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Ils ont de la chance à l’ENS

J’ai avancé un peu vite, de retour de la journée sur la recommandation à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister la semaine dernière, le terme d’AV-Pro, pour désigner ceux qui, chacun dans leur écosystème professionnel, font à la fois un travail de sentinelle et de passeur.
Et voici qu’un AV-Pro nous offre aujourd’hui un long texte très intéressant à bien des égards, texte qui décrit l’activité de l’Unité Numérique de l’ENS-SHS LSH, qu’il dirige. Cet AV-Pro c’est Pierre Mounier, Piotrr pour les lecteurs de Homo-Numéricus et Blogo Numéricus. Ce qu’il décrit à la fin de son texte me semble faire partie de la définition même du contexte où évoluent les AV-Pro, quelque soit l’univers métier dans lequel s’inscrit leur démarche. Le témoignage d’Olivier Tacheau aux Polyphonies du livre m’avait déjà fait ce même effet, à la limite d’un sentiment de «  déjà-vu  ». Je cite Piotrr :

Du point de vue des compétences elles-mêmes, la particularité de l’Unité Numérique est d’allier des compétences diverses et complémentaires, en édition, en communication, en informatique, en documentation et en conception web. Cette diversité est essentielle, à mon avis, parce qu’elle empêche l’Unité Numérique de tomber en tant que structure dans le giron d’un des corps professionnels constitués. Pour dire les choses brutalement, l’Unité Numérique est une structure nouvelle qui répond à une situation nouvelle. On peut penser qu’elle est une manière particulière, comme d’autres le font différemment ailleurs, d’inventer un nouveau métier, celui d’éditeur numérique. Elle ne pourrait faire ni l’un ni l’autre (répondre à la situation et inventer un métier) si son centre de gravité se déplaçait et la faisait tomber de l’un ou l’autre des côtés (dans une bibliothèque, un service informatique ou une maison d’édition traditionnelle).

Tous les acteurs sont très conscients de cela, bien évidemment. C’est pour cette raison que le positionnement d’une structure de ce type est extrêmement difficile au sein d’un établissement. Si les chercheurs et équipes de recherche voient très vite l’intérêt de cette structure qui répond bien aux besoins de la situation dans laquelle la recherche se pratique quotidiennement pour eux, les autres acteurs, qui eux, sont engagés dans des routines et des procédures correspondant à un état antérieur, ont du mal à accepter ce qu’ils voient comme un corps étranger tantôt fantaisiste, tantôt menaçant. C’est le cas des politiques et administratifs de la recherche aussi, non par mauvaise volonté individuelle, mais tout simplement parce que les cadres dans lesquels ils travaillent sont assez radicalement orthogonaux à une logique d’innovation.  »

(…)

Le saut qualitatif, la réorganisation de l’activité sur la base d’une prise en compte de changements structurels est difficile à concevoir dans ces cadres. Or, c’est exactement ce que fait l’Unité Numérique en tentant de répondre par un réassemblage inédit d’activités et de compétences aux conséquences de la révolution numérique dans le domaine des sciences humaines et sociales. La révolution numérique est une révolution. Tout la question pour l’institution est donc de savoir si elle prend le pari de se repositionner dans son nouvel environnement ou pas. J’ai du mal à imaginer les choses autrement que sur le mode de la rupture : le pari est fait, ou non. Mais je peux me tromper et d’autres ont peut-être imaginé des transitions mieux aménagées. Pour moi en tout cas, le débat reste ouvert.

Pierre et son équipe ne sont pas seulement des AV-Pro, ils ne se contentent pas de veiller et de réveiller. Ils agissent, inventent, créent, développent, réfléchissent, apprivoisent et approfondissent les technologies et les processus. Ils ont de la chance de les avoir, à l’ENS !

