Archives pour la catégorie liseuses

Baignades à Bagnolet

fbon_bagnoletBibliothèque de Bagnolet, mardi 2 juin. Liseuse en main, François Bon commence. Énumération. On peut la lire ici. Un concentré de ce que nous partageons en ligne depuis quelques années : cette urgence à explorer les outils, les applis, les réseaux, à aller barboter dans toutes les rivières du web, à s’y laisser flotter et dériver, à essayer d’en remonter le courant, de construire des barrages comme font les gosses, l’été, en déplaçant des pierres.

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Puis c’est Silvère Mercier, ingénieur hydrographe, que l’on remercie de ses explorations bibliobessionnelles, si précieuses, Silvère qui rêve à la bibliothèque de demain, à sa place dans la cité et dans les réseaux.

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Pierre Ménard, ensuite,  s’installe derrière son mac. Musique. Images. Il nous emporte dans ses explorations, dans ses juxtapositions, dans une longue séquence poétique, images samplées, sons remixées, tremblements fugitifs, extraits et fragments.

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Je croyais bien connaitre desordre.net, que je fréquente depuis longtemps, heureuse de m’y perdre, de m’y faire balader. Mais nul ne peut prétendre connaitre le désordre, ça sert à ça, le désordre, à maintenir des choses cachées, enfouies, provisoirement hors de portée, pour que le plaisir de les trouver ou de les retrouver ensuite, par hasard, soit d’autant plus grand qu’il est inespéré. Mais visiter le désordre avec celui qui le crée depuis dix ans, ce fut un grand privilège. Philippe de Jonckheere a réalisé un montage sonore, mixant sa voix lisant de longs extraits du bloc-notes avec musiques et bruits, et tandis que passait cette bande, il explorait devant nous les dédales de son site, en direct. Ce que le désordre révèle, c’est pour mieux le cacher. Et ce que le désordre cache, il est urgent de le découvrir. Alors que le web est en train de devenir le web du flux, un monde de rivières,  desordre.net est une cité lacustre.

Nova Spivack : Bienvenue dans le Flux

Entrepreneur, (Radar Networks, Lucid Ventures),  pionnier du web sémantique, Nova Spivack – à l’origine de twine.com – développe une vision stratégique des nouvelles technologies et des nouveaux médias. Il m’a autorisée – et je l’en remercie -  à publier la traduction d’un billet qu’il vient de faire paraître, Bienvenue dans le flux,  qui fait le point sur un phénomène que nous constatons tous, lié à l’apparition de nouvelles applications en temps réel et qu’il prend très au sérieux, considérant qu’il s’agit là d’un nouvel âge du web.

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Bienvenue dans le Flux : un nouvel âge pour le Web
Par Nova Spivack, fondateur de twine.com

Internet a commencé à évoluer plusieurs décennies avant l’apparition du Web. Et malgré le fait qu’aujourd’hui la plupart des gens pensent qu’Internet et le Web, c’est la même chose, en réalité ce sont deux choses bien distinctes. Le Web constitue le sommet de l’infrastructure Internet, un peu comme un logiciel ou un document est au sommet du système d’exploitation d’un ordinateur.

Et tout juste comme le Web a émergé à la pointe de l’internet, quelque chose de nouveau émerge à la pointe du Web : j’appelle cela le Flux. Le Flux est la prochaine phase de l’évolution d’Internet. C’est ce qui vient après le Web, ou bien au sommet du Web et que nous sommes tous en train de construire et d’utiliser.

La meilleure illustration actuelle du Flux est l’avènement de Twitter, Facebook et d’autres outils de microblogging. Ces services sont visiblement des flux, leurs interfaces montrent littéralement des flux, flux d’idées, flux de réflexions, de conversations. En réaction aux microblogs nous assistons aussi à la naissance d’outils pour gérer ces flux et pour nous aider à comprendre, rechercher, et suivre les tendances qui se propagent à travers eux.  Tout comme le Web n’induit pas un type particulier de site ou de service, le Flux n’est pas représenté par un site ou un service particulier, il se confond avec le mouvement collectif qui prend place à travers lui.

Pour relever le défi et saisir les opportunités du Flux un nouvel écosystème de services est en train d’émerger très rapidement : des éditeurs de flux, des outils de syndication de flux, des flux en temps réel, des moteurs de recherche, des moteurs d’analyse de statistiques de flux, des réseaux de publicité dédiés aux flux, et des portails de flux. Tous ces nouveaux services inaugurent l’ère du Flux.

Histoire du Web

La proposition originale de Tim Berners-Lee qui a donné naissance au Web date de 1989. Les deux premières décennies du Web, ( Web 1.0 de 1989 à 1999, et Web 2.0 de 1999 à 2009) ont été centrées sur le développement du Web lui-même. Le Web 3.0 ( 2009 – 2019) la troisième décennie du Web commence officiellement en mars de cette année et sera centrée sur le Flux.

  • Dans les années 90 avec l’avènement du protocole HTTP et du langage HTML, la métaphore du Web (la Toile), est née et les concepts des sites web ont capturé nos imaginations.
  • Au début des années 2000 l’intérêt s’est déplacé vers les réseaux sociaux et le web sémantique.
  • Maintenant, pour la troisième décennie qui commence, l’attention se focalise sur le déplacement vers le Flux, et on constate une abondance de métaphores qui tournent autour du flux, du courant et des ondulations.

Le web a toujours été un  flux. En fait il été un flux de flux. Tout site peut être vu comme un flux de pages qui évoluent dans le temps. Les branches d’un site peuvent être vues comme des courants de pages se développant dans différentes directions.

Mais avec l’arrivée des blogs, des flux d’alimentation RSS, des microblogs, la nature fluide du Web est devenue plus lisible et visible, parce que les nouveaux services sont à une seule dimension et conversationnels, et qu’ils se mettent à jour beaucoup plus fréquemment.

Définir le Flux

Tout comme le Web est formé de sites, de pages et de liens, le Flux est formé de flux.

