Archives mensuelles : novembre 2008

Impression à la demande : quel intérêt de la proposer sur un site d’éditeur ?

Bookseller.com l’annonce aujourd’hui : Random House va commercialiser des livres en impression à la demande, sous la marque «  The Random Collection  ». Random va lancer un site dédié avec 750 premiers titres, d’autres viendront s’ajouter tout au long de l’année. Le site sera interactif, régulièrement mis à jour avec des sélections et des recommandations de l’équipe de Random House et des auteurs. Il sera doté d’un outil permettant aux libraires de faire des suggestions concernant les titres qu’ils aimeraient voir figurer sur Random Collection. Faye Brewster, Directeur des ventes du groupe, précise : «  Lorsque des revendeurs constatent que des clients leur réclament un livre de Random qui se trouve être épuisé, ils peuvent nous le signaler, et nous nous occuperons d’obtenir les droits pour les rendre disponibles sous cette forme.  »

Faber & Faber avait déjà lancé en juin un service identique, Faber Finds, s’assurant pour la création des couvertures de ces livres la collaboration d’une designer talentueuse, Karsten Schmidt, qui a conçu un système de création graphique basé sur un algorithme.

Joseph J. Esposito commente cette annonce dans Publishing Frontier en posant cette question, qui revient quasiment toujours dès qu’il s’agit de sites développés par des éditeurs : est-ce vraiment pertinent de proposer un tel service sous la marque «  Random House  », offrant uniquement des livres issus des marques détenues par le groupe ? Les lecteurs se soucient-ils de cette marque ? Qu’est-ce qui pourrait les attirer vers ce site ? N’est-il pas préférable que les éditeurs rendent leur livres disponibles en impression à la demande sur des sites agrégeant le plus grand nombre possible de maisons d’édition, et offrant un vaste choix ? Joseph écrit : «  RH, ou tout autre éditeur, font une grave erreur s’ils s’imaginent que les consommateurs vont venir sur le site RH.  »

Mais cette remarque est aussitôt mise en perspective par la suite de son article. Plusieurs raisons justifient en effet selon J.J.Esposito la décision de Random House. La première, c’est la nouvelle situation créée par l’accord conclu entre Google et les éditeurs et auteurs américains : avant cet accord, la ligne de démarcation entre les livres était clairement : livres du domaine public d’un côté, livres sous copyright de l’autre. Avec l’accord, la frontière s’est déplacée : les livres encore sous copyright mais en arrêt de commercialisation entrent dans la même catégorie que ceux du domaine public, en ce qui concerne le droit de Google de les faire entrer dans son programme Google Book Search, à ceci près que Google s’engage à reverser aux ayant droit une part des revenus provenant de ces œuvres. Le fait de mettre à la disposition du public des livres en impression à la demande ne permet plus de les déclarer «  non commercialisés  », et renforce la position de l’éditeur vis à vis de ses droits et de ceux de ses auteurs sur ces livres.

L’autre raison ne s’applique pas seulement aux livres proposés en impression à la demande, mais bien à l’ensemble des livres qu’un éditeur présente sur son propre site web. Là, Joseph J. Esposito explique que la diférence entre le monde physique et internet est très importante. Autant il est tout à fait absurde d’imaginer des librairies physiques proposant les livres d’un seul éditeur, autant, le fait pour un éditeur de disposer de son propre site se justifie. En effet, sur internet, le «  Barnes & Noble «  ( soit : le libraire ), c’est la première page de résultats d’une recherche dans Google. C’est dans Google que les consommateurs vont taper le titre du livre qu’ils recherchent. C’est ce que J.J.Esposito nomme de «  l’agrégation en temps réel  ». Qu’importe alors, nous dit-il, que les consommateurs ne connaissent pas la marque «  Random House  », la seule marqe qu’ils connaissent, c’est Google, et si le site de l’éditeur est convenablement développé, «  search engine’s friendly«  , bien optimisé pour les moteurs de recherche, le consommateur aura accès au site de l’éditeur, ou à des informations issues de celui-ci et reprises ailleurs, sur le site d’Amazon par exemple.

Il n’est pas non plus impossible que Random House entreprenne à cette occasion, faisant venir les consommateurs sur un site riche d’informations, de faire exister progressivement sa marque auprès des lecteurs.