Apprenons à éditer des textes numériques

Nos livres en version numérique ? Bien sûr, ils existent déjà. Depuis des années, la chaîne de production des livres s’est informatisée : le manuscrit, déjà, est fourni à l’éditeur sous la forme d’un fichier, le plus souvent un fichier Word. Le fichier est transmis à la PAO, qui va se charger de sa mise en page, à l’aide d’un logiciel dédié, généralement XPress ou Indesign. Une fois terminées les corrections, on adresse à l’imprimeur un fichier PDF, dit le «  PDF imprimeur  ». Nos livres sont donc bien prêts pour le numérique, pas de doute… Sauf que…

Sauf que le fichier destiné à imprimeur a été conçu pour un usage précis, l’impression d’un livre à un format donné. Le numérique, aime-t-on penser, arrache le texte à la page, le rend indépendant de son support. Sauf que… un fichier destiné à l’impression «  re-soude  » le texte à la page, en mélangeant des informations de contenu et des informations de mise en forme. (L’indépendance contenu/mise en forme est d’ailleurs discutable, car la mise en forme véhicule un sens, qui ne se distingue pas forcément si facilement du «  sens du contenu  » mais interfère largement avec… mais cette indépendance est techniquement réalisable.)

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Nommons donc cet objet

Comment traduire le terme «  eReader  », qui désigne l’objet nous permettant de lire des textes électroniques ? J’avais proposé «  liseuse«  , qui a déjà quelques adeptes : Alain Pierrot, François Bon, Irène Delse et peut-être quelques autres. Liseuse, un nom féminin, disponible en quelque sorte car désignant soit un objet pratiquement tombé en désuétude, soit une lampe de lecture, objet assez peu courant et plus souvent désigné par le mot «  lampe  » que par le mot «  liseuse  ». Liseuse, sans la moindre ambiguïté, se réfère à la lecture. Un mot court, facile à prononcer, avec une terminaison en «  -euse  » déjà utilisée par de nombreux outils (une tondeuse, une perceuse…)

Je le préfère à «  bouquineur«  , qui a une connotation trop familière, à «  livrel«  , qui perpétue la confusion entre terminal de lecture et texte au format électronique, au vilain anglicisme «  reader«  . «  Lecteur  » est déjà utilisé pour les machines lisant les DVD ou les mp3, et qui aurait l’inconvénient de désigner d’un même terme la personne qui lit et la machine qu’elle utilise pour ce faire. Je m’aperçois en parcourant les blogs spécialisés sur le sujet que ces terminaux, faute de nom commun, sont désignés par des noms propres : on y dit «  mon Iliad  », «  mon Kindle  », «  mon Cybook  », comme on dit «  la Peugeot  » ou «  la Volkswagen  », mais on apprécie de pouvoir utiliser le terme «  voiture  » lorsque l’on ne souhaite se référer ni à une voiture particulière, ni à une marque de voiture.

Et nous avons ce nom commun, un joli substantif pratiquement jamais utilisé, disponible, qui ne demande qu’à reprendre du service, qui est sans ambiguïté, qui se réfère explicitement à l’acte de lire, dont la terminaison évoque clairement un outil, un objet fonctionnel.

Alors, liseuse ? Ou bien ?

Quand Lulu rencontre Borders, et un petit jeu idiot en prime

J’apprends chez Joe Wikert, encore lui, que Borders, la deuxième chaîne de librairie américaine derrière Barnes and Nobles, a adopté la plateforme de Lulu.com pour proposer à ses clients un service d’auto-édition.

Un petit jeu pour étudiants en master d’édition : dans les questions suivantes, ( toutes issues de la FAQ de la plate forme Borders-Lulu ) remplacez Borders Personal Publishing par le nom d’une maison d’édition. Supprimez les questions qui visiblement ne fonctionnent pas avec le nouveau nom. Pour chaque question restante, indiquez qui peuvent être l’émetteur et le destinataire de la question, puis imaginez une réponse.

Program Basics

* What is Borders Personal Publishing ?
* Who is Borders Personal Publishing for ?
* How much does it cost to use Borders Personal Publishing ?
* How do I register ?
* What is Lulu ?

Publishing

* How do I publish a book ?
* What can I publish with Borders Personal Publishing ?
* Why are there other book size options on Lulu ? Can I choose a size that isn’t listed on the Borders Personal Publishing page ?
* What services does Borders Personal Publishing offer ?
* Does my book need editing ?
* Does my book need page design ?
* How do I make a cover for my book ?
* What requirements does my book have to follow ?
* Why don’t I see “Borders” while I’m creating my book ?
* How do I get back to the Borders page after I’ve begun creating my book on Lulu ?
* What rights does Borders Personal Publishing have over my published work ?
* Who is the publisher — me or Borders Personal Publishing ?