Les flux font se succéder rapidement des séquences d’informations sur un thème. Il peut s’agir de microblogs, de hashtags, de flux d’alimentation RSS, de services multimédias ou de flux de données gérées via des API’s.

Le point clé est qu’ils changent rapidement, et ce changement est une part importante de la valeur qu’ils offrent. (contrairement aux sites web statiques, qui n’ont pas nécessairement besoin de changer pour fournir de la valeur). De plus, il est important de noter que les flux ont des URI- ce sont des entités que l’on peut adresser.

Alors, qu’est-ce qui définit un Flux, et le distingue d’un site web ordinaire ?

1. Le changement. Le changement est ce qui donne au flux toute sa valeur. Il n’en est pas toujours ainsi concernant les sites web. Les sites web n’ont pas besoin de changer constamment pour posséder de la valeur – ils pourraient par exemple être simplement statiques mais contenir des collections de références très nombreuses. Mais les flux, quant à eux, changent très fréquemment, et c’est ce changement permanent qui est leur caractéristique principale.

2. Indépendance vis à vis de l’interface. Les flux sont des flux de données,  et on peut y accéder et en prendre connaissance indépendamment d’une interface particulière, grâce à la syndication de leurs données à travers différents outils. Les sites web, eux, sont liés à leur propre interface utilisateur. À l’ère du web, le fournisseur de contenu contrôle l’interface. À l’ère du Flux, c’est l’utilisateur qui contrôle l’interface.

3 – Le règne de la conversation. Un point intéressant et important est que les flux sont reliés ensemble non par des liens, mais par des actes de conversation — par exemple la réponse à un  » tweet  », ou le «  retweet  », les commentaires, les évaluations, les «  follows  ». À l’ère du Web, le lien était roi. Mais à l’ère du Flux, c’est la conversation qui règne.

En termes de structure, les flux comprennent des agents, des messages et des interactions.
- les agents sont les gens ou les applications logicielles qui publient dans les flux.
- Les messages sont les publications faites par ces agents dans les flux – par exemple les courts billets postés sur les microblogs.
- Les interactions sont les actions de communication telles que l’envoi de messages direct ou de réponses, ou le fait de citer quelqu’un («  retweeting  ») qui connecte et transmet les messages entre les agents.

L’esprit global.

Si Internet est notre système nerveux collectif, et si le Web est notre cerveau collectif, alors le Flux est notre esprit collectif.  Le système nerveux et le cerveau sont  comme les strates de fondation hardware et software, mais l’esprit est ce que le système est en train de penser en temps réel. Ces trois couches sont interconnectées, et représentent différents aspects de notre éveil progressif à l’intelligence planétaire.

Le Flux c’est ce que le Web est en train de penser et de faire, là, maintenant. C’est le flux collectif de notre conscience.

Le Flux c’est l’activité dynamique du Web, qui ne cesse de se produire. Ce sont les conversations, le flux vivant d’audio et de vidéo, les changements qui se produisent sur les sites web, les idées et les tendances, les « memes », qui se produisent au travers de millions de pages Web,  d’applications et d’esprits humains.

Le « maintenant » est devenu plus bref

Le Web change plus vite que jamais, tout en devenant de plus en plus fluide. Les sites ne changent pas chaque semaine ou chaque jour, mais chaque heure, minute ou seconde. Si nous sommes hors ligne ne serait-ce que quelques minutes, nous risquons de rater quelque chose de vraiment important. La transition d’un Web lent à un Flux ultra rapide se produit à toute vitesse. Et tandis que cela se produit, nous déportons notre attention du passé vers le présent et notre « maintenant » devient plus bref.

L’ère du Web portait essentiellement sur le passé — les pages étaient publiées des mois, des semaines, des jours ou moins des heures avant que nous les regardions. Les moteurs de recherche indexent ce passé pour nous le rendre accessible : sur le Web nous avons tous l’habitude d’utiliser Google et de regarder les pages issues d’un passé récent ou parfois situées plus loin dans le temps. Mais à l’ère du Flux, tout s’est déplacé dans le présent – nous pouvons voir les nouveaux billets publiés au fur qu’ils apparaissent, et les conversations émerger autour d’eux, en direct, tant que nous y prêtons attention.

Oui, comme le rythme du Flux s’accèlère, ce que nous appelons « maintenant » se raccourcit. Au lieu d’être un jour, c’est une heure, ou quelques minutes. L’unité de mesure des changements a acquis plus de granularité.

Par exemple, si vous regardez la ligne de temps (timeline) publique de Twitter, ou même seulement celle de vos amis dans Twitter ou Facebook vous verrez que les choses disparaissent rapidement de votre vue, vers le passé. Notre attention se focalise sur le présent immédiat. : les quelques dernières minutes ou heures. Toute chose qui a été postée avant cette période de temps est « hors de vue, hors de l’esprit ».

Le Flux est un monde où les empans d’attention sont toujours plus réduits, un monde de sensations virales en ligne, de célébrité instantanée, de tendances subites, d’intense volatilité. C’est aussi un monde de conversations et de pensées à très court terme .

C’est le monde dans lequel nous entrons. C’est à la fois un grand défi et une grande opportunité que cette nouvelle décennie du Web…

Comment allons-nous nous accommoder du Flux ?

Le Web a toujours été un courant – il est toujours apparu en temps réel depuis qu’il a commencé, mais il était plus lent, les pages changeaient moins fréquemment, de nouvelles choses étaient publiées moins souvent, les tendances se développaient plus lentement. Aujourd’hui va tellement plus vite, aujourd’hui se nourrit de lui même, et nous le nourrissons et nous l’amplifions toujours plus.

Les choses ont aussi changé sur le plan qualitatif ces derniers mois. Les aspects de type « flux » du Web sont vraiment devenus le lieu central de notre principale conversation culturelle. Tout le monde s’est mis à parler de Facebook et de Twitter. Les célébrités. Les animateurs de talk-shows. Les parents. Les ados.

