliers en plus en vidéo et sur Twitter, nous nous sommes retrouvés rivés à ce qu’il serait possible et utile de discuter.

Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de discuter ouvertement de tous les sujets, parce que tous ces sujets sont aujourd’hui le fondement de notre activité d’entreprise. L’édition est numérique et chaque chose que nous faisons est désormais basée sur le numérique. Toute discussion authentique sur la manière dont nous approchons les affaires est une discussion sur le cœur de notre stratégie… et cette discussion est en général, sinon toujours, une discussion qui ne peut avoir lieu qu’au sein d’un cercle très limité. »

L’autre raison donnée par Evan à l’arrêt de son blog, c’est son changement d’employeur. Lorsqu’il travaillait pour les presses universitaires d’Oxford, il observait en quelque sorte de l’extérieur le monde du « trade publishing »  – l’édition commerciale ou grand public – alors en devenir. Il occupe aujourd’hui un poste important chez Bloomsbury, au cœur de la mêlée.

Bon, me direz-vous, mais qu’est-ce que ça peut bien te faire, que cet Evan Schnittman arrête son blog ? Et bien ça me fait. Parce que lorsque j’ai eu l’occasion de rencontrer Evan Schnittman l’an dernier à New York, c’est justement de nos blogs respectifs que nous avons discuté, et de ce que le fait de bloguer l’un et l’autre nous avait apporté. Evan était encore alors chez Oxford University Press où il avait reçu notre petit groupe, et nous avions été très impressionnés par cette rencontre, par la clarté de sa vision, et la manière dont il analysait les enjeux du moment, la place des différents acteurs. Je l’ai aussi entendu à la Foire de Londres, lors d’une brillante intervention où il comparait les positions respectives de Google, Amazon et Apple vis à vis du livre numérique.

Je me pose parfois des questions sur le fait de continuer à bloguer.  Nous n’en sommes pas encore, en France, au même stade d’intégration du numérique dans le monde de l’édition qu’au Royaume Uni et à fortiori aux USA, pays dans lesquels opère Bloomsbury. Ici, peut-être avons-nous encore besoin de conversations, même si les choses se mettent en place et que nombreux sont ceux qui ne se contentent plus depuis longtemps de supputer et de discourir.

Evan termine son billet avec une photo : lui et ses nouvelles lunettes, lui dans une nouvelle époque. Il précise qu’il ne renonce pas à bloguer. Il clôt une période, celle où il portait des lunettes à monture de plastique noir, et celle où il bloguait sur l’impact du numérique sur le monde de l’édition.

Moi, pour l’instant, j’attrape mes lunettes de soleil, et je vous dis à bientôt.

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« We have removed the kobo store from the within application »

Apple l’avait annoncé, un changement devait se produire après le 30 juin, pour les applications de ses concurrents permettant l’achat et la lecture de livres numériques sur iPAd – iPhone – iPod Touch. Ces applications, qui permettent à des clients d’Amazon, de Kobo, de la Fnac, d’acheter, de télécharger et de lire leurs livres numériques directement depuis leur mobile, ne pourront plus conserver de fonction « acheter », sauf si elles proposent l’inApp Purchase, soit la solution de vente d’Apple, qui permet le paiement via le compte iTunes du client. Et Apple demande 30% du montant de la transaction à ceux qui utlisent l’inApp Purchase.  Jusqu’à présent, rien de concret ne s’était produit, mais voici qu’arrive la nouvelle version de l’application Kobo,  et, de fait, elle ne permet plus l’achat de livres numériques . Accepter de reverser à Apple 30% du montant des transactions effectuées via leur application iPad est hors de question : cela signifierait pour Kobo reverser à Apple la totalité ou plus du montant perçu pour chaque vente.

Coup dur pour Kobo, et les autres plateformes qui seront probablement contraintes de se soumettre à la même règle au fur et à mesure de leurs mises à jour. (mise à jour 25 juillet : c’est fait pour l’appli Kindle, et aussi pour Bluefire…)

On sait que la simplicité d’achat est un élément clef dans la fidélisation des clients, et pour tous ceux qui lisent en numérique exclusivement sur leur terminal Apple, l’obligation de quitter l’application de lecture, d’ouvrir le navigateur, d’acheter le livre numérique sur le site web, pour ensuite ouvrir ce fichier via l’application est un vrai handicap. Miser sur les tablettes non iOS ? Il semble qu’aucune d’elle ne décolle réellement pour le moment, et qu’Apple risque de continuer à dominer le marché pendant une longue période, réitérant la performance réalisée avec le couple iPod /iTunes.

La solution : à terme, probablement des applications web, écrites en HTML5, et sur lesquelles Apple ne pourra imposer cette règle, qui ne s’applique qu’aux applications soumises à son approbation, celles qui sont téléchargeables sur l’Appstore. Plus ça va, plus il semble qu’HTML5 va introduire de profonds changements sur le web, même si aujourd’hui le fait qu’il ne soit pas ou mal supporté par les versions encore largement utilisées d’Internet Explorer (IE8) constitue un problème. Il existe cependant déjà des applications de lecture, comme Ibis Reader, qui utilisent cette technologie.

La société Apple a fait beaucoup parler d’elle cette semaine, avec la publication de résultats records, et  le lancement de son nouvel OS,  Lion, que je n’ai pas encore trouvé le temps d’installer. Un petit fait intéressant qui indique peut-être une tendance qui pourrait bien se développer dans l’édition numérique : le long article de John Siracusa passant en revue l’ensemble des fonctionnalités de Lion, publié dans la revue en ligne Ars Technica, a  fait l’objet d’une « Kindle Single édition » : L’article est devenu un livre numérique en format court, vendu 5 $, alors qu’il est par ailleurs disponible gratuitement sur le web. Il semble que certains soient prêts à payer pour disposer de cet article en version Kindle, (le livre numérique a été téléchargé 3000 fois en 24h, comme l’indique cet article du Nieman Journalism Lab …)

Mais cet article/ebook, décrivant par le menu le dernier iOS d’Apple sera-t-il achetable directement via la prochaine version de l’application Kindle sur iPad ?

La puissance d’Apple lui permet de changer les règles en cours de route, d’imposer ses règles à d’autres acteurs (les premiers concernés par cette règle de l’inApp puchase ont été les acteurs de la presse, dont certains s’y sont pliés, d’autres ont cherché des échappatoires). Cette puissance, conquise par une firme qui a su créer des produits incroyablement attractifs, génère aussi des résistances : certains refusent de se laisser enfermer dans le confort des solutions Apple, les mêmes souvent qui résistent aux sirènes de Facebook et de Google, bien décidés à ne pas s’offrir en pâture publicitaire, bien décidés à conserver le contrôle de leurs données, de leur identité numérique. Karl Dubost fait partie de ceux qui résistent, et il s’en explique dans un billet joliment titré : « pour une communication ouverte sublime« .  François Bon, qui utilise machines et logiciels Apple, s’est emparé tôt de Facebook,  a ouvert sans tarder un compte Google+, François, qui aime aussi à penser tout haut sur Twitter dès les premières heures du matin, se défend de faire exactement une réponse à Karl, mais entre en résonance avec lui, dans un long billet intitulé, avec un clin d’œil à La Boétie, « de la servitude réseaux ». Par mes usages des réseaux sociaux  je crois bien que je suis moi aussi plutôt du côté de la « servitude volontaire », même si teXtes, auquel j’essaie vaillamment de redonner un peu vie ces jours-ci, est installé sur un serveur auquel j’ai accès chez mon hébergeur, et si je suis bien propriétaire de l’improbable nom de domaine archicampus.net.

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