Selling Books

* How do I sell my book with Borders Personal Publishing ?
* Who should buy the Borders Personal Publishing Premium Package ?
* Who should buy the Borders Personal Publishing Standard Package ?
* Who should buy the Borders Personal Publishing ISBN Registration Service ?
* What is an ISBN ?
* Does my book need an ISBN ?
* What are royalties ?
* Will Borders carry my book in the store ?
* Do I have to list my book for sale ?
* Who can buy my book ?

Ordering Books

* How much will my printed book cost ?
* Do I get a discount if I buy in bulk ?

Shipping to the United States

* How long should it take to receive an order ?

Author Support

* Where do I go for help with my book ?

Une plate-forme d’auto-édition en ligne est en effet une sorte de «  numérisation de savoir-faire  ». Elle cherche à rendre accessible à tout un chacun une activité jusqu’à présent réservée à des professionnels, dans la lignée du «  toi aussi tu peux  » : «  toi aussi tu peux choisir la typo, toi aussi tu peux choisir le format, toi aussi tu peux effectuer la mise en page, toi aussi tu peux concevoir une couverture, fixer le prix, demander un ISBN, te soucier de distribution…  » Cette liste de questions révèle les attentes supposées du client, à la fois auteur et éditeur, correcteur et metteur en page, responsable de fabrication, et illustrateur, et responsable marketing, et attaché de presse… autant de métiers que la plateforme, en quelque sorte, simule.

Une aventure qui tente le plus grand nombre : Lulu annonce publier 4000 ouvrages chaque semaine. Avec une marque comme Borders, bien plus connue, ce chiffre risque de s’envoler.

Donner c’est donner

If:book nous renvoie à un article du New York Times qui commente la décision du groupe d’édition américain HarperCollins de permettre un accès complet et gratuit en ligne à certains de ses livres :

«  Dans l’optique d’augmenter les ventes de leurs livres, les éditeurs d’HarperCollins vont commencer à autoriser gratuitement l’accès  à la version électronique intégrale de certains de leurs livres sur leur site Web. Parmi ces livres un roman de Paulo Coelho (brrr… je sais qu’il rencontre un vif succès mais perso même gratuit j’en voudrais pas… – NdT), et un livre de recettes de Robert Irvine, une star de la cuisine (inconnue chez nous – ou bien ? – NdT).

L’idée est de donner aux lecteurs la possibilité de feuilleter et découvrir les livres en version numérique en ligne comme ils peuvent le faire dans une librairie avec les livres imprimés.  »

Petit à petit, l’idée va-t-elle faire son chemin que l’accès gratuit au contenu complet d’un livre en ligne, plutôt que de les «  canibaliser  »,  a  un effet bénéfique sur les ventes de celui-ci ?

J’ai déjà cité l’exemple, repris par ce même article du NYT,  du livre “Diary of a Wimpy Kid” , publié intégralement sur un site gratuit et qui est ensuite resté 42 semaines dans la liste des best-sellers jeunesse du New York Times.

En France, les éditions La Découverte font le même pari avec la collection Zones, qui se réclame ouvertement de l’exemple des «  lybers  » proposés sur le site des éditions de l’Éclat, avec la mise à disposition du texte complet des ouvrages de la collection que l’on peut feuilleter intégralement en ligne.

Le New York Times mentionne également l’expérience menée par un auteur :

Neil Gamain, un auteur de romans, nouvelles et scénariste BD demande aux lecteurs de son blog de voter pour le titre qu’ils souhaitent voir choisi pour une diffusion intégrale et gratuite en version numérique. Une version électronique du livre qui aura remporté le plus de suffrages sera offerte gratuitement sur le site d’HarperCollins plus tard ce mois-ci. M. Gaiman a déclaré que l’effort n’était pas très différent de ce qui se pratique depuis des décennies.

«  Je n’ai pas grandi en achetant tous les livres que j’ai lus  », a dit M. Gaiman, d’origine anglaise, 47 ans. «  Je lis des livres dans les bibliothèques, je lis des livres dans les maisons de mes amis, je lis les livres qui traînent sur les appuis de fenêtre des gens  ». À l’occasion, ajoute-t-il, il les achète aussi lui-même, et il croit que les autres lecteurs le font aussi.

Moi non plus je n’ai pas acheté tous les livres que j’ai lus, loin s’en faut. Et ai-je lu tous les livres que j’ai acheté ? Non, bien sûr… Sinon, quand est-ce que je trouverais le temps de regarder des séries américaines ?