Et soudain nous nous retrouvons tous scotchés à diverses activités liées aux flux, microbloguant de façon maniaque, louchant à force de traquer les références aux choses  qui nous importent avant qu’elles soient emportées hors de vue. Le Flux est arrivé.

Mais allons-nous pouvoir supporter cette quantité toujours grandissante d’informations ? Allons-nous tous être renversés par nos propres lances d’arrosage personnelles, ou est-ce que des outils vont apparaître pour nous aider à filtrer nos flux et les rendre gérables ? Et si déjà aujourd’hui nous avons trop de flux et devons sauter de l’un à l’autre de plus en plus souvent, comment est-ce que cela va être quand nous devrons fonctionner avec dix fois plus de flux d’ici quelques année ?

L’attention humaine est un goulet d’étranglement considérable dans le monde du Flux. Nous pouvons être attentifs à une seule chose, ou à un petit nombre de choses en même temps. Comme l’information vient à nous depuis différentes sources, nous devons sauter d’un item au suivant. Nous ne pouvons l’absorber entièrement en une seule fois. Cette barrière fondamentale sera franchie par la technologie dans le futur, mais au moins pour la prochaine décennie cela demeurera un obstacle clé.

Nous pouvons suivre plusieurs courants, mais seulement un item à la fois, et cela requiert de pouvoir rapidement faire passer notre attention d’un article à l’autre et d’un flux à l’autre. Et il n’y a pas vraiment d’alternative : fusionner tous nos flux séparés en une seule grande activité de flux unifiée produirait vite beaucoup trop de bruit et nous serions submergés.

L’habileté à suivre différents flux dans différents contextes est essentielle et nous rend capables de filtrer et et de concentrer notre attention de manière efficace. Résultat, il n’y aura pas un flux unique d’activité – nous aurons de très nombreux flux.  Et nous devrons trouver le moyen de nous accommoder de cette réalité.

Les flux peuvent être unidirectionnels ou bidirectionnels. Quelques flux sont comme des « fils d’alimentation » qui vont de producteurs de contenu à des consommateurs de contenus. D’autres flux sont plus comme des conversations ou des canaux dans lesquels n’importe qui peut être indifféremment émetteur ou récepteur.

Comme les flux vont devenir les principaux modes de distribution de contenu et de communication, ils vont devenir de plus en plus conversationnels et ressembleront de moins en moins à des « flux d’alimentation ».  Et c’est important – parce que pour participer à un flux d’alimentation vous pouvez être passif, vous n’avez pas besoin d’être présent de façon synchrone. Mais pour participer à une conversation vous devez être présent et synchrone—vous devez être là au moment où ça se passe, ou vous manquez tout.

Un Flux de défis et d’opportunités.

Nous allons avoir besoin de nouvelles sortes d’outils pour manager nos flux, pour y participer, et nous commençons à voir l’émergence de certains d’entre eux. Par exemple, les clients Twitter comme Tweetdeck, les lecteurs de flux RSS, et les outils de suivi de flux comme Facebook ou Friendfeed. Il y a aussi de nouveaux outils pour filtrer nos flux en fonction de nos centres d’intérêt, comme Twine.com (précision : l’auteur de cet article est l’un des fondateurs de Twine.com). La recherche en temps réel émerge aussi pour offrir des moyens pour scanner le Flux en son entier. Et les outils de découverte de tendances nous aident à savoir ce qui est brûlant en temps réel.

Le plus difficile sera de savoir à quoi prêter attention dans le Flux ; les informations et les conversations disparaissent si rapidement que nous pouvons à peine suivre le présent, encore moins le passé. Comment savoir à quoi prêter attention, quoi lire, quoi ignorer, quoi lire peut-être plus tard ?

Récemment quelques sites ont émergé qui montrent les tendances en temps réel, par exemple en mesurant le nombre de retweets concernant diverses URL survenus dans Twitter.  Mais ces services montrent seulement les tendances les plus fortes et les plus populaires. Et les autres thématiques, celles qui n’entrent pas dans ces tendances massives ? Est-ce que les choses qui ne font pas l’objet d’un RT ou n’ont pas été distinguées par un « like » sont condamnées à l’invisibilité ? Est-ce que la popularité d’un document reflète son importance réelle ?

Certainement, l’une des mesures de la valeur d’un item dans le Flux est la popularité. Une autre unité de mesure est sa pertinence par rapport à un thème, ou, plus intéressant encore, par rapport à nos centres d’intérêts personnels. Pour vraiment faire face au Flux nous aurons besoin de nouvelles manière de filtrer qui combineront ces deux approches. Au fur et à mesure que notre contexte change au long de nos journées (par exemple du travail et de ses différents clients et projets au shopping ou à la santé, aux loisirs, à la famille) nous aurons besoins d’outils qui pourront s’adapter et filtrer le Flux différemment selon ce qui nous importera.

Un Internet orienté Flux offre aussi de nouvelles opportunités pour la monétisation. Par exemple, de nouveaux réseaux de publicité pourraient se former pour permettre aux annonceurs d’acheter des espaces juxtaposés aux URL portant sur des grandes  tendances  du Flux, ou sur différentes tranches de celui-ci.  Par exemple, un annonceur pourrait distribuer ses annonces sur les douzaines de pages qui sont retweetées à un moment précis. Lorsque ces pages commencent à décliner en ce qui concerne le nombre de RT par minute, les pubs pourraient bouger vers d’autres URL qui commencent à gagner en popularité.

Les réseaux publicitaires qui font un bon boulot de mesure des tendances de l’attention en temps réel  devraient être capable de capitaliser  sur ces tendances plus vite et permettre d’obtenir  de meilleurs résultats pour les annonceurs. Par exemple, un annonceur capable de détecter et de se positionner immédiatement sur la tendance du jour pourrait faire apparaître son annonce accolée aux leaders les plus influents qu’ils cherchent à atteindre, de manière presque instantanée. Et cela pourrait se traduire par des gains immédiats en sensibilisation et sur l’image de marque.