Esposito conclut :

«  Fondamentalement, il est temps d’arrêter de penser le Web comme un univers symétrique de l’univers «  brick and mortar  ». Hors ligne, il y a des magasins ; en ligne, il y a des des relations qui évoluent dynamiquement. Hors ligne, l’agrégation est cruciale ; en ligne, l’agrégation se fait en temps réel et permet de pointer vers des objets partout où une URL peut être trouvée. Hors ligne, les marques connues dans le monde du B2B ne disent rien aux consommateurs ; en ligne, de telles marques peuvent s’insérer intelligemment dans la chaîne de valeur. Ne tenons pas pour acquis que les gens chez Random House sont idiots, en dépit du fait qu’ils sont – ugh – des éditeurs  ».

Espèces d’espaces : géolectures

On se souvient de la série «  We tell stories  » : Les éditions Penguin avaient fait travailler ensemble des romanciers et des concepteurs de jeux spécialisés dans les «  ARG  » (Alternated Reality Games), et ils revisitaient ensemble des romans classiques. Le premier de la série utilisait GoogleMaps. Le dispositif faisait surgir les portions de texte sur la carte, et l’on se déplaçait sur la carte en suivant les pérégrinations du héros.

Un autre dispositif de lecture utilise Google Maps, et je trouve intéressant de rapprocher les deux : il s’agit de l’adaptation d’un roman de Christoph Benda, intitulé Senghor on the Rocks. On a là aussi un mash-up, mais la conception est radicalement différente. Dans «  The 21 steps  », le texte s’inscrivait sur la carte, dans un dispositif de lecture en rupture complète avec l’univers visuel du livre. Avec Senghor on the Rocks, le dispositif simule à l’écran l’expérience classique de la lecture, et c’est dans une pseudo page que vient s’afficher la carte interactive issue de Google Maps en mode satellite.

J’avais admiré la belle finition de «  The 21 steps  » tout en trouvant à la longue assez difficile à suivre cette histoire semée sur la carte, et assez pénible dans la durée une lecture hachée par des manipulations. L’immersion dans la carte empêchait un peu l’immersion dans le texte, et le «  mi-chemin  » entre lecture et jeu ne fonctionnait pas très bien.

Est-ce que la plus grande soumission de la carte au livre qu’on peut observer dans Senghor on the Rocks est plus convaincante ? Difficile à dire avec un texte en allemand, que je lis mal, mes souvenirs de cette langue pourtant apprise ayant été fort mal entretenus.

J’avoue que je suis toujours un peu gênée lorsqu’on vient simuler un livre sur l’écran de mon ordinateur, je me souviens l’avoir déjà été il y a des années à la sortie du cédérom «  Le livre de Lulu  » qui utilisait lui aussi la métaphore du livre aux pages qui se tournent. Gênée, et en même temps séduite, la perfection de l’imitation ayant un fort pouvoir de séduction, un peu comme on admire un dessin très ressemblant : ce que l’on admire c’est la ressemblance, conçue comme une performance, même si le dessin est de peu d’intérêt.

Mais j’apprécie, ici comme dans l’expérience We tell stories, les efforts d’exploration autour du concept de livre numérique. Différentes manières de tirer les conséquences de la nouvelle disponibilité du texte, et le désir de le confronter aux autres formes de représentation : ici, la carte, figuration de l’espace, qui tente de s’articuler avec l’espace de la fiction.

Germanophones qui passeriez ici, dites-nous ce qu’il en est de l’expérience de lecture proposée par Benda !

Un pour toi, un pour moi – suite

On a déjà évoqué ces drôles de petites machines blanches et vertes, développées dans le cadre du projet OLPC (One Laptop Per Child). L’objectif de départ c’était un ordinateur à cent dollars… En réalité, la machine en coûte 200, et il vous en coutera 399 $ (ou £275 ) pour en acheter… deux. Une pour vous, et une pour un enfant d’un pays en voie de développement, dans le cadre de l’opération «  give one, get one  ». Amazon s’est associé à l’opération, aux Etats-Unis et au Royaume Uni. Le site Amazon.uk est destiné à tous ceux qui souhaitent participer à l’opération en dehors des Etats-Unis, y compris la France, comme l’explique le blog (non officiel) Planet OLPC, qui agrège des interventions de salariés et de volontaires du programme OLPC.