Audible acheté par Amazon

Sur Amazon version US, un même titre peut être vendu en grand format, en poche, sous forme de livre électronique, mais aussi de CD audio, ou de fichier son téléchargeable. Un clic sur un titre à ce dernier format vous emmène sur le site d’Audible, partenaire d’Amazon, et maintenant intégrée à Amazon : oui, car Amazon achète Audible. Jeff Bezos, le roi de la vente à distance sur le web diffuse désormais plusieurs produits 100% numériques : pas d’entrepôts (sinon virtuels : des serveurs), pas de transport (sinon virtuel : de la bande passante) : livres électroniques, musique, livres audio numériques.

Autre nouveauté repérée aujourd’hui : maintenant, les commentaires des livres peuvent se présenter sous la forme de vidéos, que leurs auteurs publient sur le site d’Amazon.

Mais qu’est-ce qu’on va faire, nous autres ? Ils vont vite, ils ont ou ils repèrent les bonnes idées, ils se développent dans tous les sens. Ils font du LibraryThing-like et du youTube-like… Ils affichent des résultats insolents.

Il m’est arrivé d’écouter en voiture des audiolivres sur cassette, pendant de longs trajets. L’an dernier, je me suis laissée avoir tenter par un offre promo sur le site audible France, qui propose donc des livres audio en téléchargement payant. A ceux qui s’abonnaient pour un an, pour un montant d’une douzaine d’euros mensuels, on offrait un iPod nanno à 30 euros. L’abonnement autorise un téléchargement mensuel de livre et plusieurs téléchargements de magazines. Le catalogue en français est assez mince, mais j’ai réussi chaque mois (sauf quand j’ai oublié, c’est malin…) à trouver mon bonheur, et j’ai bien apprécié d’écouter sur mon iPod collector (car gravé au dos d’un «  audible  » du meilleur effet) des textes assez variés. De longs extraits de La Recherche lus par Jean-Louis Trintignant, un Gide, un Beckett – (Premier amour), des contes de Flaubert (un coeur simple, écouté en voiture avec mon fils, sur les routes normandes, c’était parfait…), de la poésie, des nouvelles russes… Par contre, jamais dépassé la première leçon d’un cours de perfectionnement en anglais, décidément trop paresseuse.

Une fois terminé mon abonnement d’un an, je ne l’ai pas renouvelé.
Quantité d’initiatives autour des textes lus à voix hautes me permettent d’alimenter autrement ma machine à sons : page 48, Rabelais à haute voix, les conférences du Collège de France ou de l’ENS et bien d’autres. Et rien ne m’interdit de continuer à acheter aussi si je veux ponctuellement des livres audio sur Audible, ou ailleurs

influence et connectivité

Je lis sur Publishing 2.0 un billet que j’aurais pu écrire. Comment ça, non ? Mais si, j’vous juuure, j’aurais pu. Il me semble d’ailleurs avoir dit quelque chose de ce genre, lors de la dernière soirée Bouquinosphère. (Traduction maison, comme d’hab’)

«  Lorsque j’interviens auprès d’éditeurs traditionnels qui s’inquiètent à l’idée de poser des liens de leur site vers d’autres sites car cela va «  envoyer les gens ailleurs  » au lieu de les garder enfermés au milieu de leurs contenus, ma réponse standard est aujourd’hui la suivante : il y a un site qui ne contient rien d’autre que des liens vers d’autres sites, et tout ce que fait ce site c’est d’envoyer les gens ailleurs. Et alors, c’est incroyable, les gens reviennent… A tel point que cette stratégie a abouti à des millions de dollars de revenus publicitaires. (Oui, c’est bien de Google dont je parle…)

N’importe qui peut devenir influent sur le web en ouvrant son blog ou un compte sur un site de réseau social, et en créant des liens vers les gens et les contenus qui l’intéressent. Quiconque dispose d’une influence «  hors ligne  » et souhaite conserver cette influence «  en ligne  » doit commencer par poser des liens, et inscrire ces liens dans un vaste réseau.

L’influence, sur le web, c’est avant tout la connectivité. Plus large est le réseau, plus puissants sont les liens.  »

Comment a fait Clarabel pour que le blog où elle poste ses critiques de livres et de films devienne l’un des plus fréquentés de la blogosphère du livre ? Allez voir son commentaire sur le dernier billet de La Feuille. Lorsqu’elle commente un ouvrage sur Amazon, c’est toujours son commentaire qui arrive en tête. Toujours. N’est-ce pas ce qui s’appelle «  avoir de l’influence  » ?