L’émergence du Flux est un changement de paradigme intéressant  qui pourrait se révéler une caractéristique de la prochaine évolution du Web pour la troisième décennie qui arrive. Même si le modèle de données sous-jacent  va  de plus en plus  ressembler à un graphe, ou même à un graphe sémantique, l’expérience utilisateur sera de plus en plus orientée flux.

Qu’il s’agisse de Twitter ou d’une autre application, le Web est en train de se transformer  de plus en plus en flux. Comment allons-nous filtrer ce flux ? Comment allons-nous y faire face ? Celui qui résoudra ce problème en premier va probablement devenir riche.

Nous sommes tous de petits éditeurs

Google conclut avec Sony un partenariat qui permet à Sony de proposer sur son site the ebook store from Sony 500 000 livres du domaine public en téléchargement gratuit. Les titres sont au format epub.

Google n’exclut pas de proposer à d’autres acteurs, «  partageant sa volonté de rendre accessible les livres  », le même accès à ses ouvrages. La guerre contre Amazon est déclarée ! Va-t-on continuer chez Amazon d’essayer d’imposer un modèle vertical (achetez chez moi, dans mon format, et lisez sur ma liseuse) ?

Ainsi s’agitent les géants, outre-atlantique, et ce n’est certainement pas fini :  il n’y a aucune raison pour que Google ne mette pas en vente prochainement des livres sous droits, s’appuyant sur l’accord conclu avec les auteurs et éditeurs américains.

De ce côté-ci de l’océan, la «  chaîne du livre  » tremble, discute et se rassemble au Salon du Livre. De l’espace «  lectures de dem@in  » aux Assises du Numérique, on essaye les liseuses, on s’interroge sur la définition du livre numérique, on s’inquiète pour les libraires, on fait le bilan de Gallica, on commente l’annonce faite par Gallimard et La Martinière, on se réjouit qu’il y ait du soleil et plein de monde tout de même Porte de Versailles, on parcourt les allées, on note que les lecteurs photographient les auteurs en signature avec leur portable, on feuillette de beaux livres qui ne donneraient pas grand chose sur un iPhone ou une liseuse, on déniche des pépites chez de petits éditeurs, et on se dit : «  Nous sommes tous de petits éditeurs  ».

#sdl09ldd : mettre un dièse aux mots

Mettre un bémol, on voit bien ce que ça veut dire, sans connaître le solfège. Mais, «  mettre un dièse  » ?

Hier soir, Peter Brantley twittait en direct d’un symposium à la Columbia Law School concernant le Règlement Google, et ses répercussions à long terme. On peut suivre, moyennant décryptage de quelques raccourcis (BRR = Books Rights Registry), ses notes de conférence avec le hashtag #gbslaw.

Qu’est-ce qu’un «  hashtag  » ? C’est une série de caractères précédée du signe #, dont les utlisateurs conviennent du sens. Tout message sur twitter comportant ce hashtag pourra être ainsi considéré comme faisant partie d’un ensemble de messages, auquel est associé un contexte défini.

Cela permet d’effectuer des recherches, et aussi de donner en quelques caractères le contexte d’un tweet.
Souvent, il s’agit d’un événement, comme dans le cas de #gbslaw. Le premier qui commence à twitter un événement propose le hashtag. Il existe aussi des hashtag thématiques, comme #followfriday. Il sert simplement à indiquer à ses followers des personnes intéressantes à suivre sous twitter…

Nombreux sont mes «  Following people  » d’outre atlantique qui assistent ces jours-ci à  SXSW , et utilisent le tag #sxsw.

Mais ici en France, on twitte aussi !  Le hashtag pour «  Dem@in le livre  » au Salon du Livre est : #sdl09ldd.

Peut-être se trouvera-t-il quelques twitterers pour couvrir les deux débats organisés par Alain Pierrot, et que j’ai le plaisir d’animer ?

Dimanche à 17h30 :

Bibliothèques numériques, de la consultation en ligne au téléchargement
Où en est-on de la consultation en ligne et du prêt par les bibliothèques numériques ? Aspects sociologiques de la lecture numérique.

Daniel BOURRION, conservateur des bibliothèques, Bibliothèque Numérique de l’Université d’Angers
Alain GIFFARD, spécialiste des technologies de l’écrit, président de la Mission interministérielle pour l’accès public à l’Internet
Yannick MAIGNIEN, directeur du TGE (Très Grand Equipement) ADONIS.
Lundi à 14h :

Comment « rematérialiser » les livres numériques au gré des lecteurs ? Impression à l’unité, fichiers numériques, sont-ils opposés ou complémentaires ?

Pierre-Henri COLIN, responsable de l’offre e-paper chez 4D Concept
Hervé ESSA, directeur marketing et  commercial chez Jouve
Frédéric FABI, président et fondateur du groupe Dupliprint
Moritz HAGENMÜLLER, directeur de Books on Demand.

Lancement imminent de Shortcovers. Un « Kindle killer » ?

Jeudi, la chaîne de librairies  canadienne Indigo va lancer Shortcovers, un site de vente de contenus numériques, livres et extraits de livres, à destination des utilisateurs de smartphones comme le iPhone, le Blackberry et les mobiles Androïd. Dans les mois qui viennent, des smartphones tournant sous d’autres systèmes (Symbian, Windows) seront également concernés, tout comme le Palm Pre.

Michael Serbinis, vice président éxécutif de Shortcovers :

«  Nous pensons que la possibilité d’utiliser votre terminal mobile constitue un avantage pratique évident, en particulier pour les consommateurs qui ne sont pas de grands lecteurs.  »

Shrtcovers affiche aussi l’intention de se distinguer avec des offres originales, permettant aux utilisateurs de lire le premier chapitre d’un livre gratuitement, aussi bien que d’acquérir un chapitre d’un livre à la fois. Cela sera pertinent, par exemple, si vous souhaitez n’acheter d’un guide touristique que le chapitre qui concerne la ville que vous avez prévu de visiter lors de votre prochain voyage.