Mais il y a d’autres façons de participer au projet, que l’on soit enseignant, développeur, testeur, traducteur,  ou simplement volontaire : tout est dit sur ce wiki.

Réseaux sociaux avec éditeurs

On l’a dit déjà : avec le numérique, il sera de plus en plus difficile de parler de chaîne du livre, comme on le faisait couramment jusqu’à présent. Chacun des maillons de cette chaîne ne «  parle  » qu’aux maillons qui voisinent directement avec lui. Non, avec le numérique, on va plus volontiers parler de réseau, et ce, même en ce qui concerne les livres imprimés. Chacun des nœuds d’un réseau peut virtuellement entrer en contact avec tous les autres. Pour les éditeurs, il existe aujourd’hui des moyens d’entrer en contact direct avec leurs lecteurs. J’en vois qui s’inquiètent, qui voient les éditeurs arriver avec leurs gros sabots, et venir polluer les discussions sur le réseau avec des messages promotionnels, rédigés en pure marketing-langue. Essayer de transposer sur internet des pratiques marketing héritées du XXème siècle est une aberration. On l’a vu avec quelques exemples célèbres de faux blogs. Faudrait-il alors s’interdire de se saisir en aucune manière d’une opportunité aussi formidable pour entrer en contact avec ses lecteurs ?

A l’heure où Le Monde fait découvrir twitter à ses lecteurs, certains éditeurs ont déja de nombreux «  following people  » sur twitter. [ajout du 18/01/09 : en voici toute une liste sur un répertoire créé par Jeniifer Tribe.] Little, Brown and co, par exemple. Que peut bien twitter un éditeur ? C’est simple, il suffit de déchiffrer ses derniers tweets.

Le premier nous apprend que non content d’être sur twitter, Little, Brown and Co est aussi sur Facebook :

1 – «  Relaxing this weekend with THIS ONE IS MINE by Maria Semple. Become a fan of the book on Facebook : http://tinyurl.com/65aapr

Le ton est direct : besoin de vous relaxer ce week-end ? Lisez donc This one is mine par Maria Semple. Et devenez fan du livre sur Facebook. C’est bien de la promo. Mais le ton est simple et direct, personnel. Et personne n’est obligé de suivre LB & co sur twitter : celui qui le décide est à priori intéressé par de l’info sur les publications de l’éditeur.

2 – «  @lovebabz Sounds divine. Have a great relaxing day.  » – Un message qui commence par @ suivi d’un pseudo twitter : c’est donc qu’il y a bien des échanges. Qui est lovebabz ? Il semble que c’est une mère de famille, blogueuse, qui twitte des trucs comme : «  Good Morning ! Well it’s not raining ! Getting children ready for church. Greg is playing the bells this morning in the Boys Choir  » (Bonjour ! Super, il ne pleut pas ! Je prépare les enfants pour partir à l’église. Greg joue des cloches ce matin dans le choeur des garçons)

3 – «   @bookingmama posts video of Anita Shreve discussing the origins of TESTIMONY http://tinyurl.com/64nm6m  » Liens, liens, liens : Un tweet qui signale que «  bookingmama  » a posté une vidéo d’Anita Shreeve. Quelques clics d’enquête plius loin : Bookingmama est une blogueuse du livre, (sharing ideas on books and bookclubs – and occasionnally some other things – partageant des idées à propos de livres et de clubs de lecture, et occasionnellement à propos de quelques autres choses). Bookingmama a effectivement posté une vidéo dee l’auteur sur son blog, issue de YouTube. Allons-voir sur YouTube d’où vient cette vidéo.

Elle vient de BookVideos.tv , et je passe un bon moment sur leur site, pour voir un peu ce qu’ils font en matière de «  story behind the story  ». Le site est très bien fait : une offre directe aux éditeurs avec deux types de vidéos, l’un  économique et l’autre plus cher, et l’indication des sites partenaires sur lesquelles sont diffusées les vidéos parmi lesquels Amazon, Facebook, Barnes & Noble, iTunes, Google, Yahoo, AOL etc, et la lise des éditeurs clients : Simon & Schuster, Random House, Broadway Books, Chronicle Books, Ten Speed Press, W.W. Norton & Company, Thomas Nelson, Loyola University Press, Penguin, Hachette, Holtzbrinck, Bantam Dell, Doubleday, Sports Illustrated, Oxmoor House, Macmillan, Henry Holt and Company, Dorchester Publishing, John Wiley & Sons.