Si le livre est une base de données alors…

persobook.jpgSi ce livre est une base de données, alors on peut proposer à son acheteur d’ajouter sur la page de garde la photo de son fils, et une dédicace, qui seront imprimés comme s’ils avaient d’emblée été parfaitement intégrés au livre.
On peut bien sûr imaginer aller beaucoup plus loin dans la personnalisation des livres. (Ici, petit clin d’oeil virtuel aux MMC Girls, si elles me lisent encore…)

Mais la mise en place de la chaîne nécessaire à ces deux fonctionnalités simples – ajout d’une image, ajout d’une dédicace – n’est pas à négliger : préparation du fichier numérique du livre, conception de l’interface utilisateur, développement de la mini-application permettant l’upload de l’image et du texte, design de la page web, insertion correcte de la page modifiée dans le fichier du livre, inscription des utilisateurs et mise en place d’un système de paiement, envoi de ce fichier à un service d’impression à la demande, impression du livre, acheminement du livre chez le client, et j’en oublie probablement.

Cette offre, qui porte pour l’instant sur un seul livre, est d’ailleurs le résultat d’un partenariat :

sharedbooks.jpg

«  SharedBook Inc., un site de publication qui permet aux utilisateurs de créer un livre à partir de contenu issu du web, a annoncé aujourd’hui un partenariat ave Random House pour permettre aux utilisateurs de créer des versions personnalisées de leurs livres en utilisant leur site web. Le classique album intitulé «  The Poky Little Puppy  » sera le premier livre disponible pour la personnalisation.  » (via Publisher’s Weekly)

Nombreux sont ceux qui se désolent que le livre électronique ne soit le plus souvent que la version électronique du livre papier, une simple déclinaison sur un autre support d’un texte, un pauvre malheureux texte qui n’utilise même pas les ressources du multimédia, un texte dans lequel on ne peut même pas cliquer pour faire surgir une image, faire jouer un son, convoquer un autre texte. ( Ils sont vraiment bêtes alors ces éditeurs ! ) C’est ignorer que le fait d’afficher correctement un texte, avec une mise en page convenable, sur une liseuse, est déjà une petite aventure technique non négligeable. ( Et ce ne sont pas François, Hadrien, Hervé qui devraient me contredire… )

Choisir de faire en sorte que le texte ne soit plus quelque chose que l’on offre à la lecture, mais un objet qui interagit avec son lecteur utilisateur (autrement que par le truchement de son imagination), c’est changer le statut du texte même, quitter l’univers du livre, et entrer dans l’univers des applications.

Et on voit, avec cet exemple archi-simple de Random House, que cette opération n’est pas un mince affaire. Tous ceux qui ont traversé la brève histoire du cédérom s’en souviennent : un écran n’est pas une page, et produire une application multimédia conjuguant de façon pertinente textes/sons/images/animations/vidéo, maîtriser l’ergonomie des interfaces, c’est difficile, c’est long et ça coûte très cher. Ceux qui sont aujourd’hui passés maîtres dans cet art s’appellent Electronic Arts ou Ubisoft et sont bien loin de l’univers du livre. Il y a par ailleurs des inventions merveilleuses du côté de l’art numérique. Mais la numérisation dans le domaine du livre (qui semble s’accélerer ces temps-ci, non sans quelque fracas), ne signifie pas le surgissement systématique et quasi magique de nouvelles formes de récit, même si certains explorent déjà de nouvelles formes, formes liées à des développements d’applications aussi bien que formes originales d’échanges, possibilités de création publique ou collective, liées aux types de sociabilité engendrés par le web.

Il y a une migration à effectuer, qui ne passera pas massivement par une réinvention «  multimédia  » des œuvres littéraires au prétexte que «  avec l’informatique, on peut… on peut…  ». Et si déjà on pouvait offrir aux prochains acheteurs de liseuses un catalogue de titres électroniques qui leur donne un autre choix que celui de lire en anglais ?