Kindle Killer ? C’est peut-être un peu exagéré. Mais l’antagonisme entre Indigo et Amazon ne date pas d’hier. Indigo s’était fortement mobilisé en 2002, lorsque Amazon s’est implanté au Québec, l’accusant de contrevenir à la réglementation concernant la possession de librairies au Canada.

Craig Berman, porte-parole d’Amazon, ( Amazon qui a annoncé par ailleurs travailler également sur la possibilité de diffuser ses contenus numériques vers les mobiles ) déclare :

«  Nous savons aussi que beaucoup de gens, spécialement ceux qui aiment la lecture, souhaitent disposer d’un terminal dédié, tout comme la fait de pouvoir prendre des photos avec votre téléphone mobile ne vous dispense pas de posséder un appareil photo numérique – vous souhaitez un terminal dédié pour les activités que vous appréciez  ».

Voilà, notre discussion sur le thème du «  grille-pain  » se poursuit outre-atlantique. Ils copient tout chez nous, ces Nord-Américains !

(via Digits, signalé par Javier Alfonso Furtado sur Twitter)

Un mashup au résultat impeccable : Reading Radar

Prenez la liste des bestsellers du New York Times. Ajoutez toutes les informations publiées sur Amazon au sujet de chacun des livres figurant dans cette liste. Agitez. Laissez cuire 20mn. Vous obtenez un site dont le contenu se renouvelle automatiquement, parfaitement bien présenté.

Reading Radar, c’est l’occasion de comprendre par l’exemple ce que sont une API et un Mashup. Pour les API, j’avais posé la question à Christian Fauré. Là, non seulement nous avons l’exemple du site, mais son auteur nous détaille la recette sur son blog.

Vous me direz : quel besoin de mettre un coup de projecteur sur des livres qui sont déjà dans la liste des bestsellers ? Je répondrai : peu importe. Si on peut faire cela avec la liste des bests, on peut le faire avec d’autres listes, d’autres sélections. Pour peu que ceux qui les concoctent se donnent la peine de publier leur API . J’espère que cela va donner des idées à un ou plusieurs John Herrer français…

MàJ : un ping me le rappelle, Hubert nous avait prévenus il y a quelques jours sur La Feuille de l’ouverture d’une API par le New-York Times.

Réseaux sociaux avec éditeurs

On l’a dit déjà : avec le numérique, il sera de plus en plus difficile de parler de chaîne du livre, comme on le faisait couramment jusqu’à présent. Chacun des maillons de cette chaîne ne «  parle  » qu’aux maillons qui voisinent directement avec lui. Non, avec le numérique, on va plus volontiers parler de réseau, et ce, même en ce qui concerne les livres imprimés. Chacun des nœuds d’un réseau peut virtuellement entrer en contact avec tous les autres. Pour les éditeurs, il existe aujourd’hui des moyens d’entrer en contact direct avec leurs lecteurs. J’en vois qui s’inquiètent, qui voient les éditeurs arriver avec leurs gros sabots, et venir polluer les discussions sur le réseau avec des messages promotionnels, rédigés en pure marketing-langue. Essayer de transposer sur internet des pratiques marketing héritées du XXème siècle est une aberration. On l’a vu avec quelques exemples célèbres de faux blogs. Faudrait-il alors s’interdire de se saisir en aucune manière d’une opportunité aussi formidable pour entrer en contact avec ses lecteurs ?

A l’heure où Le Monde fait découvrir twitter à ses lecteurs, certains éditeurs ont déja de nombreux «  following people  » sur twitter. [ajout du 18/01/09 : en voici toute une liste sur un répertoire créé par Jeniifer Tribe.] Little, Brown and co, par exemple. Que peut bien twitter un éditeur ? C’est simple, il suffit de déchiffrer ses derniers tweets.

Le premier nous apprend que non content d’être sur twitter, Little, Brown and Co est aussi sur Facebook :

1 – «  Relaxing this weekend with THIS ONE IS MINE by Maria Semple. Become a fan of the book on Facebook : http://tinyurl.com/65aapr

Le ton est direct : besoin de vous relaxer ce week-end ? Lisez donc This one is mine par Maria Semple. Et devenez fan du livre sur Facebook. C’est bien de la promo. Mais le ton est simple et direct, personnel. Et personne n’est obligé de suivre LB & co sur twitter : celui qui le décide est à priori intéressé par de l’info sur les publications de l’éditeur.

2 – «  @lovebabz Sounds divine. Have a great relaxing day.  » – Un message qui commence par @ suivi d’un pseudo twitter : c’est donc qu’il y a bien des échanges. Qui est lovebabz ? Il semble que c’est une mère de famille, blogueuse, qui twitte des trucs comme : «  Good Morning ! Well it’s not raining ! Getting children ready for church. Greg is playing the bells this morning in the Boys Choir  » (Bonjour ! Super, il ne pleut pas ! Je prépare les enfants pour partir à l’église. Greg joue des cloches ce matin dans le choeur des garçons)

3 – «   @bookingmama posts video of Anita Shreve discussing the origins of TESTIMONY http://tinyurl.com/64nm6m  » Liens, liens, liens : Un tweet qui signale que «  bookingmama  » a posté une vidéo d’Anita Shreeve. Quelques clics d’enquête plius loin : Bookingmama est une blogueuse du livre, (sharing ideas on books and bookclubs – and occasionnally some other things – partageant des idées à propos de livres et de clubs de lecture, et occasionnellement à propos de quelques autres choses). Bookingmama a effectivement posté une vidéo dee l’auteur sur son blog, issue de YouTube. Allons-voir sur YouTube d’où vient cette vidéo.