Les gens de Little Brown auraient tout aussi bien pu envoyer directement un tweet avec un lien vers la vidéo qu’ils ont certainement eux-même commandée, mais d’y renvoyer sur le blog d’une lectrice est bien plus efficace : la vidéo sera aussi bien vue, cela donne de la visibilité à ce blog, cela insère l’éditeur dans la blogosphère, car il contribue à tisser des liens entre ses membres.

4 – «   @highhiddenplace Enjoy ! Same to you re : giveaway and fun temporary tattoos. :)  » Ok, cette réponse de @littlebrown à @highhiddenplace semble être une plaisanterie, mais je ne parviens pas à la traduire. (Une suggestion ?) Hop, allons lire les tweets de @highhiddenplace. Un message vers @littlebrown les remercie pour leur envoi d’un livre. – «  Received my copy of THIS ONE IS MINE yesterday. It looks wonderful and I can’t wait to read it. Thank you again ! «   @highhiddenplace blogue depuis 2001, c’est aussi une mère de famille, elle alterne sur son blog des notes de lecture et des photos de ses enfants. J’y apprends qu’il y a un réseau ning dédié aux blogs de livres : http://bookblogs.ning.com/.

Je vois que tout comme @lovebabz, @highhiddenplace participe à un concours d’écriture en ligne, qui pourrait faire l’objet d’un prochain billet.

Je pourrais continuer longtemps, mais l’exercice est assez concluant, et ce billet vraiment trop long : en quelques clics, sur quelques tweets, on voit comment se tisse autour d’un simple fil twitter un réseau d’échanges, avec des gens qui partagent via le web leurs lectures et parfois leurs projets d’écriture, sans prétention. Un éditeur qui joue le jeu, envoie ses livres, entretient un dialogue. Et l’utilisation tous azimuts des sites sociaux : twitter, youtube, facebook.

J’ai trouvé le lien vers la page twitter de Little Brown dans ce billet de Kassia Krozser sur Booksquare, dont voici un extrait :

«  Personne ne peut atteindre vos clients mieux que vous parce que personne ne connait vos livres et ce qui les caractérise mieux que vous (exceptés, oui, vos auteurs ; ils jouent un rôle dans ce processus, bien sûr). Il n’y a pas de bonne façon pour faire cela. J’aime ce que des éditeurs comme Little, Brown and Co font sur Twitter, parlant de livres et s’entretenant avec les lecteurs (un bon point pour leurs fréquentes offres d’envois de services de presse). Je trouve agréable que des éditeurs comme Unbridled Books mettent leur point d’honneur à entrer en contact et à discuter avec des gens comme moi de façon régulière, – même les contacts commerciaux conservent une touche personnelle.  »

Katia a raison, il n’y a a pas de «  bonne manière  » de faire cela. Il faut juste se lancer, oser l’expérimentation.

« Le carnet d’or » de Doris Lessing annoté en ligne par 7 lectrices

«  Le carnet d’or  » de Doris Lessing. Mon exemplaire de ce livre est probablement resté quelque part dans l’ancienne maison familiale, sa reliure bleue toute rayée de pliures. J’ai du l’y laisser en partant pour que mes sœurs plus jeunes le lisent à leur tour. Le carnet d’or : Molly, Anna, Maman Sucre, Londres, le féminisme, la psychanalyse, l’engagement politique, l’écriture. Je relis en anglais ici les premières pages du premier chapitre, et je retrouve Molly et Anna, j’ai le sentiment de retourner des années après dans le même appartement, pour écouter la conversation de ces deux femmes.

«  Le carnet d’or  » – The Golden Notebook – est intégralement en ligne, selon un dispositif qui permet à sept lectrices d’annoter le texte, menant une lecture collective et une conversation à propos de cette lecture en regard de chaque page. Les visiteurs du site peuvent, eux, s’exprimer dans un forum.