Bouquinosphère + soirée remue.net

Tomber en panne de blog, juste la semaine de la bouquinosphère, c’est ce fut vraiment idiot…
(Mais l’incident est clos, et je fais juste ici un copier/coller depuis mon blog de secours à 1 seul post «  en-rade.blogspot.com  »…)
Hubert (filmé par François Bon) nous a parlé vendredi dernier du livre comme base de données. Donc, prévoir que nos livres pourront tomber en panne. Jusqu’à présent, on pouvait tomber en panne de livres (horrible), et bientôt, ce sont les livres eux mêmes qui seront en panne. Zut, mon livre a planté. Affreux.

C’était bien de faire se succéder dans le même lieu une soirée bouquinosphère et la soirée «  écrire avec l’internet  » organisée par remue.net. Impression d’avoir l’occasion de réconcilier mes deux côtés, le côté du computing, cette passion bizarre pour les machines, le programme, le numérique et ses promesses, et mon côté textes, ce goût immodéré et un peu contrarié des mots et de l’écriture. Ainsi agencée, la soirée a permis des rencontres entre gens du texte et gens du «  digit  », écrivains et geeks, avec bien sûr quelques mutants, ceux qui sont ou deviennent à la fois l’un et l’autre.

C’est bien de voir que les écrivains s’emparent du web, d’échanger avec eux sur la nature du texte numérique, de chercher avec eux s’il existe une poétique de l’hypertexte, de discuter les dogmes concernant l’écriture web (qui devrait absolument être concise, structurée, comporter des paragraphes courts, des titres, offrir la possibilité d’une lecture rapide, d’un balayage etc.).

C’est bien, aussi, ce détour, qu’un homme de l’image nous parle des photos et des vidéos vites prises et vite partagées sur le web par des millions de jeunes du monde entier, une manière de se parler en images, de parler de soi sans dire je mais en se montrant, loin des mots, plus près du geste et du corps (danser, chanter).

Contente aussi de voir Isabelle Aveline parler avec Babelio (une dream team, non ?), de voir en vrai Fred Griot, celui de mes friends dans Facebook qui a le nom le plus court, de savoir que des précurseurs, Alain (rencontré chez Hachette en 95, alors que déjà il y fomentait des troubles numériques) et Constance, (qui participa à l’aventure 00h.00.com) ont ouvert chacun leur blog.

Et puis j’ai rencontré un pays, Sébastien Bailly, et on a parlé de Rouen, et de la rue Grand Pont. Savez-vous pourquoi l’un des accès à la cathédrale est appelé portail des libraires ? Mais je ne vois vraiment pas le rapport avec la lecture, internet ni la bouquinosphère…

2008, année des auteurs ?

C’est en tout cas ce qu’annonce If Books dans cet article. Il conclut, et on pourrait croire qu’il a mis quelques un des blogs de la french bouquinosphère dans son agrégateur :

«  Je ne suis pas en train de dire que ça va être une grande année pour les auteurs. Les nouveaux medias vont nuire à leurs intérêts comme ils ont nuit à ceux des musiciens et à la guilde des scénaristes actuellement en grève. C’est l’année des auteurs, parce que ce sont eux qui vont effectuer le changement de paradigme. Ils vont pouvoir commencer à utiliser des outils de publication et de distribution en ligne en se passant des éditeurs traditionnels et mettre leurs oeuvres en circulation de façon massive. Ou bien ils vont refuser le modèle web du «  donne-moi-ton -travail-pour-rien  » et inventer ensemble de nouveaux modèles. Natalie Merchant* a choisi, (provisoirement, je l’espère) de revenir à la tradition des troubadours du business de la musique. ll sera intéressant d’observer quel sera le choix des auteurs lorsque la banquise de l’industrie de l’édition va commencer à fondre.  »

*une chanteuse qui a déclaré qu’elle n’enregistrerait plus d’albums, «  tant que l’industrie du disque n’aurait pas change de paradigme  ».

Que ce soient les auteurs ou les éditeurs, dès qu’ils passent à l’action, ils se confrontent à des problèmes techniques. Dans le cadre de publie.net, François Bon teste et reteste, et suscite un débat sur la question des formats pour les livres électroniques.

Léo Scheer est lui confronté à la masse de textes qu’il reçoit pour m@nuscrits et à la nécessaire automatisation du processus de publication : coller une par une les pages à la main dans un fichier flash n’est pas la solution.

Expérimenter est une chose. Passer en production en est une autre. Mais ce passage, ainsi discuté publiquement sur les blogs des uns et des autres, se trouve démystifié.

L’édition électronique, comme si vous y étiez.