Elle vient de BookVideos.tv , et je passe un bon moment sur leur site, pour voir un peu ce qu’ils font en matière de «  story behind the story  ». Le site est très bien fait : une offre directe aux éditeurs avec deux types de vidéos, l’un  économique et l’autre plus cher, et l’indication des sites partenaires sur lesquelles sont diffusées les vidéos parmi lesquels Amazon, Facebook, Barnes & Noble, iTunes, Google, Yahoo, AOL etc, et la lise des éditeurs clients : Simon & Schuster, Random House, Broadway Books, Chronicle Books, Ten Speed Press, W.W. Norton & Company, Thomas Nelson, Loyola University Press, Penguin, Hachette, Holtzbrinck, Bantam Dell, Doubleday, Sports Illustrated, Oxmoor House, Macmillan, Henry Holt and Company, Dorchester Publishing, John Wiley & Sons.

Les gens de Little Brown auraient tout aussi bien pu envoyer directement un tweet avec un lien vers la vidéo qu’ils ont certainement eux-même commandée, mais d’y renvoyer sur le blog d’une lectrice est bien plus efficace : la vidéo sera aussi bien vue, cela donne de la visibilité à ce blog, cela insère l’éditeur dans la blogosphère, car il contribue à tisser des liens entre ses membres.

4 – «   @highhiddenplace Enjoy ! Same to you re : giveaway and fun temporary tattoos. :)  » Ok, cette réponse de @littlebrown à @highhiddenplace semble être une plaisanterie, mais je ne parviens pas à la traduire. (Une suggestion ?) Hop, allons lire les tweets de @highhiddenplace. Un message vers @littlebrown les remercie pour leur envoi d’un livre. – «  Received my copy of THIS ONE IS MINE yesterday. It looks wonderful and I can’t wait to read it. Thank you again ! «   @highhiddenplace blogue depuis 2001, c’est aussi une mère de famille, elle alterne sur son blog des notes de lecture et des photos de ses enfants. J’y apprends qu’il y a un réseau ning dédié aux blogs de livres : http://bookblogs.ning.com/.

Je vois que tout comme @lovebabz, @highhiddenplace participe à un concours d’écriture en ligne, qui pourrait faire l’objet d’un prochain billet.

Je pourrais continuer longtemps, mais l’exercice est assez concluant, et ce billet vraiment trop long : en quelques clics, sur quelques tweets, on voit comment se tisse autour d’un simple fil twitter un réseau d’échanges, avec des gens qui partagent via le web leurs lectures et parfois leurs projets d’écriture, sans prétention. Un éditeur qui joue le jeu, envoie ses livres, entretient un dialogue. Et l’utilisation tous azimuts des sites sociaux : twitter, youtube, facebook.

J’ai trouvé le lien vers la page twitter de Little Brown dans ce billet de Kassia Krozser sur Booksquare, dont voici un extrait :

«  Personne ne peut atteindre vos clients mieux que vous parce que personne ne connait vos livres et ce qui les caractérise mieux que vous (exceptés, oui, vos auteurs ; ils jouent un rôle dans ce processus, bien sûr). Il n’y a pas de bonne façon pour faire cela. J’aime ce que des éditeurs comme Little, Brown and Co font sur Twitter, parlant de livres et s’entretenant avec les lecteurs (un bon point pour leurs fréquentes offres d’envois de services de presse). Je trouve agréable que des éditeurs comme Unbridled Books mettent leur point d’honneur à entrer en contact et à discuter avec des gens comme moi de façon régulière, – même les contacts commerciaux conservent une touche personnelle.  »

Katia a raison, il n’y a a pas de «  bonne manière  » de faire cela. Il faut juste se lancer, oser l’expérimentation.

Modération

Heureusement, il y a eu la pause. Comment autrement prendre la parole juste après la rafale de lectures (14 auteurs, 4 mn chacun…) qui a inauguré la rencontre d’hier soir ? Pas auteur, moi. Moi, blogueuse, invitée à modérer le débat qui suivait, intitulé «  publie.net, le contemporain s’écrit numérique  ». Je ne sais pas si j’ai vraiment modéré, je crois bien malheureusement que je me suis contentée de continuer en live, avec l’équipe de publie.net, devant le public du centre Cerise, les nombreuses discussions entamées sur teXtes et ailleurs…

Je reproduis ci-dessous les quelques mots que j’ai prononcés pour lancer le débat, en m’excusant auprès de ceux qui me font la grâce de lire régulièrement ce blog, car j’y reprends certaines remarques déjà faites sur teXtes, au fil des derniers billets.

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Lorsque je lisais, enfant, je me fichais bien des auteurs. J’ignorais l’existence de l’éditeur. J’avais entre les mains un livre, un objet tangible, infiniment désirable, et ouvert sur l’infini.
Il y avait l’histoire, les mots, la langue. Surtout l’histoire, au début. Les personnages. Leurs aventures.

Lire, c’était se retirer, loin du boucan de la famille, de la fatigue du commerce avec autrui, du souci de soi. C’était une affaire de solitude et d’imagination. C’était ce délice de voyager sans bouger, de faire des rencontres sans devoir me présenter, d’avoir peur sans courir de danger. D’écouter les bruissements et les grondements du monde extérieur, encore bien à l’abri dans mon enfance.

Puis refermer le livre, vivre et grandir, et me dire parfois que oui, curieusement, la vie ressemble bien à ce qu’en disaient les livres.