Un projet qui rappelle le dispositif de CommentPress, une interface remarquable dédiée à la lecture partagée, qui illustre bien les idées développées par Bob Stein sur le blog d’If:book (the Institute for the Future of the Book). Rien d’étonnant, ce site est un projet co-réalisé par If:book et Apt, agence anglaise qui se présente ainsi :

APt est une agence de consultants en design et marketing, avec une expertise spécifique dans la conception et la production de projets web et nouveaux medias, pour des clients du monde de l’édition et de l’art.

À suivre : lancé depuis lundi, le projet va s’étaler sur une durée de 5 à 6 semaines.

Voir aussi : cet article sur le «  blogbook  » du Guardian (via Alain Pierrot sur twitter)

Le dernier des écrivains heureux

Préparant une intervention que je dois faire la semaine prochaine à l’HEAD de Genève, dans un séminaire qui porte le nom prometteur de CCC – critical curatorial cybermedia, je décide de commencer par parler du cloud computing. Quelques slides plus tard, faisant une pause, je reprends la lecture de «  Docteur Pasavento  » d’Enrique Vila-Matas. Je tombe sur ce passage, que je décide de recopier immédiatement en exergue de ma présentation :

Il a de nouveau levé les yeux puis il a dit : « Je suis le dernier des écrivains heureux. » J’allais l’interroger sur le sens de la phrase quand il a ajouté : « Par exemple, j’adore les nuages. Un nuage peut être aussi sociable qu’un bon compagnon muet. »

Sont-ils des «  écrivains heureux  », ceux qui nous ont lu leurs textes vendredi ? Je devrais demander à mon fils, qui est venu les écouter avec moi, et qui planche aujourd’hui sur un commentaire de Sénèque, discutant du bonheur. Ils m’ont procuré en tout cas, chacun, un vrai moment de bonheur, je ne le dis pas dans mon billet précédent, c’est idiot.

Modération

Heureusement, il y a eu la pause. Comment autrement prendre la parole juste après la rafale de lectures (14 auteurs, 4 mn chacun…) qui a inauguré la rencontre d’hier soir ? Pas auteur, moi. Moi, blogueuse, invitée à modérer le débat qui suivait, intitulé «  publie.net, le contemporain s’écrit numérique  ». Je ne sais pas si j’ai vraiment modéré, je crois bien malheureusement que je me suis contentée de continuer en live, avec l’équipe de publie.net, devant le public du centre Cerise, les nombreuses discussions entamées sur teXtes et ailleurs…

Je reproduis ci-dessous les quelques mots que j’ai prononcés pour lancer le débat, en m’excusant auprès de ceux qui me font la grâce de lire régulièrement ce blog, car j’y reprends certaines remarques déjà faites sur teXtes, au fil des derniers billets.

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Lorsque je lisais, enfant, je me fichais bien des auteurs. J’ignorais l’existence de l’éditeur. J’avais entre les mains un livre, un objet tangible, infiniment désirable, et ouvert sur l’infini.
Il y avait l’histoire, les mots, la langue. Surtout l’histoire, au début. Les personnages. Leurs aventures.

Lire, c’était se retirer, loin du boucan de la famille, de la fatigue du commerce avec autrui, du souci de soi. C’était une affaire de solitude et d’imagination. C’était ce délice de voyager sans bouger, de faire des rencontres sans devoir me présenter, d’avoir peur sans courir de danger. D’écouter les bruissements et les grondements du monde extérieur, encore bien à l’abri dans mon enfance.

Puis refermer le livre, vivre et grandir, et me dire parfois que oui, curieusement, la vie ressemble bien à ce qu’en disaient les livres.

Aujourd’hui, les livres sont toujours infiniment désirables, et, ceux que j’aime, toujours ouverts sur l’infini, toujours bruissant des grondements du monde. Mais ces livres, aujourd’hui, sont entourés de présences. Je ne me fiche plus des auteurs. Les auteurs vivants ne sont plus seulement des noms inscrits sur la couverture, la tranche et la première page des livres. De plus en plus souvent, il m’importe d’en rencontrer un, de me mêler à la petite foule d’une librairie le soir où l’un d’entre eux s’y rend pour donner une lecture, répondre à des questions. Le nom sur la couverture trouve alors un visage, des gestes, une voix. Le passage que l’auteur lit ce soir-là aura toujours ensuite, lors d’une lecture ou d’une relecture, en face à face avec le livre, un statut différent, il fera entendre une musique particulière. Certains auteurs, je les rencontre autrement. De plus en plus nombreux, les auteurs sont présents sur le web. Ils tiennent un blog, alimentent un site, contribuent à une revue en ligne. Pour certains, leur blog ou leur site est, pour reprendre une image de François, comme l’atelier du luthier, qui donne sur la rue : le passant peut s’approcher, et, à travers la vitrine, le regarder travailler. La table du violon est encore en bois blanc, il n’a pas reçu ses couches de vernis. Il n’est pas prêt encore à vibrer au creux de l’épaule d’un soliste, mais il est là, visible, en devenir.