Aujourd’hui, les livres sont toujours infiniment désirables, et, ceux que j’aime, toujours ouverts sur l’infini, toujours bruissant des grondements du monde. Mais ces livres, aujourd’hui, sont entourés de présences. Je ne me fiche plus des auteurs. Les auteurs vivants ne sont plus seulement des noms inscrits sur la couverture, la tranche et la première page des livres. De plus en plus souvent, il m’importe d’en rencontrer un, de me mêler à la petite foule d’une librairie le soir où l’un d’entre eux s’y rend pour donner une lecture, répondre à des questions. Le nom sur la couverture trouve alors un visage, des gestes, une voix. Le passage que l’auteur lit ce soir-là aura toujours ensuite, lors d’une lecture ou d’une relecture, en face à face avec le livre, un statut différent, il fera entendre une musique particulière. Certains auteurs, je les rencontre autrement. De plus en plus nombreux, les auteurs sont présents sur le web. Ils tiennent un blog, alimentent un site, contribuent à une revue en ligne. Pour certains, leur blog ou leur site est, pour reprendre une image de François, comme l’atelier du luthier, qui donne sur la rue : le passant peut s’approcher, et, à travers la vitrine, le regarder travailler. La table du violon est encore en bois blanc, il n’a pas reçu ses couches de vernis. Il n’est pas prêt encore à vibrer au creux de l’épaule d’un soliste, mais il est là, visible, en devenir.

Derrière les livres il y a des gens. On peut les rencontrer, réellement ou virtuellement. Il y a les auteurs, mais aussi les éditeurs, les libraires, les bibliothécaires, les lecteurs. Et le web permet aujourd’hui un échange sans précédent avec ces gens qui écrivent, qui éditent, qui font circuler et qui lisent les livres que nous aimons.

Derrière publie.net, il y a des gens aussi. Ils sont là, et je vais leur laisser la parole.
Il y a François l’infatigable, il y a le désordre magnifique de Philippe, la patience et le brio de Fred, l’expertise de Xavier et Julien, le talent et la passion de bien d’autres, auteurs ou collaborateurs.

Leur atelier est ouvert : vous pouvez assister, en très léger différé, sur désordre.net à la création des visuels de couverture des livres numériques diffusés sur publie.net. Tiers-livre tient la chronique, qui rebondit de blog en blog, de billet en commentaire, d’un métier qui s’invente : l’édition nativement numérique. Les questions sont nombreuses et passionnantes : esthétiques et techniques, mais aussi juridiques et économiques.

Le catalogue est là. La plateforme existe. Les auteurs répondent présent. Les téléchargements se font. Les bibliothèques se connectent. La littérature contemporaine s’écrit numérique. Elle s’écrit sur publie.net, et ce depuis bientôt un an.

(photo : www.atelierduviolon.com )

La présentation, ça compte énormément

«  Pistes numériques : est-ce que le design a de l’importance dans la distribution numérique ?  », tel est le titre du billet d’Andrew Brenneman dans Book Business.

L’une des caractéristiques de l’édition numérique est la possibilité de rendre disponible un texte pour une lecture sur différents terminaux, de tailles variées. Le même contenu aura donc nécessairement une apparence différente selon le terminal sur lequel il est lu, et peut même être publié, sur le même terminal, dans des contextes visuels variés ( pensons, sur le web, aux contenus syndiqués qui se coulent dans la mise en page des différents sites qui les accueillent ).

Andrew Brennan pose trois questions :

  • Est ce que nos départements de production auront à intégrer tous ces nouveaux modes de diffusion ?
  • Est ce que le design des contenus numériques est de la responsabilité du partenaire distributeur ou d’un autre service externe plutôt que de celle de l’éditeur ?
  • Est-ce que le design est un élément stratégique ? Est-il indispensable que les maisons d’édition disposent de cette compétence en interne ?

Et il ajoute :

Nous avons pu esquiver quelque peu ces questions lorsque la distribution numérique et les programmaes de marketing se sont limités, dans un premier temps, à exiger de nous des PDF Web, des fac-similés de ce qui était imprimé sur papier. «  Super,  » ont pensé beaucoup d’entre-nous, «  nous pouvons utiliser la même mise en page que pour l’imprimé, c’est pas si compliqué  ».

Il répond à ces questions dans le fil de son article (que je ne vais pas traduire in extenso), et résume sa position en 5 points :

  • Le design a une importance stratégique. Le design facilite la communication du contenu et est nécessaire pour porter l’image de marque de la maison d’édition auprès des auteurs et du marché. Le design fait partie intégrante des intérêts de l’éditeur.
  • La dure vérité : chaque terminal de lecture, chaque plateforme requiert un traitement particulier de la mise en page
  • Les PDF Web ne sont pas la solution à long terme. Les PDF autorisent quelques rapides victoires dans la diffusion numérique, nous ont tous aidé à y faire nos premiers pas, et ont amorcé l’écosystème numérique. Mais une présentation basée sur la «  mise en page  » ne va pas offrir une solution satisfaisante en édition multi-support. Migrer vers une production basée sur XML aidera certainement pour le multi-support, mais le difficile travail de design pour chacun des modes de restitution demeure. XML est l’un des composants du succès, mais ce n’est pas la panacée.
  • Les équipes, en interne, doivent comprendre les implications pour le design d’une délivrance des contenus sur des supports multiples, qu’ils soient ou non directement impliqués dans le travail de présentation pour ces plateformes ou pas. Des compétences dans le design numérique sont des compétences clé pour les éditeurs.

Le billet ne concerne pas uniqement le texte numérique disponible en téléchargement, mais toutes les formes de distribution numérique, et je ne traduis pas ce passage pour relancer un débat «  PDF  » versus «  ePub  ». Quelque soit le format de fichier adopté, ce qui est en jeu c’est l’attention portée par l’éditeur au résultat final, c’est l’idée que le passage au numérique n’est pas une affaire purement technique. Et il convient de rappeler, en ce qui concerne plus particulièrement les liseuses – qui font cette semaine l’actualité – : la qualité de la présentation du texte ne dépend pas seulement de la compétence de l’éditeur : celui-ci, François Bon le rappelle dans son billet d’aujourd’hui, est tributaire des capacités du format qu’il a choisi, et des performances du logiciel de lecture utilisé par la liseuse.

Les meilleurs web designers ont peu à peu appris à déplacer leur compétence, en intégrant cette contrainte multi-environnement du web. Il faut pour accepter cela faire de gros efforts : j’ai rencontré dans des écoles de design de nombreux étudiants qui préféraient de loin travailler dans le print, plutôt que de devoir se plier aux contraintes du web, et perdre cette maîtrise directe du résultat final. Mais ceux qui ont choisi de travailler pour le web ont intégré progressivement les conséquences d’une séparation rigoureuse du fond et de la forme, ont accepté de perdre le contrôle millimétrique qu’ils possédaient dans le print, pour créer à partir de nouvelles contraintes : ils ont appris à travailler avec du texte repositionnable, des blocs flottants, et ont développé de nouvelles manières de concevoir en tirant parti de ce qui avait pu leur apparaître, de prime abord, quelque chose qui venait limiter leur contrôle.

On souhaiterait que les éditeurs, les directeurs artistiques, les maquettistes, tous ceux à qui incombe la tâche de veiller à l’apparence finale des textes, puissent effectuer aussi ce virage, et s’attachent d’aussi près à la qualité visuelle de la présentation d’un texte numérique qu’à celle d’un livre imprimé.

The Pynchon test

Kirk Biglione, sur Medialoper :

«  Comment évaluer l’expérience de lecture de longs textes de fiction sur le Kindle et sur l’iPhone ? J’ai concocté pour ceci quelque chose que j’ai appelé le «  test Pynchon  ». Les romans de Thomas Pynchon ont tendance à être plutôt longs, et à ce titre m’ont semblé parfaits pour mener à bien ce test.  »

Longs, les romans de Pynchon ? Voir à ce propos Claro, traducteur de Contre-jour, sur le Clavier Cannibale. On peut aussi… lire Pynchon, et, pour affiner un peu son approche de l’auteur et de l’œuvre («  il écrit des livres longs  » semble un peu…court ? ) , se procurer Face à Pynchon (éditions le Cherche Midi, collection Lot 49).

Kirk Biglione est probablement un lecteur de Pynchon : si pour son test il voulait choisir simplement un gros livre, le choix était vaste. Mais on comprendra en lisant la suite pourquoi il n’a pas choisi plutôt un best-seller… Résultats du test ? iPhone et Kindle renvoyés dos à dos. Mais attention, pas pour les mêmes raisons.

«  Je devrais tout d’abord indiquer que ce «  test Pynchon  » est complètement hypothétique parce qu’il y n’y a pour l’instant aucun moyen (légal) de télécharger un roman de Thomas Pynchon pour le lire sur un iPhone. Peu importe, je suis absolument certain que je ne lirais jamais Contre-jour ou l’arc en ciel de la gravité sur un iPhone. Le iPhone n’est tout simplement pas fait pour lire de longs textes de fiction. Sans aucun doute, l’ergonomie du iPhone empêcherait une immersion dans le texte suffisante pour aller bien loin dans ma lecture. L’écran du iPhone est juste un peu trop petit, et la génération actuelle des logiciels de lecture sur iPhone est bizarre («  quirky  »).

Je suis bien sûr au courant du fait qu’il y a des gens qui lisent des romans sur mobile ou sur PDA. Simplement, je ne suis pas l’un d’eux. Mais je n’exclus pas pour autant l’iPhone de la famille des terminaux de lecture pour livres numériques. Avec le logiciel adéquat, ce pourrait être un bon terminal de lecture pour des nouvelles et d’autres types de livres. En d’autres temres, l’iPhone a échoué au test Pynchon, mais il pourrait réussir le test George Saunders.  »

Quid du Kindle ?

Le Kindle a échoué au test Pynchon : Malheureusement, le test Pynchon est tout aussi hypothétique sur le Kindle. À l’heure où j’écris ces lignes, aucun roman de Thomas Pynchon n’est disponible dans le Kindle store. (…)

Amazon propose actuellement 170 000 titres dans le Kindle store. Cela peut sembler beaucoup, mais c’est une petite part du nombre de livres imprimés disponibles sur Amazon. Si vous pensez sérieusement à acheter un Kindle, vous devriez passer un peu de temps à parcourir le catalogue Kindle , pour déterminer si oui ou non les titres disponibles correspondent à vos besoins de lecteur. Soyons justes avec Amazon : les éditeurs semblent décidés à prendre le train du Kindle, on peut donc espérer trouver dans l’année qui vient de plus en plus de titres.   »

Cela dit, je dois indiquer que le Kindle est parfaitement adapté à la lecture de longs romans – il a été conçu pour cela. L’affichage e-Ink est confortable pour les yeux, la durée de vie de la batterie est plus que suffisante, et la taille du terminal semble un bon compromis entre portabilité et lisibilité.  »

Les deux terminaux ont tous deux «  échoué  » à un test auquel aucun d’eux n’a pu, en définitive, participer, et cet article est un peu biaisé : l’auteur a déjà son opinion sur la capacité de chacun des terminaux à accueillir la lecture de longs ouvrages de fiction, et son «  test Pynchon  » est une manière de souligner la pauvreté actuelle des catalogues de livres numériques, limitation dont se plaignent depuis longtemps les adeptes précoces des liseuses : ce qui ne les empêche pas, même en France où l’offre commence à peine à se constituer, de développer des usages de lecture, qui mixent les titres tombés dans le domaine public, les fils RSS, les documents professionnels qu’ils auraient autrefois imprimé.

La suite de l’article est intéressante aussi : il y est question de la focalisation qui est faite, dans les discussions concernant livre papier/livre numérique, sur la littérature, qui ne représente qu’une fraction de la production éditoriale. A ceux qui évoquent inévitablement les qualités du livre imprimé en parlant de ‘la bonne odeur des livres  », Kirk Biglione dit :

«  Ce que ces amoureux du livre veulent dire en réalité, c’est qu’il aiment l’odeur de certains livres. Ils aiment l’odeur de l’idée platonicienne du roman parfait. Croyez-moi, ces gens n’aiment pas l’odeur de «  Principes de la microéconomie  ».  »

Cela dit, la librairie du MK2 près de chez moi est ouverte le dimanche, et je vais m’en aller quérir le dernier Pynchon, et humer sa bonne odeur au soleil sur mon balcon…