Derrière les livres il y a des gens. On peut les rencontrer, réellement ou virtuellement. Il y a les auteurs, mais aussi les éditeurs, les libraires, les bibliothécaires, les lecteurs. Et le web permet aujourd’hui un échange sans précédent avec ces gens qui écrivent, qui éditent, qui font circuler et qui lisent les livres que nous aimons.

Derrière publie.net, il y a des gens aussi. Ils sont là, et je vais leur laisser la parole.
Il y a François l’infatigable, il y a le désordre magnifique de Philippe, la patience et le brio de Fred, l’expertise de Xavier et Julien, le talent et la passion de bien d’autres, auteurs ou collaborateurs.

Leur atelier est ouvert : vous pouvez assister, en très léger différé, sur désordre.net à la création des visuels de couverture des livres numériques diffusés sur publie.net. Tiers-livre tient la chronique, qui rebondit de blog en blog, de billet en commentaire, d’un métier qui s’invente : l’édition nativement numérique. Les questions sont nombreuses et passionnantes : esthétiques et techniques, mais aussi juridiques et économiques.

Le catalogue est là. La plateforme existe. Les auteurs répondent présent. Les téléchargements se font. Les bibliothèques se connectent. La littérature contemporaine s’écrit numérique. Elle s’écrit sur publie.net, et ce depuis bientôt un an.

(photo : www.atelierduviolon.com )

Comment on enlève ce truc ?

Ça m’est arrivé. Ça vous est arrivé. On achète un objet, bien présenté dans un emballage transparent. Au moment de l’ouvrir : cauchemar. On cherche la languette, les pointillés, on gratte le carton, on essaye de soulever le plastique. Rien n’y fait. L’objet semble nous narguer derrière sa paroi plastifiée. On cherche longtemps une paire de ciseaux, on en trouve une, on découpe, on n’a pas découpé assez près, on recommence. On maudit le type qui a inventé ce truc. On inventerait bien une nouvelle peine, spéciale, très cruelle, pour le designer responsable de l’enfermement de la lampe de poche, du jouet, de la clé USB, du machin qu’on vient d’acheter et qu’on n’arrive pas à sortir de son emballage. On est très énervé. Et saviez-vous que cet énervement avait un nom ?

Je l’apprends sur la page d’accueil de la version américaine du site Amazon. (Oui, c’est un billet spécial USA à cause des élections, vous l’aviez deviné ?)
Cet état nerveux spécifique, et très désagréable, c’est la «  Wrap rage  ». Et pour combattre la «  Wrap rage  », Amazon nous annonce une initiative pluri-annuelle baptisée : Amazon «  Frustration-Free Pacakaging  », même pas besoin de traduire…

Amazon ne veut pas que ses clients s’énervent sur les emballages. Amazon dit stop. Et annonce que la société va travailler avec des entreprises (Fisher Price, Mattel, Microsoft, Transcend) pour livrer des produits emballés dans des dispositifs moins encombrants, plus faciles à ouvrir, recyclables, exempts de plastiques indéchirables et de fixations métalliques.

Pour illustrer son projet, Amazon présente une vidéo montrant le déballage d’un même jouet : à gauche, un emballage plein de pièges et générateur de wrap rage, à droite un emballage «  frustration free  ». Et, parce qu’Amazon sait ce que c’est que l’UGC, ses clients sont invités à envoyer eux aussi sur sa Gallery of wrap rage des photos et des vidéos montrant des exemples d’emballages super énervants…

Ils sont super énervants chez Amazon. Ils ont de bonnes idées. Ils nous donnent la Amazon rage.